Vincent Goulet : Comment des militants socialistes se sont-ils représentés les "publics populaires" des médias (approche historique) ?

 
Date(s): 
Mardi 17 décembre 2013 - 14:00
Lieu(x): 
MSH Lorraine – salle internationale
91 avenue de la Libération
Nancy

Séminaire organisé par le CREM (pôle Praxis)

Vincent Goulet (CREM)

discutant : Christian Lamour (CREM)

Le séminaire 2013-2014 du pôle Praxis (CREM) se focalise sur la notion de « publics » dans le contexte actuel d’éclatement des modèles culturels, sociaux et économiques ; contexte dans lequel sont associées prise en compte de spécificités locales et volonté de diffusion des messages à l’échelle mondiale. À l’heure où les pratiques et les usages brouillent la division entre producteurs et consommateurs de contenus, il nous semble fondamental d’examiner les publics : publics projetés, publics catégoriels, publics effectifs. Notre analyse nous conduit à observer cet objet dans une certaine temporalité afin d’en déceler les évolutions voire les éventuelles mutations.

D’une part, nous proposons une analyse des représentations idéelles des publics ; nous cherchons à comprendre comment les agents de médiations envisagent, pensent et construisent leurs publics. En d’autres termes, nous nous intéressons au décryptage des mécanismes de construction des représentations communes des publics dans les institutions, les médias et les entreprises. Pour cela, nous envisageons les processus de constitution des publics par des méthodes opérationnelles (marketing, mesure d’audience, sondages, etc.) et par l’imposition des logiques managériales, juridiques et normatives. Nous interrogeons également les outils développés par les décisionnaires pour appréhender leurs publics ainsi que l’instrumentalisation des résultats produits par ces dispositifs de mesures. Nous supputons que les représentations ainsi forgées constituent des arguments de poids pour impacter les stratégies de communication des organisations. In fine, une question se pose : dans quelle mesure les représentations des publics influencent-elles les attentes supposées des décideurs, le positionnement stratégique des producteurs ou encore les outils développés par les décisionnaires ?

D’autre part, il convient également d’étudier les écarts entre les attentes supposées – du côté des décideurs – et les attentes réelles des publics. Les représentations des publics ont-elles des effets émancipateurs ou au contraire aliénants sur les publics et les individus ? Sans revenir sur le débat à propos de l’instrumentalisation de la communication, l’ajustement entre les instances productrices et réceptives est à penser. En effet, pouvons-nous encore conserver la terminologie « producteur » et « récepteur » alors que ces termes renvoient au schéma, aujourd’hui sans doute limitatif, d’un contenu achevé avant d’être transmis tel quel à un destinataire passif ? La caractérisation des publics se révèle alors comme une étape fondamentale dans notre projet. Que signifie faire public aujourd’hui ? Quelles typologies des publics pouvons-nous structurer ? Quels savoirs la classification des publics produit-elle ? Cette tentative de modélisation des publics s’accompagne de l’étude de la circulation des discours dans le monde social avec une prise en compte du rapport au commun, au collectif, au communautaire. Ces communautés, qu’elles soient volontaires ou impulsées, suggèrent un élargissement de la participation aux propositions médiatiques, politiques et institutionnelles. Que nous apprennent les publics sur les notions de co-création, de contribution, de collaboration, de partage de sens ?

Enfin, ces questions nous poussent à envisager les évolutions récentes des publics et les transformations supposées des pratiques. Dans une certaine mesure, les usages, pratiques et comportements observés des publics ne peuvent-ils pas être considérés à présent comme des phénomènes de réception ? Le concours des publics à l’intérieur des productions est encouragé, voire stimulé par un accès facilité et démocratisé. Mais cette participation révèle-t-elle un lien singulier qui s’établit entre les producteurs – leurs contenus – et les publics ou opacifie-t-elle les délimitations de domaines de ces acteurs ? Plus encore que les effets de la réception des contenus sur les publics, nous interrogeons ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler la relation qui lie les producteurs de contenus, les contenus et les publics. Ce dispositif tripartite s’apparente à des hybrides de production et de réception, et par conséquent, demande à faire évoluer la notion de publics.

Ce projet de recherche participe de la clarification définitionnelle du vocabulaire associé à la terminologie « publics » (usagers, clients, audience, masse…) dans les Sciences humaines et sociales. À ce titre, il concerne les différents axes d’investigation des membres du pôle : médias et interculturel, communication touristique, publics à la croisée des champs de la santé et des technosciences.