Dans un contexte de pression budgétaire accrue et de réformes successives, Camille Diou, vice-président chargé du pilotage, des finances et du Sénat académique à l’Université de Lorraine, revient sur les défis majeurs auxquels font face les universités françaises en général et l'Université de Lorraine en particulier. Entre complexité des normes, sous-financement chronique et nécessité d'investir dans l’avenir, Camille Diou dresse un constat sans concession et rappelle des solutions concrètes pour repenser le financement de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
Factuel : Qu’est-ce qu’un budget ?
Camille Diou : Un budget est l’ensemble des éléments permettant à l’établissement de prévoir ses recettes et ses besoins financiers pour l’année, et d'être autorisé juridiquement à les mettre en œuvre.
Cette brève définition illustre bien les deux conditions essentielles qui prévalent à l’élaboration budgétaire. D’une part, de la visibilité. De la visibilité sur la stratégie et la politique portée par l’établissement, mais également de la visibilité sur le contexte financier et budgétaire dans lequel cette politique doit être conduite. D’autre part, le respect des règles. Ces règles sont de plusieurs natures. Elles découlent naturellement de la loi, et plus spécifiquement s’agissant des universités :
- 2001 : loi organique relative aux lois de finances, ou « LOLF » ;
- 2007 : loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou « LRU » ;
- 2012 : décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, ou « décret GBCP » ;
- 2020 : loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, ou « LPR » ;
- 2023 : loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ou « LPFP » ;
- 2024 : décret relatif au budget et au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, ou « décret financier » ;
- loi de finance de l’année considérée ;
- arrêtés, circulaires…
Les normes sont nombreuses, les règles juridiques également. Or ces normes peuvent évoluer, par exemple du fait de clauses de revoyure (l’article 3 de la LPR prévoit notamment une actualisation « au moins tous les trois ans », article jamais activé avant que la programmation de la LPR ne soit remise en cause à l’occasion du PLF 2025), ou du fait de changements dans les orientations politiques de la nation.
Au-delà des règles, il existe également des principes, sans que ceux-ci ne découlent cependant de normes. Parmi les principes essentiels, on peut citer le respect des engagements pris, ou encore le principe dit du « décideur-payeur » : celui qui décide assume les conséquences, notamment financières, de sa décision.
Ce principe a toujours été fondateur de la relation entre l’État et ses opérateurs. En 2013, la CPU (Conférence des présidents d’université, aujourd’hui France Universités) rappelait déjà son attachement « au respect de la règle du ‘’décideur-payeur’’ qui doit être posée comme un des principes fondateurs des relations financières entre l’État et les universités autonomes »1, autonomie des universités permise, et incitée, par la LRU.
Le respect de ces normes et de ces principes est essentiel en matière de visibilité.
Factuel : Qu’est-ce qui a changé ?
Camille Diou : Le Sénat, dans son rapport d'information n°446, intitulé L'autonomie des universités depuis la loi LRU : le big-bang à l'heure du bilan, rappelait dès 2013 que « la loi prévoit qu’au terme de leur accession aux responsabilités et compétences élargies (dites ‘’RCE’’), les établissements auront développé des outils de pilotage et de gestion prospective leur garantissant une visibilité pluriannuelle de leurs ressources humaines, financières et immobilières et de leurs dépenses, en fonction des priorités fixées par leur contrat d’établissement ». Il précise également que « la maîtrise de l’autonomie ne se décrète pas, elle s’apprend » et que « deux éléments sont déterminants dans le succès d’une réforme : le temps et les moyens. Il faut laisser le temps aux réformes d’ampleur de produire leurs effets dans la durée ».
Ce qui a changé depuis ce constat, c’est que si les universités ont fortement progressé en matière de pilotage et de gestion prospective, pour autant leur visibilité pluriannuelle n’est plus acquise. Dès 2018, l’État a ainsi cessé de compenser le glissement vieillissement-technicité (GVT) de l’université : le coût pour l’Université de Lorraine est en moyenne de + 2 M€ par an. Chaque année, le poids de la masse salariale des titulaires augmente de 2 M€ qui viennent se cumuler à l’augmentation de l’année précédente. Depuis le début du mandat politique en cours, en intégrant le budget 2025, ce sont ainsi plus de 20 M€ de dépenses de personnel supplémentaires que l’Université de Lorraine doit assumer. En 2022, l’augmentation du point d’indice, décidée par l’État, n'a pas été accompagnée des crédits correspondants, faisant peser un effort de 7 M€ sur le budget de l’Université de Lorraine. En 2023 et 2024, les mesures Guerini n’ont été compensées qu’à 50 %, pour un reste à charge de l’ordre de 8 M€ pour l’université. Sans même mentionner les conséquences de la guerre en Ukraine, et la hausse du prix des énergies et l’inflation, qui ont pesé à hauteur de 25 M€ en cumul sur ces trois dernières années sur le budget de l’université.
