Vendredi 12 octobre, Mark SaFranko s’est un peu plus engagé dans le projet de résidence d’auteur internationale initié par l’Université de Lorraine. Pendant quelque trois heures, l’auteur américain a animé un premier atelier d’écriture créative auprès des étudiants nancéens. Récit.
Un peu avant 14 heures, quelques étudiants studieux sont déjà installés dans la petite salle indiquée par le programme. Très vite, des coups d’œil mi inquiets, mi amusés s’échangent autour de la table alors que davantage de personnes arrivent pour ne trouver que des chaises occupées. Malgré tout, des conversations se forment entre les étudiants, et à l’arrivée des organisatrices de l’atelier d’écriture, enseignantes au LANSAD, tout ce petit monde est naturellement redirigé vers la salle voisine – bien plus grande. Leila Haghshenas et Claire Mckeown s’assoient de chaque côté de Mark SaFranko, dos à deux étagères de DVD et de livres alors que la petite vingtaine d’étudiants est invitée à prendre place face à eux sur des chaises disposées à leur convenance. L’ambiance est détendue tandis que Claire Mckeown annonce le programme de cette première séance, qui consistera principalement en une session de questions/réponses. Très vite cependant les plaisanteries autour de la bureaucratie française, dont l’auteur pourrait probablement gentiment se moquer dans un de ses futurs romans, laissent la place à une conversation plus grave, que les étudiants absorbent religieusement.
Apprentis écrivains
Lancé par Claire Mckeown, Mark SaFranko entame un récit de ses années sombres à enchaîner les boulots minables, à questionner ce pourquoi il n’arrive à vendre aucun de ses écrits… Mais surtout, l’auteur parle de ses inspirations littéraires -Henry Miller, Georges Simenon…- et distribue ses conseils d’écrivain. C’est surtout cela qui intéresse les étudiants. Un peu après 15 heures, c’est à leur tour de poser des questions. Certains restent en retrait, peu à l’aise avec la langue anglaise, qu’ils regrettent de ne pas avoir très bien comprise pendant l’heure précédente. D’autres, plus aguerris, se jettent à l’eau. L’auteur s’est-il déjà senti découragé alors qu’il cherchait à devenir écrivain ? Comment ses idées d’histoires lui viennent-elles ? Comment crée-t-il ses personnages ? On peut sentir le désir d’écrire chez les étudiants, ou du moins une fascination pour l’idée de devenir écrivain. Et Mark SaFranko n’est pas avare de paroles quand il s’agit de parler d’écriture, au plus grand plaisir de son auditoire. A 16 heures, la session prend un autre tour : il est temps de mettre la main à la pâte – d’écrire. Leila Haghshenas dicte la situation initiale à laquelle les apprentis écrivains devront inventer une suite : « Dans les rues de Nancy, à la tombée de la nuit, votre personnage emprunte un passage étroit et croit être témoin d’un crime. Paralysé par la peur, il est incapable de faire quoi que ce soit. Après ça, il ne cesse de rejouer la scène dans sa tête. Que se passe-t-il ensuite ? ». Appâtés par ce début de nouvelle, certains étudiants se réunissent en petits groupes et commencent à discuter. Les plus hardis prendront le taureau par les cornes et écriront en anglais, c’est tout décidé. En tout cas, ils vont écrire, c’est ce pour quoi beaucoup sont venus. Les plus motivés se rendront aux prochaines séances d’écriture créative et -pourquoi pas ?- participeront au concours de nouvelle qui se tiendra à la fin de l’année.
Marion Henriet, étudiante en L3 LLCER Anglais
Des participants enthousiastes
Lors du recueil des impressions des participants, différentes motivations étaient mises en avant pour expliquer l’intérêt à prendre part à cet atelier. Pourtant, il y avait bien une envie commune : écrire. Voici quelques témoignages recueillis pendant l’atelier qui mettent en lumière les différents profils qui se sont réunis le vendredi 12 octobre autour du thème de l’écriture créative.
Sarah est étudiante en L1 de psychologie et a découvert l’atelier seulement quelques jours avant grâce à sa prof d’anglais. C’est justement son attrait pour cette langue qui l’a poussée à participer à l’atelier car cela lui permet de pratiquer plus que dans sa filière où elle déplore un manque de pratique de l’anglais. De plus, Sarah n’a encore jamais écrit autrement qu’en cours mais elle rêve au fond d’elle de pouvoir écrire pour son plaisir. Rencontrer Mark SaFranko a alors un double avantage pour elle. Suite aux questions-réponses, Sarah se rend compte de l’envers du décor et trouve même « déprimante la difficulté qu’a rencontré Mark SaFranko à se lancer en tant qu’écrivain ». Pourtant, le sourire affiché par Sarah ne trompe pas, elle n’est pas découragée et sa détermination à vouloir apprendre à écrire s’est ressentie lors de la partie écriture de l’atelier.
Lors des questions-réponses, une étudiante, l’air absorbé par le récit de l’aventure littéraire de l’auteur américain, arbore un tatouage en forme de plume d’écriture sur l’avant-bras gauche. Elle s’appelle Axelle. Lorsqu’on lui demande pourquoi ce tatouage, elle répond : « Pour moi l’écriture c’est tout ce qu’il te reste quand tu n’as plus rien. » Elle fait ensuite part de son admiration pour la littérature et l’ouverture qu’elle apporte sur le monde. Comme beaucoup d’autres participants, elle écrit déjà elle-même pour le plaisir.
François, quant à lui, n’est plus étudiant depuis quelques années mais il a appris l’existence de l’atelier, qui l’a tout de suite intéressé dans le but de rencontrer Mark SaFranko. En effet, François se qualifie de « poétastre », un néologisme qui pour lui représente l’idée de poète maudit. Il écrit depuis plusieurs années un recueil de poème mais n’arrive pas à se faire connaître car sa poésie, écrite dans une versification influencée par les grands auteurs du XIXe siècle comme Verlaine et Baudelaire, est selon lui trop éloignée des goûts de ses contemporains. Il ajoute en citant le philosophe Alain : « Je ne sais pas lire les poètes », pour expliquer son manque de reconnaissance dans le milieu littéraire. « Dandy », son nom de poète, illustre son thème de prédilection qui est la misanthropie. Il désire en ce vendredi montrer son art à Mr SaFranko mais le « poètastre » ne maîtrise pas la langue de Shakespeare. Un peu déstabilisé par la barrière de la langue, il dresse néanmoins un bilan positif de l’entretien avec l’auteur et apporte à son groupe l’expérience littéraire qu’il a acquise pour écrire la nouvelle à produire dans le cadre de l’atelier.
Finalement, beaucoup des participants, à l’instar de Claire, Agathe ou encore Ruzanna, recherchent des conseils d’écriture pour se lancer vraiment dans leur passion et apprendre cet art auprès d’un écrivain reconnu. Ils ont un point de départ pour écrire une histoire et une demi-douzaine de groupes se forment pour accomplir cet objectif. Stéphanie se fait la porte-parole de son groupe et nous explique que le sujet leur plaît beaucoup car il donne une direction tout en restant très ouvert. Tout ceci leur laisse une marge de manœuvre pour laisser s’exprimer leur imagination qui, peut-être, amènera toutes ces personnalités différentes et prometteuses à faire de leur attrait pour l’écriture une véritable passion, voire même leur métier.
Victorien Thomas, étudiant en L3 LLCER Anglais