Journée d'études
Vérité établie et diversité des opinions - La conciliation de deux nécessités démocratiques
Sous la direction scientifique d'André MOINE, Maître de conférences, Université de Lorraine/IRENEE
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Présentation :
La libre expression d’une opinion est consacrée à la fois comme un droit individuel fondamental et comme un moyen indispensable à l’authenticité de la démocratie. L’accord sur un socle de convictions communes relatives aux données sociales et scientifiques est par ailleurs indispensable à la prise de décision collective. La « vie ensemble » dans une société démocratique suppose ainsi à la fois la reconnaissance de vérités non contestées (car jugées non contestables) et d’opinions divergentes (car tout est discutable ou susceptible d’être réfuté). Dès lors, le droit et son application peuvent-ils soutenir l’opinion utile à la vie et à l’action démocratiques sans nuire à la vérité utile à la cohésion de la collectivité et à la prise de décision politique ? Selon Hannah Arendt, en effet, non seulement « les faits informent les opinions » mais les opinions, devraient, en démocratie, « respecter la vérité factuelle ».
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » énonce le révolutionnaire dans la Déclaration de 1789. Cependant, cette opinion est personnelle, bien qu’elle puisse être partagée ; elle est un avis, une conviction, une croyance, elle n’est pas vraie en tant que telle même si elle peut traduire une vérité qui, elle, est a priori scientifiquement établie à partir d’une entreprise de connaissance rationnelle. La science dispose d’un système de véridiction, les opinions non.
Si les opinions ne peuvent être validées et, parce qu’inaccessibles, ne peuvent être réglementées, en revanche, l’expression d’une opinion peut être limitée notamment lorsqu’elle a une conséquence négative sur la cohésion sociale (telle la stigmatisation) voire sur la paix sociale (tel l’appel à la haine). L’expression d’opinions qui tenteraient de déconstruire les faits jusque-là avérés sur lesquels est fondée une décision politique voire un ensemble de décisions nationales – que ses assertions soient considérées comme vraies par leurs auteurs ou non dès lors qu’elles se présentent comme l’expression de leur conviction – peut-elle être, dans le même sens, limitée et comment ?
Face à des défis ou à des choix collectifs tels ceux relatifs au changement climatique, à l’immigration, à une pandémie, à l’avenir des retraites, quelle articulation, juridiquement traduite, trouver entre la libre expression des opinions, qui est donc essentielle dans une démocratie libérale, et une « vérité factuelle », base de la décision commune, qui la rend légitime ?
Nous envisagerons comment les vérités factuelles utiles à la décision politique et à la cohésion sociale, notamment nationale, sont articulées, dans notre système politique et notre ordre juridique, avec la nécessaire liberté d’expression d’opinions qui les contestent, la liberté d’opinion et la liberté d’expression constituant des libertés fondamentales. Le législateur, le juge, les organes de contrôle, les médias sont conduits à arbitrer ces oppositions potentielles entre les vérités factuelles et les opinions susceptibles de les contredire ; nous étudierons leurs pratiques et leurs sentences (afin de tenter de nous faire une opinion à défaut d’accéder à une vérité).