En cette fin 2024, la menace qui pèse sur le budget 2025 est sans précédent : outre le GVT et les mesures Guerini, ce sont 8 M€ d’augmentation du CAS Pensions2 qu’il est prévu de laisser à la charge de l’université. C’est également 1M€ de suppression de crédits qui était envisagée en prévision du passage à 3 jours de carence et un taux de remplacement abaissé à 90 %. Et pour ajouter de l’ironie à l’insulte faite aux fonctionnaires qui ne mesurent pas leurs efforts en payant de leur santé pour maintenir un service public digne de nos concitoyens dans des conditions sans cesse dégradées, ce sont 5 M€ correspondant à 1 % de SCSP qu’il était prévu de « mettre en réserve » afin de contribuer à aider les établissements en « difficulté avérée »3, établissements que l’État lui-même a contribué à mettre dans une situation budgétairement non soutenable.
Ce faisant, au mépris des principes fondateurs des relations financières entre l’État et ses opérateurs, il a positionné l’Université de Lorraine en situation de sous-financement structurel de sa masse salariale État, lequel a été amené en 2025 à hauteur de 28 M€, contre déjà 7 M€ en 2022. Comme l’université ne peut plus se permettre de consommer l’intégralité de son plafond d’emplois État du fait de ce sous-financement chronique, l’État a appliqué l’article 12 de la LPFP4 – votée incidemment il y a moins d’un an – et a déjà supprimé 190 ETPT (équivalents temps plein travaillé) du plafond d’emplois de l’Université de Lorraine en 2024. Quel respect des engagements ?
Toutes ces décisions ont été prises ou envisagées par les gouvernements successifs, souvent sans concertation avec les établissements, en cours voire en fin d’exercice. Les réformes s’enchainent brutalement, les normes changent sans cesse, sans que l’on puisse leur laisser de temps de produire leurs effets, ni encore moins de les mesurer. Quelle visibilité ?
Factuel : Mais on entend dire que les universités ont des milliards d’euros en trésorerie. N’ont-elles donc pas les moyens de supporter ces hausses de charges ?
Camille Diou : En apparence oui, mais pour l’ensemble des universités, France Universités estime la trésorerie réellement « mobilisable » à seulement 15 % du total. Nous comprenons que cette trésorerie a besoin d’être dynamisée alors que le remboursement de la dette de la France et en passe de devenir le premier poste budgétaire de l’État. Mais le budget initial 2025 montre qu’au 31 décembre 2025, plus de 40 % de la trésorerie de l’Université de Lorraine est dite « fléchée ». Cela signifie qu’elle correspond à des avances sur des opérations pluriannuelles pour des décaissements futurs. En l’état actuel de la trajectoire budgétaire, la trésorerie est même négative à l’horizon 2028. De plus, ce ne sont pas les universités qui décident du mode de financement de leurs activités par les subventions publiques, elles sont tributaires des règles des financeurs, dont l’État lui-même, qui décident du montant des avances.
Par ailleurs, le volume de trésorerie « non fléchée » permet à l’Université de Lorraine de porter les ambitions voulues par la présidente Hélène Boulanger en matière d’investissements immobiliers. Dans le projet initial du programme pluriannuel d’investissement immobilier (PP2I), un volume total de 120 M€ en trois ans était envisagé, aux deux tiers en autofinancement. Compte tenu de la nature pluriannuelle de ces opérations et d’un besoin de visibilité programmatique, cette avance de trésorerie est nécessaire, à défaut d’une meilleure visibilité sur les recettes non fléchées.
Pour illustrer la situation, l’Université de Lorraine n’est pour l’essentiel pas propriétaire de ses bâtiments, qui représentent environ 800 000 m2 et appartiennent à 95 % à l’État. Mais elle en assume cependant l’entièreté des charges. Bon an mal an, nous percevons via la subvention pour charges de service public (SCSP) environ 800 k€, c’est-à-dire 1 € par m2. En moyenne en France, les propriétaires vivent dans des logements de 109 m2. Qui peut entretenir sa maison en ne dépensant que 109 € par an pour payer les menus travaux ou les grosses opérations comme une rénovation de toiture ou de chaudière ?
