[Interview] Charline Dubois, étudiante en situation de handicap : ses défis à relever dans le monde de la recherche

 
Publié le 3/05/2023
Photo de Charline Dubois à son poste de travail

Factuel est allé recueillir la parole de Charline Dubois, une étudiante en situation de handicap à l’Université de Lorraine. Elle a pu nous confier son parcours dans l’enseignement supérieur, son ressenti et sa vision de l’avenir.

Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Charline Dubois : Je suis une étudiante en situation de handicap en troisième année de licence Sciences pour la santé au sein du parcours Ingénierie biomédicale à la Faculté de médecine, maïeutique et santé à Nancy. Je souffre d’une maladie dont le traitement provoque une dystonie généralisée. Cela se caractérise par des contractions musculaires involontaires prolongées, limitant de ce fait mes capacités motrices. Toute manipulation fine est dès lors impossible et provoque, du même temps, des troubles de l’élocution.

Quel a été le cheminement qui vous a conduit spécifiquement dans cette filière ?

C. D. : Après des études de médecine vétérinaire auxquelles j’ai dû renoncer, j’ai décroché une licence de Sciences de la vie spécialités Biologie cellulaire et physiologie animale à la suite de laquelle j’ai décidé de me réorienter en Ingénierie biomédicale afin d’allier biologie et ingénierie.

Cette ambition professionnelle a dû être concrétisée par un stage en cette troisième année. Quels ont été les moyens déployés par la structure d’accueil ?

C. D. : Mon projet professionnel va dans le sens du stage que j’effectue actuellement à la plateforme Imagerie de l’Unité mixte de service Ingénierie-biologie-santé en Lorraine (IBSLOR, dont Iouri Motorine est le directeur) au profit d’un nouveau dispositif biomédical en lequel je crois réellement, le micro incubateur MIBA de BIOSITECH. De nature curieuse, investie et ayant soif de connaissances, la perspective d’effectuer des recherches qui vont, je l’espère, aider à l’implantation dudit dispositif sur le marché européen et apporter un espoir pour les générations futures me motive. Le travail s’effectue en télétravail et en autonomie partiels, cela en lien permanent avec mon tuteur, Dominique Dumas, qui répond instantanément aux éventuelles questions que je lui pose par écrit. Chaque soir, je lui transmets un compte-rendu afin qu’il visualise mon avancée par rapport au sujet et aux tâches qui me sont confiées.

Photo de Charle Dubois à son poste de travail

Est ce qu’il y a des difficultés auxquelles vous avez été confrontée durant ce stage et comment avez-vous fait pour les surmonter ?

C. D. : La plus grosse difficulté ne relève pas, à mon sens, du handicap mais bien de la complexité du sujet, un sujet qui me plaît, et qui est un challenge que j’ai bien évidemment choisi et accepté. Vouloir implanter un nouveau dispositif biomédical implique une bonne compréhension de son fonctionnement et de sa finalité. J’ai donc dû faire de nombreuses recherches et Dominique Dumas me redirige lorsque je m'éloigne trop, me guide lorsque je me perds. À l’heure actuelle, je comprends son fonctionnement et ai commencé à établir une liste d’acheteurs potentiels dans les secteurs porteurs.
J’avais également peur de ne pas en faire assez, d’être trop lente, un point sur lequel Dominique Dumas m’a rassurée. Un de mes atouts dans le domaine de la recherche est que je suis bilingue : j’écris, comprends et « parle » couramment anglais et français. Étant par ailleurs traductrice bénévole pour une association de patients, je suis habituée au vocabulaire scientifique. En effet, je participe et assiste à des conférences au niveau national et européen, menées en anglais ou français, puis rédige des articles sur le contenu de ces conférences à destination des personnes francophones intéressées.

Quelles perspectives ce stage et votre formation vous ouvrent pour l’avenir ?

C. D. : Malgré mon handicap et ses contraintes, je m’épanouis dans le milieu universitaire et m’épanouirais sans doute davantage dans le monde professionnel de la recherche et du développement. C’est pour cela que j’ai pour projet d’intégrer un master en ingénierie biomédicale ou en biologie intégrative et physiologie et, pourquoi pas, d’aller jusqu’au doctorat.

Monsieur Dumas, vous accompagnez Charline dans ce stage. Qu’est-ce qu’accueillir une personne en situation de handicap apporte à votre équipe ?

Dominique Dumas : La présence de Charline et sa situation de handicap sur la plateforme technique d'imagerie apporte un regard nouveau à notre métier qui nécessite souvent une approche très expérimentale et exclusivement instrumentale. Charline ne peut expérimenter au sens premier et a souhaité malgré tout réaliser son stage sur un sujet lié à l'instrumentation biomédicale destinée à la R&D en biologie. Le sujet de stage a été construit autour des points forts qu'apporte Charline : une dimension internationale sur la recherche des utilisateurs en anglais, une synthèse technique du dispositif breveté et une parfaite compréhension des enjeux sur le marché pour une analyse économique avec ses connaissances en biologie. Charline apporte ainsi des éclairages très différents sur un tel dispositif à visée biomédicale la concernant à terme. C'est pour notre équipe une réelle opportunité de dépasser nos simples préjugés et de l'accompagner comme tout autre membre de l'équipe qui est motivé et a le sens du travail bien accompli !

Photographies réalisées par VCCVWorks

Photo de Charline Dubois à son poste de travail
Photo de Charline Dubois à son poste de travail