Journées européennes du patrimoine
À l’origine de l’arbalète, Armes de jets de la Préhistoire au Moyen Âge... Une exposition, regards croisés entre archéologie et ethnographie
De la lance en bois aux premières arbalètes
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A l’occasion des journées européennes du patrimoine, trois archéologues, Jean Sainty, Denis Morin et Hélène Morin-Hamon présentent leurs travaux en archéologie expérimentale. Dans la continuité des recherches menées en paléométallurgie du cuivre, l’exposition qu’ils présentent en avant-première au Musée Minal d’Héricourt, a pour objectif de retracer la genèse des armes de jets et en particulier celle de l’arbalète. Elaborés, expérimentés à partir des fouilles archéologiques, sur la plateforme archéologie expérimentale du Mont Vaudois, plusieurs dizaines d’artefacts reconstitués seront présentés au public dans le cadre des journées européennes du patrimoine.
Meutrière, redoutable… C'est par cette dénomination d’arme du diable que l'arbalète était désignée en Occident au Moyen Âge. Apparue mille deux cents ans plus tôt en Chine, l'une d'entre elle, vieille de 2 200 ans, vient d'être découverte sur le site de Xian, dans la province du Shaanxi.
L’arbalète est toujours utilisée par certaines peuplades africaines. Pour autant, comment cette invention s’est-elle développée pour devenir cette arme redoutable, capable de projeter des traits ou carreaux : un projectile d’une portée utile capable d’atteindre 400 mètres, pouvant percer armures et abris en bois.
Revenons aux origins…L’Âge de pierre a sans doute été avant tout un Âge du bois. Des épieux tout en bois, à la pointe durcie au feu et exceptionnellement conservés jusqu’à nos jours sont connus dès le Paléolithique inférieur.
Vieilles de 65 000 ans, des pointes d’armes en pierre, récemment mises au jour dans une grotte d’Afrique du Sud, portent encore des traces de colle résineuse, preuve de leur fixation à des hampes en bois. La présence de colle implique que ces premiers hommes étaient capables de produire des outils composites. Au Paléolithique supérieur, à partir de -40 000 BC, Homo sapiens généralise l’emploi des matières dures animales. Dans ces matériaux, les artisans de l’Aurignacien (-40 à -28 000 BC) et du Gravettien (-28 à -22 000 BC) taillent des pointes de sagaies, avec une extrémité offensive et l’autre aménagée en biseau pour être fixée sur une hampe de bois de près de deux mètres, elle-même équipée d’un empennage. La sagaie est une arme de jet particulièrement précise et efficace.
Lancée à l’aide d’un propulseur, un engin inventé au Solutréen (vers -19 000 BC), la sagaie devient une arme de chasse performante. Le propulseur est un bâton muni à un bout d’un crochet ou plus précisément une butée, sur laquelle se cale la hampe d’une sagaie. Le chasseur saisit puis lance l’ensemble, et le propulseur, généralement retenu au poignet par une lanière, prolonge la poussée du bras comme un levier, catapultant le projectile jusqu’à près de 100 m de distance et ce avec une précision de 30 m. Certaines têtes de propulseur sont magnifiquement sculptées.
Les hommes du Magdalénien (-17 à -10 000 BC et au-delà) inventent le harpon. En matière dure animale, sa pointe, munie de barbelures qui la maintiennent dans le corps de la proie, est amovible. Elle se détache de la hampe à laquelle elle est toutefois reliée par un filin, ce qui permet de haler le gibier aquatique sur le sol. La technologie de l’arc apparaît à la fin du Paléolithique, vers -10 000 BC.
L’apparition de l’arc est une révolution. Á cette époque le recul des glaciers coïncide avec l’extension de la forêt. Au-delà de cette période, avec le Néolithique, apparaîtront agriculture, réserves alimentaires et propriété, avec leur corollaire : la guerre… et principalement les armes destinées à cet usage, jusqu’aux premières arbalètes du Moyen Âge.
Cette exposition est le résultat d’un travail collectif, à la croisée de l’archéologie et de l’ethnographie. La reconstitution des gestes effectués avec ces outils, la restitution des processus à l’origine de ces techniques procèdent d’un raisonnement pluridisciplinaire où l’expérimentation joue un rôle prépondérant sinon crucial. Les témoins archéologiques permettent en effet de retrouver les gestes techniques qui, eux-mêmes, sont révélateurs des compétences cognitives mises en jeu et ce, tant dans les pratiques quotidiennes routinières que dans ces moments tout particuliers de rupture où prend place l’innovation. Cette exposition permet enfin d’aborder de manière concrète cette discipline méconnue qu’est l’archéologie expérimentale qui consiste à partir des vestiges archéologiques de restituer des processus disparus, d’émettre des hypothèses puis de les vérifier de manière expérimentale.
L'exposition " De la lance en bois aux premières arbalètes" à travers ses pièces archéologiques, ses dessins, photographies et reconstitutions, retrace la longue épopée des principales armes de jet utilisées de la Préhistoire jusqu’au Moyen Âge. Elle est accompagnée de pièces plus récentes : lances, sagaies, arcs et carquois provenant de différentes régions d'Afrique.