Compte tenu de tous les investissements opérés par l’université pour entretenir son patrimoine, dont « 40 % du parc immobilier est vieillissant et certains bâtiments se trouvent en situation de dégradation préoccupante »5, pour le rendre plus respectueux de l’environnement et moins coûteux, pour le rendre accessible aux personnes en situation de handicap, le besoin est aujourd’hui de l’ordre de 100 € par m2, soit 100 fois plus. Certes, l’État et les collectivités sont présentes et contribuent à accompagner l’université pour lui permettre de porter sa stratégie immobilière, via le CPER, le plan France relance, les programmes Résilience 1 et 2, le programme 348 (performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs), ou les subventions des collectivités. Ces aides sont indispensables. Mais compte tenu du poids de la masse salariale sous plafond État sans cesse croissant, un tiers du PP2I a dû être déprogrammé pour ramener celui-ci à seulement 27 M€ en moyenne par an pendant 3 ans, contre 40 M€ prévus initialement, pour prioriser les opérations bénéficiant d’un financeur extérieur. Le besoin total est estimé à 1,2 milliards d’euros sur 25 ans : nous sommes très loin du compte. La trésorerie, comme le fonds de roulement des universités, n’est pas un « trésor de guerre », elle est un levier stratégique.
Factuel : Dans ces conditions, quelles seraient les solutions ?
Camille Diou : En préambule, je tiens à rappeler qu’en tant qu’agents de l’État et l’Université de Lorraine en tant qu’établissement opérateur de l’État, nous sommes pleinement conscients de la situation budgétaire du pays. Nous n’appelons pas à plus de dépenses, nous appelons à mieux exploiter l’argent public. On peut distinguer trois voies possibles pour améliorer la situation financière des universités, correspondant à trois conceptions très différentes de l’ESR. Et toutes ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Il existe des solutions.
La première solution, la pire de toutes, consisterait à réduire drastiquement les dépenses. Mais le besoin à l’UL est énorme pour rétablir une capacité d’autofinancement (CAF) suffisante : environ 30 M€ par an avec les projections faites dans le cadre du PLF 2025. Ça représente 15 % de l’ensemble des dépenses de fonctionnement et d’investissement, dont beaucoup sont incompressibles, en plus des économies déjà programmées sur le PP2I. Cette solution se traduirait donc inévitablement en une réduction des emplois, donc des formations, et in fine en une diminution du nombre d’étudiants accueillis à l’université.
En 2023-2024, près de 3 millions d’étudiantes et d’étudiants étaient inscrits dans le supérieur, dont les trois quarts dans les établissements publics6. C’était un peu plus de 2 millions à l’aube du 21e siècle, et un peu plus d’un million en 19807 : tous les 20 ans, les universités accueillent 1 millions d’étudiantes et d’étudiants supplémentaires. Parmi ces trois millions aujourd’hui, un tiers d’entre eux seulement ont des parents cadres. Les universités publiques sont l’ascenseur social dont la France a besoin : elles ne sont pas une dépense pour l’État mais un investissement pour l’avenir de la nation.
La seconde solution, celle préconisée par les gouvernements que la France a connus ces dernières années, consiste à faire reposer le financement des établissements publics et des salaires des agents sur des appels à projets (AAP) publics (ANR, Europe) ou sur le privé (valorisation, contrats de prestation en recherche comme en enseignement). Les universités françaises, et l’Université de Lorraine en particulier, s’y emploient.
En 2024, si l’on exclut du calcul la MS État perçue via la SCSP, 60 M€ soit 30 % de nos recettes à l’UL proviennent de subventions hors SCSP, et 110 M€ soit plus de 50 %, d’autres produits dont les contrats, et en y intégrant les produits calculés issus de notre politique d’investissement. Et ces chiffres sont en progression constante : ils représentaient respectivement 50 et 100 M€ en 2021, soit une progression de 20 M€ sur ces deux postes de recettes et produits depuis le début du mandat. C’est une croissance de plus de 13 % sur la période, près du double de celle de la SCSP, pour partie expliquée par le rattachement des produits correspondants aux dépenses sur les exercices considérés.
