Conférence de Roland Huesca.
1897 : de sa prose sibylline, Stéphane Mallarmé médite sur l’art de Loïe Fuller. Au fil de ses Divagations, il évoque les charmes singuliers de la danseuse et de la danse : « Une armature, qui n’est d’aucune femme en particulier, d’où instable, à travers le voile de généralité, attire sur tel fragment révélé de la forme et y boit l’éclair qui le divinise ; ou exhale, de retour, par l’ondulation des tissus, flottante, palpitante, éparse cette extase. Oui, le suspens de la Danse, crainte contradictoire ou souhait de voir trop et pas assez, exige un prolongement transparent. » Attribuant aux objets, aux formes du corps et aux ondoiements de tissus des vertus extatiques et divines, le poète cherche dans l’art chorégraphique un sens secret à la contingence du monde. Éloge de l’ubiquité, ces formes symbolisent un ailleurs aux propriétés mystiques et spirituelles où la corporéité se fait signe pour mieux unir les régions de l’esprit au milieu ambiant. Au fil du propos, l’espoir naît de trouver des significations aux forces mystérieuses caractérisant l’humain. Attiré par les contrées crépusculaires de la pensée, ce symbolisme vise la quintessence de l’existence par le spectacle de la mise en jeu du mouvement. Traquant le « dedans des choses » selon la belle expression de Ferdinand Brunetière, il cherche les correspondances entre les phénomènes. Dans un monde impossible à épuiser dans sa totalité, métaphore et allégories comblent les manques et suscitent des états d'âme propices à l’émergence de nouveaux types de méditations.
À l’orée d’un XXe siècle s’affranchissant peu à peu de ses origines sacrées, la recomposition de cette scène esthético-religieuse promet à l’homme des horizons inédits. Participant aux procès de sécularisation de la société, cette émancipation de la raison à l’égard de l’Occident chrétien offre la possibilité d’envisager des formes insolites de spiritualisation. Certains chorégraphes explorent ces quêtes mystico-physique. Mais comment et pourquoi ?