Interview de Georgy Kichin, post doc russe de l’UniGR à l’institut Jean Lamour et Stéphane Mangin, enseignant-chercheur, Département Physique de la Matière et des Matériaux (P2M)
Lieu : Faculté des Sciences et Technologie de Nancy.
Date : 22.06.2017
Est-ce que vous pouvez vous présenter brièvement ?
GEORGY KICHIN (GK) : Je m’appelle Georgy Kichin et je suis post-doctorant en physique. Avant de commencer mes recherches ici, j’ai passé mon master et ma licence en Russie au Moscow Institute of Physics and Technology. J’ai réussi mon doctorat en Allemagne à la RWTH (Rheinisch-Westfälische Technische Hochschule) à Aix-la-Chapelle, mais en fait j’ai passé la majorité de mon temps à Jülich, le plus grand centre scientifique d’Allemagne situé entre Aix-la-Chapelle et Cologne. Après, je suis allé aux Pays-Bas où j’ai commencé à travailler sur le magnétisme, puis j’ai continué dans ce domaine quand je suis arrivé à Nancy.
Est-ce que vous pouvez résumer en quoi consistent vos recherches supervisées par Stéphane Mangin ?
GK : Ici nous réalisons des études sur la manipulation de l’aimantation par la lumière sur des couches minces (thin films). Le principe est de tirer un faisceau laser sur la matière et d’observer si le moment magnétique change d’orientation. Et nous essayons de comprendre pourquoi cela se passe comme ça.
STEPHANE MANGIN (SM) : Pour les personnes qui liront ceci, je pense que nous devrions essayer d’être un peu moins technique. Les matériaux magnétiques sont semblables à une assemblée de petites boussoles et il est bien connu que l’aiguille de la boussole est attirée par un champ magnétique, c’est la raison pour laquelle elle indique le Pôle Nord. Mais très récemment, nous avons découvert qu’il n’était pas forcément nécessaire d’utiliser un champ magnétique pour faire bouger l’aiguille de la boussole, il est possible de le faire grâce à la lumière. Georgy est spécialisé dans l’étude de l’interaction de la lumière avec ce type de matériaux magnétiques. Il essaye donc de comprendre comment il est possible de modifier la direction des boussoles grâce à la lumière. Ces études sont intéressantes pour 2 raisons, la première est fondamentale : nous essayons de comprendre comment cela fonctionne à l’intérieur de la matière. Ce sont les premières études de ce type et il s’agit de phénomène extrêmement rapide, bien plus rapide que lorsqu’un champ magnétique est présent. La deuxième raison provient du fait que ce type d’étude pourrait donner lieu à des applications dans le domaine du stockage de l’information. En effet sur un disque dur l’information est stockée sur de fines couches de matériaux magnétiques. Lorsque « les boussoles » à l’intérieur de la couche magnétique pointent dans une direction, cela définit un « 1 » et quand elles pointent dans la direction opposée un « 0 ».
Quels étaient vos missions principales ?
GK : L’idée est de comprendre ce processus, ce phénomène physique. Et pour cela nous réalisons des séries d’expériences en y intégrant différents paramètres qui nous permettront de savoir pourquoi ça arrive et de décrire cette réaction.
Pourquoi avez-vous choisi de venir à Nancy en particulier ?
GK : Je suis très content d’être venu à Nancy et de faire partie de l’Université de la Grande Région. A la base j’ai commencé mes recherches sur le magnétisme aux Pays-Bas au sein d’un autre groupe de travail, mais finalement ils ont décidé de changer leur domaine de recherche. J’étais très intéressé par ce champ d’étude : la manipulation du magnétisme en lien avec l’optique et j’ai alors cherché une opportunité de continuer ces recherches dans un autre endroit et peu après j’ai rencontré Stéphane Mangin à une conférence et il m’a donné la chance de pouvoir venir ici.
SM : Nous avons tout de même besoin de travailler avec des personnes de Kaiserlautern parce qu’ils sont très compétents dans ce domaine et nous travaillons aussi avec des personnes de Sarrebruck car ils possèdent un microscope spécial pour observer des choses à une très petite échelle, il s’agit du MFM.