Mais cette croissance n’est possible qu’au prix d’une implication massive des agents qui, conjuguée à une baisse constante des titulaires, conduit à l’épuisement général. En outre, cette solution conduit à mettre les établissements en compétition, là où nous avons besoin d’œuvrer de concert au bénéfice de tous, des territoires, du pays, et de notre communauté européenne. Ces AAP sont utiles en ce qu’ils permettent d’orienter les efforts dans une même direction. Mais ils ne peuvent pas constituer l’unique solution, faisant reposer toujours plus d’efforts sur moins de personnels, ce qu’illustre l’évolution du nombre d’arrêts maladie dans la fonction publique depuis 10 ans. Plutôt que d’en corriger la cause, le dernier gouvernement a voulu en punir le symptôme.
Le rapport Travailler dans la fonction publique : le défi de l'attractivité publié le 9 décembre dernier par France Stratégie, qui rappelons-le est un service du Premier ministre, illustre de manière factuelle et chiffrée la situation préoccupante des agents de la fonction publique. Loin des idées préconçues et erronées portées par un débat politique souvent caricatural et réducteur, leur situation nécessite un profond changement de paradigme dans la mise en œuvre des politiques publiques.
La troisième solution consiste à considérer les universités pour ce qu’elles sont, un investissement pour l’avenir, où sont produites les nouvelles connaissances, où sont développées les nouvelles technologies, où sont formées aux trois quarts les futures générations de techniciens, d’ingénieurs, de cadres, de chercheurs dont le pays a besoin. L’État doit les accompagner, c’est dans son intérêt supérieur. Mais cela ne signifie pas qu’il doive dépenser plus, et aggraver sa dette. Ce à quoi nous appelons c’est à reconsidérer l’usage de l’argent public, au travers des crédits d’impôts ou des aides, au bénéfice de l’intérêt collectif plutôt qu’au bénéfice d’une somme d’intérêts privés.
Depuis des années, la Cour des comptes appelle à reconsidérer le Crédit d’impôt recherche (CIR) dont elle constate l’inefficacité. En 2022, elle proposait d’accroître l’accompagnement de 30 à 42 %, mais en plafonnant cette aide à hauteur de 20 M€ de dépenses de recherche au lieu de 100 M€8. Cela conduit à mieux accompagner les petites et moyennes entreprises plutôt que les multinationales, TPE et PME qui présentent en outre le meilleur bilan en matière de mobilisation du CIR9. Cette proposition permettrait à l’État d’économiser 1,75 milliards d’euros. Si seulement un tiers de ces économies sont réorientées vers les universités plutôt que vers les intérêts privés, sans aucune dépense supplémentaire pour l’État, on redonne du souffle au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, on n'obère pas l’avenir de notre jeunesse, particulièrement celle issue des milieux les moins favorisés, et on contribue au développement économique des territoires : 1 € investi dans les universités génère 4 € dans l’économie régionale. La France ne se limite pas à Paris, et la menace qui pèse sur les universités s’ajoute à celle qui pèse sur les territoires.
Une autre voie, complémentaire à la précédente, consiste à reconsidérer l’aide accordée par l’État aux formations privées à but lucratif. Ces formations se sont développées à un rythme effréné ces dernières années, portées notamment par les aides de l’État dans le cadre de la réforme de l’apprentissage, mais sans qu’aucun contrôle sur la qualité de ces formations ne soit entrepris. Comment comprendre, alors qu’il fait reposer toujours plus de charges aux établissements publics ou sous contrat, que l’État finance des formations à la qualité douteuse, usant d’un marketing « parfois trompeur », qui « ciblent particulièrement les jeunes issus des classes populaires », avec un « défaut de transparence » des grilles tarifaires, parfois « font payer les apprentis »10, et trompent les étudiantes et étudiants qui succombent à leurs promesses ?
Les universités, à travers leurs facultés, IUT, ou écoles d’ingénieurs, offrent des formations dont la qualité est avérée et régulièrement contrôlée. En tant qu’établissements opérateurs de l’État, elles doivent être les bénéficiaires prioritaires de l’argent public destiné aux formations du supérieur.
Les solutions existent donc, sans surcoût pour l’État, mais elles nécessitent de s’affranchir des postures dogmatiques et de regarder la réalité en face. Rien que la réalité.
Factuel : Comment voyez-vous l’avenir ?
