En écho au soixante-deuxième congrès de la Société de toxicologie clinique, qui s'est tenu à Nancy à l'automne 2024, Arnaud Fischer vous convie à la reprise à distance du programme intitulé « Relations toxiques – La stupéfiante histoire du poison », proposé en janvier 2025 sur le campus de sciences et technologies.
Cette visioconférence sera transmise le mercredi 5 février 2025 à 20h.
L'inscription électronique à l'adresse « arnaud.fischer@univ-lorraine.fr » est obligatoire pour se voir communiquer le lien de connexion.
Le résumé de ce programme est le suivant :
« Cléopâtre a-t-elle réellement mis fin à ses jours ? Agrippine a-t-elle eu recours à des amanites pour faire disparaître Claude au profit de son fils Néron ? Comment les sorcières parvenaient-elles à voler sur leur balai ? Mozart a-t-il été assassiné par son rival Salieri ? Pour quelle raison le chapelier d’Alice au pays des merveilles était-il fou ? Turing, logicien visionnaire, dont les travaux ont conduit à l’ordinateur, a-t-il eu la mauvaise idée de croquer une pomme, à la manière de Blanche-Neige ? De Shakespeare à Dumas, Macbeth, Roméo et Juliette, ou encore Le Comte de Monte-Cristo sont autant d’exemples de la place de choix accordée par la littérature aux toxiques, avant même que la strychnine d’Agatha Christie ne rende mortelles d’anodines coupes de champagne…
Si la nature nous fascine par ses plantes et champignons vénéneux, ou via ses espèces animales venimeuses, le poison révèle l’Homme dans ce qu’il peut avoir de plus machiavélique. Tandis que l’histoire grecque est riche en suicides, les assassinats intrafamiliaux sont légion à Rome. Dans l’Italie de la Renaissance, les aristocrates jouent aux apprentis sorciers à grand renfort de lettres, gants et livres empoisonnés – une idée transposée au Moyen Âge par Eco dans son roman Le Nom de la rose. La cantharidine, présentée comme aphrodisiaque, entre dans la composition des élixirs d’amour concoctés au dix-septième siècle, avant d’être introduite dans les bonbons du marquis de Sade.
Au cœur de l’affaire qui, sous le règne de Louis XIV, éclabousse jusqu’à la marquise de Montespan, favorite du Roi, l’arsenic s’invite dans la désormais célèbre « poudre de succession ». Au dix-neuvième siècle, alors que se développe la toxicologie médico-légale, on le retrouve raticide… et parfois homicide, partenaire opportun des récentes et lucratives assurances-vie. C’est en revanche le cyanure qui, en plein effondrement du régime nazi, transforme Magda Goebbels en Médée moderne, puis, en 1978, permet le suicide collectif de la secte du Temple du peuple.
Au fil des siècles, qu’il se soit agi de la mandragore, entourée d’improbables croyances, ou encore du datura, que l’on prétend à l’origine des visions de l’oracle de Delphes, le poison a largement alimenté les fantasmes. Les papyrus égyptiens consignaient déjà les effets bénéfiques de substances par ailleurs connues pour leur dangerosité. Si Paracelse, à la Renaissance, affirme un peu hâtivement que « seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison », force est de constater que la toxine botulique est aujourd’hui utilisée en tant qu’antispasmodique, quand la digitaline est prescrite contre les troubles cardiaques. Du stratagème employé par le roi Mithridate VI aux plantes, pierres précieuses et fossiles auxquels ont pu avoir recours Charles Quint et Elisabeth Ire, l’histoire de la toxicologie foisonne par ailleurs de pratiques surprenantes et d’étranges antidotes supposés.
Capable de faire passer discrètement de vie à trépas, le poison a engendré les plus folles rumeurs. C’est ainsi que Catherine de Médicis se trouve à tort auréolée d’une légende noire, ou que de fervents bonapartistes sont convaincus de l’intoxication de Napoléon Ier sur l’île de Sainte-Hélène. Des théories du complot ont tenté d’expliquer l’épisode d’hallucinations collectives qui, en 1951, a ébranlé Pont-Saint-Esprit, alors que l’ergot de seigle était, dès le Moyen Âge, à l’origine du « mal des ardents ». Si le déclin de l’empire romain n’est pas lié au saturnisme, Beethoven, Goya, Cézanne et Monet ont bien souffert d’expositions prolongées aux dérivés du plomb ou de l’arsenic. Contrairement à Newton, qui en a réchappé, nombre d’alchimistes sont morts d’un contact trop régulier avec le mercure, responsable probable des décès d’Agnès Sorel et d’Ivan le Terrible.
Après avoir déployé des trésors d’imagination dans ses synthèses pour livrer à des mains criminelles les gaz de combat ou le redoutable « zyklon B » des camps d’extermination, la chimie compose le requiem du vingtième siècle en parcourant la gamme des toxiques artificiels. Plus récemment, entre « parapluie bulgare » à la ricine, riz à la dioxine, thé au polonium, parfum au novitchok, courriers au bacille du charbon et attentat de Tokyo au gaz sarin, la cruauté des assassinats politiques ou des actes terroristes n’a rien à envier aux épisodes les plus terribles des siècles passés. Dans l’intervalle, la révolution industrielle a tardivement révélé ses conséquences funestes, dont témoignent pathologies professionnelles liées au phosphore ou au radium, fuites d’usines et autres pollutions environnementales.
En espérant éviter l’écueil du programme soporifique, entrons dans l’univers inquiétant de la toxicologie, qui, depuis les flèches des chasseurs préhistoriques jusqu’aux anesthésiants actuellement utilisés en chirurgie, en passant par le curare des Amérindiens, a vu défiler un étonnant cortège de victimes et de monstres, rassemblant tant les grandes figures de la mythologie que les personnalités, tels Hannibal, Alexandre VI Borgia, Raspoutine ou Marie Besnard, qui ont jalonné l’histoire ou simplement défrayé la chronique ».