La Corée du Sud : un moteur pour la construction d'une communauté d'Asie à l'image de l'UE ? Conférence de Myeonghun Lee au Centre Européen Universitaire à Nancy devant un large public
Le 1er avril 2025, Myeonghun Lee, chercheur en relations internationales et sciences politiques, a donné une conférence au Centre Européen Universitaire (CEU) sur l'Union Européenne (UE) en tant que modèle d'intégration régionale, sa construction et ses défis. Cet événement s'inscrivait dans le cadre d’un projet pédagogique mené par cinq étudiants du Master 1 Communication et Relations Publiques en Europe (CoRPE) — Yeongbin Lee, Maeva Hance, Lola Fleck, Romain Morini et Gonench Kilich.
Au cours de cette présentation, Myeonghun Lee a présenté ses recherches sur les dynamiques d’intégration européenne, en les confrontant aux initiatives similaires en Asie, notamment celles de l'ASEAN.
Un parcours académique et professionnel international
Myeonghun Lee a débuté ses études en Corée du Sud, où il a obtenu une licence en sciences militaires, avant de se spécialiser en relations internationales avec un master dans ce domaine. En tant qu'officier de l'armée de terre et formateur de taekwondo, il a toujours cherché à allier rigueur académique et discipline physique. Pour approfondir ses connaissances sur les questions européennes, il a ensuite poursuivi un master en sciences politiques en Europe, ce qui l’a conduit à s’installer en France. Actuellement doctorant en sciences politiques, Myeonghun Lee est chercheur au KOREA-EU Research Centre (KE-QSTCC) à Bruxelles, un centre de recherche oeuvrant à la consolidation des relations entre la Corée du Sud et l’Europe. Son parcours, marqué par des mobilités aussi bien géographiques que disciplinaires, témoigne de son intérêt pour les relations internationales et pour les modèles d’intégration régionale.
L'Union Européenne : un modèle d'intégration régionale pour l'Asie ?
La conférence a mis en lumière les dynamiques d'intégration régionale en Asie à travers le prisme du modèle européen. Myeonghun Lee a présenté l'Union européenne comme une référence incontournable, tout en soulignant que l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) poursuit une voie distincte, inspirée mais adaptée au contexte asiatique. Selon lui, l'UE trouve ses racines dans le Traité de Westphalie (1648), qui a posé les bases de la souveraineté des États et de l'égalité juridique entre les nations. Son évolution vers une union politique s'est consolidée autour d'institutions telles que la Commission européenne, le Parlement européen et la Cour de justice de l'Union européenne, fondées sur la primauté du droit et des mécanismes de décision majoritaire. À l'inverse, l'ASEAN, fondée en 1967 avec cinq membres (aujourd'hui élargie à dix), a opté pour un modèle plus souple et pragmatique. Ancré dans les principes de consensus et de non-ingérence, ce modèle reflète la diversité culturelle et politique de la région, limitant cependant sa capacité d'intégration supranationale. Plutôt que de viser une union politique, l'ASEAN privilégie la coopération économique et la stabilité régionale, en s’inspirant de l'expérience européenne tout en affirmant sa propre identité. Ainsi, si l'UE représente un modèle abouti d'intégration supranationale, l'ASEAN illustre une approche hybride et pragmatique, adaptée aux valeurs asiatiques. La conférence a permis de mieux comprendre ces deux trajectoires complémentaires et les défis d'une intégration régionale en Asie.
L'ASEAN rencontre des difficultés pour établir un budget commun et une politique étrangère cohérente en raison des grandes différences culturelles, économiques et politiques entre ses membres. Le conférencier a également abordé la question du leadership au sein de l’ASEAN, en expliquant pourquoi ni la Chine, ni le Japon ne pouvaient être les leaders régionaux. La Chine, bien qu'économiquement dominante, est perçue comme ayant une diplomatie agressive et a des conflits territoriaux en mer de Chine méridionale. Le Japon souffre d'un héritage impérialiste et d’une politique étrangère alignée sur celle des États-Unis, ce qui nuit à sa capacité à jouer un rôle de leader indépendant. Myeonghun Lee a suggéré que la Corée du Sud pourrait assumer ce rôle, grâce à son développement économique rapide et à son influence croissante, notamment par le biais de son "soft power" et de son programme éducatif axé sur les pays membres de l’ASEAN.
Une vision critique de l’Union européenne et la montée du populisme
Parmi les questions soulevées lors du débat avec les nombreux membres de l’assistance présents, un intervenant a exprimé son scepticisme vis-à-vis de l’idée d’une identité européenne commune, notamment en raison de l'abstention élevée lors des élections européennes. Myeonghun Lee a répondu en évoquant la montée du populisme en Europe, qui contribue au désintérêt pour le projet européen. Selon lui, l'UE reste un modèle unique d'intégration, fondé sur des idéaux communs de paix, de prospérité et de supranationalité, et elle joue un rôle stabilisateur dans la région. Cependant, il a reconnu les tensions internes, notamment entre la France et l’Allemagne, qui influencent fortement les décisions politiques au sein de l'UE. Enfin, Myeonghun Lee a conclu en soulignant que l'UE, malgré ses imperfections, représente un modèle essentiel pour d'autres régions du monde. Selon lui, un "Frexit", ou la sortie de la France de l’UE, serait une erreur stratégique, non seulement pour la France mais aussi pour l’Europe dans son ensemble. La stabilité de l’UE dépend de la coopération franco-allemande, et un affaiblissement de cette dynamique pourrait déstabiliser l’ensemble de l’Union.
Finalement, la conférence de Myeonghun Lee a permis d’ouvrir un débat sur les dynamiques de l’intégration européenne en les comparant avec celles de l’ASEAN. À travers son analyse du modèle européen, il a incité les étudiants et chercheurs présents à réfléchir aux défis à venir pour l’UE ainsi qu’aux leçons que d’autres régions pourraient tirer de son histoire.
Maeva Hance
Étudiante du Master CoRPE (Communication et Relations Publiques en Europe)