Camille Diou : Je ne le vois pas, mais j’observe le chemin qui nous y conduit. Et d’autres menacent pèsent. Une baisse des aides à l’apprentissage pour les diplômes universitaires aurait un impact important sur les recettes de formation à l’Université de Lorraine, où il contribue à hauteur de 25 M€. La réforme de la foncière d’État qui vise à séparer « l’État propriétaire » de « l’État locataire » interroge également quant à sa mise en œuvre et à sa traduction budgétaire pour les universités non concernées par la dévolution du patrimoine immobilier. Les dernières solutions évoquées précédemment permettraient de maintenir les universités en position de contenir leur trajectoire, et elles sont accessibles.
Néanmoins, il est important d’insister sur le fait que ces solutions ne suffiraient pas à répondre à l’ensemble des besoins, notamment ceux liés au patrimoine immobilier et particulièrement prégnants dans une hypothèse de dévolution. Le volume financier nécessaire doit inviter à considérer l’éventualité d’un nouveau « plan Campus » ainsi qu’à réfléchir à la possibilité pour les universités de lever l’emprunt, à condition qu’elles soient en situation d’en assumer le remboursement, et que cet emprunt finance bien l’investissement. Ces deux pistes ne sont pas envisageables aujourd’hui, sauf à changer de paradigme.
Le CIR et l’aide à l'enseignement supérieur privé à but lucratif illustrent bien le modèle actuel de privatisation du bénéfice (vers les sociétés ou écoles privées) et de socialisation de la dette (vers les citoyens à travers l’impôt qui alimente en creux le CIR ou via les frais de scolarité des écoles privées). On doit sortir de ce modèle si on veut sauver l’université, et permettre à la très grande majorité des talents de notre jeunesse de s’exprimer en lui offrant des conditions d’études à la hauteur de l’enjeu.
Mais mon rôle en tant que vice-président ne consiste pas à jouer l’avenir de l’Université de Lorraine aux dés en pariant sur le futur. Il consiste à laisser à celle ou celui qui me succèdera un établissement financièrement sain, et donc à tout mettre en œuvre pour que son avenir ne soit pas compromis, avec les outils que l’on me donne et les solutions que l’on me laisse. Je suis donc attentif aux faits, de même que les universités sont très attentives aux orientations politiques de l’État. Fin novembre, les présidentes et présidents d’université sont allés exprimer leur préoccupation au ministre de l’ESR. L’État ne pourra pas ignorer longtemps cette préoccupation, au risque de mettre en péril le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Combien nous coûteront demain les économies faites aujourd’hui ?
1 CPU, « Autonomie des universités : les discussions financières sont ouvertes », Communiqué de presse, 19 nov. 2013.
2 En vertu de l’article 21 de la LOLF, le compte d’affectation spéciale dédié au régime de retraite des agents publics (CAS Pensions) ne peut jamais être déficitaire, y compris en cours d’exercice. Afin de couvrir les retraites, le PLF 2025 prévoyait une hausse de 4 points du taux de contribution employeur, le portant à 78,28 %, hausse de charge intégralement transférée par l’État à ses opérateurs.
3 Projet de courrier (abandonné) du DGSI et de la DAF aux présidents et directeurs d’établissement d’enseignement supérieur du 19 novembre 2024.
4 Article 12-II de la LPFP : « Le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État prévu en loi de finances de l'année, spécialisé par mission, ne peut excéder de plus de 5 % en 2024, de 4 % en 2025 et 2026 et de 3 % en 2027 la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus. »
5 Audit pré-dévolution du patrimoine immobilier de l’université de Lorraine, N° 23-24 052A, juin 2024.
6 Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, « Les effectifs étudiants dans l’enseignement supérieur en 2023-2024 », Note flash du SIES N° 2024-19, juillet 2024.
7 Statistica, « Effectifs étudiants dans l'enseignement supérieur en France de 1980 à 2023 », 22 mai 2024.
8 Conseil d’analyse économique, « Renforcer l’impact du Crédit d’impôt recherche », fiche de synthèse, 2022.
9 1,165 brevet/M€ pour les TPE contre 0,464 pour les grandes entreprises, et un rendement du CIR 2,9 fois plus élevé pour les TPE en termes de brevets triadiques.
10 Assemblée nationale, commission des affaires culturelle et de l’éducation, « Rapport d’information n°2458 sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif », 10 avril 2024.