Dans le cadre d’une thèse (MESRI / Région Grand Est) menée au Laboratoire agronomie et environnement (LAE - INRAE/UL), la diversité, les liens de parenté génétique et la production de métabolites d’intérêt de plants de houblon sauvage ont été analysés, dans une étude prospective.
Le houblon (Humulus lupulus L.) est une culture industrielle emblématique de la région du Grand Est qui s'est développée en même temps que l'activité brassicole. Aujourd'hui, ce secteur, en particulier les microbrasseries, s'intéresse aux houblons sauvages endémiques, qui confèrent à la production de bière une signature locale et originale. Dans leur pratique, certains microbrasseurs incorporent en effet les fleurs femelles des houblons sauvages dans leur processus de brassage, car les composés produits ne sont pas forcément les mêmes et de la même quantité comparativement aux variétés de houblon disponibles.
Les chercheurs ont étudié la diversité génétique et métabolique de trente-six houblons sauvages échantillonnés dans différents environnements écologiques. Ces accessions sauvages ont été bouturées, puis cultivées dans des conditions uniformes (même sol et mêmes facteurs environnementaux).
Après un cycle de développement, la diversité métabolique de ces houblons a été étudiée, en se focalisant sur le contenu chimique des feuilles. Cette approche phytochimique, basée sur une analyse en chromatographie liquide, couplée à la spectrométrie de masse (technique de séparation et d’identification des composés), a permis de classer les individus étudiés en trois groupes. Ces groupes sont caractérisés par des différences quantitatives pour douze métabolites spécialisés identifiés. Parmi ces composés, on retrouve des molécules d’intérêt comme le xanthohumol, et les acides amers, connus pour leurs propriétés antimicrobiennes, anti-inflammatoire, voire anticancéreuse. Ces résultats ouvrent ainsi des perspectives prometteuses pour une valorisation des feuilles du houblon, jusque-là peu valorisées.
Proximités génétiques et production de métabolites clés
Par ailleurs, leur diversité génétique a également été étudiée, en comparant de courtes séquences d’ADN très variables entre les individus (microsatellites). Cette approche a permis de relier génétiquement notre collection de houblons sauvages avec de nombreuses variétés de houblon cultivés, de houblons sauvages échantillonnés dans le monde entier, et déjà génotypés à l'aide de cette même méthode. Une proximité génétique a été observée à la fois pour les accessions sauvages et les variétés de houblon européennes, en particulier pour le Strisselspalt, la variété historique de la région Grand Est.
Enfin, l’ensemble des résultats ont permis d'évaluer l'impact du génotype du houblon sur son phénotype chimique à l’aide d’une méthode statistique (MRT). Les chercheurs ont mis en évidence un allèle, nommé 'WRKY 224', qui se révèle être un discriminant clé entre les houblons produisant une grande quantité de métabolites spécialisés et ceux produisant une faible quantité.
La perspective du programme « Brass Hop Bio »
Ce travail de thèse servira de point de départ à un projet européen. En effet, le programme INTERREG « Brass Hop Bio » qui démarre (2025-2028), porté par le Parc Naturel Régional de Lorraine, a entre autres pour objectif de mettre en culture sous différentes conditions pédoclimatiques (Wallonie, Lorraine et Luxembourg) dix variétés de houblons, soit locales et connues, soit issues des prospections (variétés « sauvages », anciennes houblonnières…) réalisées dans le cadre de la thèse.
La résistance ou tolérance de ces variétés à l’oïdium et d’autres maladies, leur productivité, mais aussi le pouvoir aromatique ou amérisant de leurs cônes seront étudiés afin de sélectionner la ou les variétés les plus intéressantes pour les microbrasseurs bio de la Grande Région.
Référence : Ducrocq F, Piutti S, Henychová A, Villerd J, Laflotte A, Girardeau L, et al. (2025) Fingerprinting and chemotyping approaches reveal a wide genetic and metabolic diversity among wild hops (Humulus lupulus L.). PLoS One 20(5): e0322330. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0322330
Partenariat : Le génotypage a été fait en République Tchèque au "Hop Research Institute"
Contact : Florent Ducrocq (Doctorant), Séverine Piutti (Professeure UL, severine.piutti@univ-lorraine.fr)
La soutenance de thèse de Florent Ducrocq est prévue le 11 juin après-midi à l’amphithéâtre Gallé (ENSAIA – Vandoeuvre les Nancy)
« Le houblon sauvage sous un prisme multidisciplinaire : de la compréhension à la valorisation des interactions génome-métabolome-microbiote ».