Brunch Santé : Gérer les données, protéger l’usager !

 
Publié le 29/05/2017 - Mis à jour le 30/05/2017

À deux pas de l’hippodrome de Nancy-Brabois se chevauchent la Coopérative Welcoop et sa filiale, le Groupe Pharmagest. Chez ces derniers, on pense les solutions pour la santé de demain. 23 millions de français auront 60 ans et plus d’ici 2050.
L’enjeu ? Anticiper les demandes, personnaliser les soins, recréer le lien de confiance et de suivi entre les médecins et les patients. Et au milieu : un fourmillement de données. Comment les gérer ? Peut-on seulement les maîtriser ?

Le Brunch s’est posé, le 19 mai, en plein cœur des enjeux du Big Data, auprès des vibrations et du souffle du data center de Pharmagest, sur les hauteurs de Villers-lès-Nancy.

La salle de l'hébergeur de données est confinée, assourdissante. Le dialogue n’a pas lieu d’être mais les machines parlent pour tous. Le bruit, voilà de quoi nous sommes entourés. Un bourdonnement de données, de traces, d'empreintes de nos identités numériques laissées sur les touches de nos claviers, les écrans de nos tablettes et de nos outils numériques. Des lettres et des chiffres qui forment des ensembles qui se perdent dans un flux incontrôlable, aspirés par les énormes boîtes de métal du data center. Comment contrôler ce qui n’est plus physique, palpable ? Nos traces sont-elles perdues, envolées ? Qui les perçoit, les saisit, les exploite ?

La visite se termine là où la réflexion débute. Thierry Chapusot, président du directoire du groupe Welcoop, se charge d’en dessiner les traits à l’aide de l’animatrice du Brunch, Laurence Verger, directrice de la communication du CHRU de Nancy. Se saisissant du relais, son rôle est de faire circuler l’information jusqu’aux acteurs qui l’accompagnent autour d’une table ronde gourmande. Erwan Salque, directeur Pôle e-Patients de la société Pharmagest, Arnaud Laprevote, dirigeant de la start-up Lybero.net, et Nicolas Jay, professeur au CHRU et membre de l’équipe Orpailleur au sein du LORIA, complètent le panel.

La donnée de santé, comment la définir ? Nicolas Jay, par son profil d’universitaire au contact des métiers de la santé, décrit la donnée comme un ensemble de traces numériques. Arnaud Laprevote, spécialiste de la sécurité numérique, en dessine des contours plus spécifiques. Les DCP, ou données à caractère personnelles (DCP), se divisent en trois catégories : les données courantes (état civil, CV, identifiants internet), sensibles (NIR, biomatiques, bancaires) et les données sensibles au sens près de la loi (santé, opinions religieuses et sexuelles). Selon lui, “On ne peut pas se reposer sur l’informatique pour protéger efficacement les DCP”. Le recours ? La cryptographie, les mathématiques. Par une démonstration de son application Lybero.net, Arnaud Laprevote illustre un échange cryptographique par un transfert anonyme de fichiers. Échanger ses données de manière anonyme et sécurisée, c’est possible. Mais les risques existent. “De toutes façons, il y a des trous” prévient-il.

Gérer les données de santé, c’est anticiper les risques. Les solutions, Pharmagest les pense au quotidien. “Il n’y a pas vraiment d’objets connectés de données de santé”, prévient Thierry Chapusot. Par le biais de systèmes de prédiction, de surveillance de l’état de santé, d’utilisation des outils de machine learning, l’innovation se rapproche de l’usager. “Le logiciel apprend la personne, va savoir soigner en automatique efficacement un patient” explique Erwan Salque, en charge du pôle e-patient chez Pharmagest, qui porte également un projet de modélisation de patients parkinsoniens. Rapprocher le patient des technologies, quitte à penser au-delà des frontières actuelles. Thierry Chapusot franchit le pas : “L’avenir, c’est la prise d’informations du corps humain en continu (...) dans cette idée, les smartphones ne servent à rien”. Un suivi par des puces intégrées aux patients, corrélé à une analyse de données au sein des data centers. “On est au début de tout ça” poursuit Thierry Chapusot, “Notre but est de connecter les informations à domicile et de coordonner au mieux les données pertinentes”.

La révolution numérique est déjà là, la compétition est en place, mondialisée. “Si vous saviez le nombre de données personnelles que Facebook possède sur vous”, prévient le dirigeant de Welcoop. L’individu est connecté, le patient est suivi. Mais quelle est la place de la santé de l’usager dans tout cela ? Le débat et ses contours, électriques, se propagent dans toute la salle. Bruno Py, professeur de droit privé et expert en droit médical, se saisit de l’échange pour souligner le silence autour de la question de la sécurité juridique dans le débat. “Les outils n’ont pas de sens en eux-mêmes, en matière de gestion des données”, dit-il, avant de signaler le risque qu’il entrevoit dans la diminution progressive du care.

Devant les risques, la peur, la projection : le besoin de se retrouver, de se préserver. Nicolas Jay pondère et recentre le cœur du sujet : “Il faut que les outils aident l’usager, répondent à leurs demandes quotidiennes. Et cela nécessite du dialogue pour une amélioration globale de la santé des citoyens". Soin et santé. Information et donnée. L’usager peut s’y perdre. Derrière les outils, il faut des médecins. Entre le professionnel de la santé et son patient, il faut recréer ce tissu par lequel passera la fibre numérique, nécessaire mais contrôlée, adaptée à chacun. “Car derrière les problèmes des données personnelles” conclut Arnaud Laprevote, “se cache notre liberté individuelle (...) pour mieux nous protéger, nous devons nous accompagner d’artifices techniques”.

Pour tout renseignement complémentaire, contactez Morgane STEFAN : morgane.stefan@univ-lorraine.fr

Article rédigé par Alexandre POUPENEY, en 1ère année de Master "Documentation numérique" (Mail : alexandre.poupeney3@etu.univ-lorraine.fr)
Photographies par Camille LEROY et captation par Manon BURUS, Étudiantes à l'IECA