[Patrimoine des BU] Dominique-Alexandre Godron (1807-1880) et ses livres

 
Publié le 4/11/2024
Dominique-Alexandre Godron (1807-1880)

Des recherches effectuées dans la réserve précieuse des fonds patrimoniaux des bibliothèques universitaires de Lorraine, ainsi que dans les magasins de la BU Sciences et Techniques et de la BU Santé, ont permis d’identifier 269 livres portant le tampon « Bibliothèque de D. A. Godron ». Mais qui était cet ancien possesseur ?

 

Dominique-Alexandre Godron est né en 1807 à Hayange, en Moselle. Devenu docteur en médecine en 1833, il s’installe à Nancy, où il exerce comme médecin de ville tout en s’intéressant de plus en plus à la botanique. Docteur ès sciences en 1844, il obtient en 1854 la chaire d’histoire naturelle de la nouvelle Université de Nancy, tout en devenant le premier doyen de la Faculté des sciences. La même année, D.-A. Godron prend la direction du Jardin botanique de la ville de Nancy, qu’il s’attache à réaménager et qui porte aujourd’hui son nom. Il conserve une activité scientifique jusqu’à la fin de sa vie et s’éteint à Nancy en 1880.

 

Les livres ayant appartenu à D.-A. Godron peuvent être classés en deux entités distinctes : une bibliothèque médicale, et une bibliothèque de sciences naturelles. La bibliothèque médicale de D.-A. Godron fut donnée à la nouvelle Faculté de médecine de Nancy peu de temps après son institution par décret en 1872, suite au « transfèrement » de la Faculté de médecine de Strasbourg consécutif à l’annexion des territoires alsaciens et mosellans. En l’absence de marques de provenance, il est impossible de se faire une idée précise du volume et du contenu de la collection, disséminée dans le magasin de la BU Santé. La situation est différente pour la bibliothèque de sciences naturelles de D.-A. Godron, donnée à la Faculté des sciences de Nancy à sa mort, en 1880. Ces livres portent tous un tampon ex-dono « Bibliothèque de D. A. Godron » apposé au verso de la page titre. Au nombre de 269 volumes pour 204 titres d’après l’état actuel de nos recherches, ces livres sont aujourd’hui conservés dans deux bibliothèques de l’Université de Lorraine : pour ceux publiés avant 1830, dans la réserve centralisée à la BU Lettres et SHS, à Nancy (119 volumes) ; pour ceux publiés après 1830, à la BU Sciences et techniques, à Villers-lès-Nancy (150 volumes).

 

D.-A. Godron possédait plusieurs livres de botanistes éminents de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle qui ont non seulement fortement influencé la constitution de la botanique en tant que discipline scientifique, mais qui ont aussi défendu, avant lui et en des termes variés, la théorie du caractère fixe, immuable, et permanent des espèces. Il s’est résolument inscrit dans le sillage d’Augustin Pyramus de Candolle (1778-1841), Georges Cuvier (1769-1832), ou Pierre Flourens (1794-1867). On compte tout de même, dans sa bibliothèque, deux titres du botaniste suédois Elias Fries (1794-1878), un tenant, comme Lamarck puis Darwin, de ce que ce dernier devait appeler la « théorie de l’évolution ». Néanmoins, D.-A. Godron ne possédait, apparemment, aucun livre de Darwin. Il n’est d’ailleurs pas sûr qu’il ait immédiatement pris la juste mesure de l’événement scientifique sans précédent que devait constituer la publication à Londres, en 1859, de L’Origine des Espèces de Darwin. La publication du livre de Darwin, appelé à un succès colossal et inégalé pour une œuvre de sciences naturelles, a surtout fait de l’ombre à la publication par Godron, la même année, d’un livre sur le même sujet, mais aux thèses opposées : De l'Espèce et des Races dans les êtres organisés et spécialement de l'unité de l'espèce humaine (1859), où Godron défend la thèse déjà ancienne d’une continuité des espèces, et qui passa relativement inaperçu.

 

Cette bibliothèque bipartite et éclatée est donc celle d’un médecin et d’un botaniste savant de la première moitié du XIXe siècle, dont les connaissances scientifiques et les références bibliographiques puisent souvent dans des travaux d’auteurs nés au siècle précédent. D.-A. Godron s’est attaché à l’étude de la botanique selon une approche classique, résolument théorique et scientifique, en tant que branche des sciences naturelles, davantage qu’il ne s’est intéressé à ses applications économiques ou commerciales. Si son travail dans le domaine de l’hybridation et des herborisations trouve une certaine postérité, en particulier dans les efforts qu’il a consacrés au réaménagement du Jardin botanique de Nancy, les études d’ordre plus général de D.-A. Godron ne sont, quant à elles, pas exemptes de considérations profondément renouvelées par la révolution épistémologique induite par les thèses darwinistes dans la seconde moitié du XIXe siècle.

 

Sources :

·         Paul Fliche, « Notice sur D.-A. Godron, sa vie et ses travaux », Mémoires de l’Académie Stanislas, 1886, pp. 148-232.

·         Frédéric Gross, « La Faculté de médecine de Nancy de 1872 à 1914 », Mémoires de l’Académie Stanislas, 1922-1923, pp. 9-109 (ici p. 30), en ligne

·         Pierre Poles, Le Transfèrement de la Faculté de Médecine de Strasbourg à Nancy en 1872, thèse présentée et soutenue publiquement dans le cadre du troisième cycle de Médecine Générale le 30 juin 1997, Université Henri-Poincaré, Nancy 1, Faculté de Médecine de Nancy, 1997, dactyl.

Dominique-Alexandre Godron (1807-1880)