GK : Ils ont d’autres équipements pour observer des microstructures et nous échangeons également des échantillons que nous analysons dans nos laboratoires respectifs, afin de comparer les résultats.
Votre contrat de post doc bénéficie du soutien de l’Université de la Grande Région, que pensez-vous de ce regroupement d’universités ?
GK : Je réalise beaucoup d’expériences, c’est pourquoi je passe la quasi-totalité de mon temps dans mon laboratoire pour ensuite analyser tous ces résultats d’expériences. Mais de temps en temps, nous avons besoins de discuter de certaines expériences même si nous n’avons pas besoin de le faire très souvent. De plus cela prend du temps de se rendre à d’autres endroits et pendant ce temps, on ne travaille pas. Par exemple, en Allemagne j’ai des contacts avec Philipp Piro, la personne qui occupait mon poste avant moi et qui travaille maintenant à Kaiserslautern dans l’équipe du professeur Burkard Hillebrands. Par contre il nous arrive d’organiser des ateliers de travail et des conférences pour nous retrouver tous ensemble, donc oui en ce sens je dirais que l’UniGR est une bonne chose.
Quelle a été votre expérience pendant votre séjour de recherche en Allemagne (Sarrebruck, Kaiserlautern) ?
GK : Les liaisons ferroviaires pourraient être meilleures, mais j’ai bien peur que vous ne puissiez rien y changer. Pendant mon doctorat, la langue que j’ai le plus parlée était l’anglais et j’ai également rédigé ma thèse dans cette langue. Le groupe de travail dans lequel j’étais était très international, mais ce n’était pas un problème, car la plupart de temps nous parlions anglais. J’ai un niveau plutôt intermédiaire en allemand, mais je ne l’ai pas pratiqué depuis longtemps. Et les allemands accordent beaucoup d’importance à « l’Ordnung » (l’ordre) et c’est là la plus grande différence que j’ai pu noter. Au final, c’est très enrichissant de comprendre comment les autres personnes fonctionnent au travail et comment elles se comportent en général. Je recommanderai cela aux autres post docs, une expérience internationale est toujours bonne à prendre.
Selon vous, y a-t-il des différences entre la Russie et la France en ce qui concerne le domaine de la recherche ?
GK : En général et aussi dans le domaine de la recherche, la Russie s’en sort mieux dans certains domaines et pour d’autres c’est moins bien. Nous avons quelques problèmes au niveau technique et concernant les machines que nous utilisons, c’est pourquoi nous ne pouvons pas tout faire en Russie. C’est une des raisons principales qui poussent la Russie à maintenir de bonnes collaborations internationales.
Quand votre contrat arrivera à son terme, que ferez-vous ? Est-ce que vous pensez rester dans la Grande Région ?
GK : Nous prévoyons de finaliser ces recherches, car même si nous avons des résultats, nous devons les vérifier et les rassembler afin de produire un rapport.
SM : En fait, grâce au support de l’UniGR nous avons pu étendre la durée du contrat de Georgy d’une année supplémentaire, car nous avons reçu des fonds. Mais il est vrai que pour n’importe quel scientifique, 1 an reste une période très courte.
Avez-vous déjà été en contact avec l’Université de Liège et du Luxembourg ?
SM : C’est quelque chose qui est en discussion, mais Georgy est venu à la base pour travailler davantage à Nancy. Et par la suite, il pourra réaliser d’autres simulations pour ces expériences à Liège et au Luxembourg, il pourra notamment tester une autre technique : neutron scattering (la diffusion des neutrons). Je suis en contact avec ces personnes et l’année prochaine, Georgy pourra peut-être travailler avec eux. Les discussions et les collaborations avec les groupes de recherche des universités de la Grande Région sont toujours très actives comme le prouve l’organisation d’une journée sur les nanomatériaux le 2 Octobre 2017 à la faculté des sciences et technologies de Nancy. Vous êtes les bienvenus.
Merci Georgy, merci Stéphane pour cette interview, nous vous souhaitons le meilleur pour l’année prochaine et nous nous reverrons certainement à quelques conférences.
Interview réalisée par Johannes CALISKAN (chargé du projet UniGR) et Romuald GORNET (stagiaire DRIE / UniGR)
Contact : DRIE / UniGR 91 avenue de la Libération - 54000 Nancy