Les zones ultramafiques, qui représentent environ 3% des terres de la planète, renferment des métaux lourds, qui sont nocifs pour la santé si ils se retrouvent dans les cultures. Ce sont généralement des zones délaissées.
Les plantes hyperaccumulatrices de métaux peuvent dans une certaine mesure aider à la remédiation de ces sols, pour les rendre plus exploitables, mais l'efficacité de la phytoremédiation peut être limitée par la faible productivité de la biomasse végétale en particulier.
Des chercheurs du Laboratoire Sols et Environnement (UMR LSE - UL/INRAE) cherchent donc à booster la croissance et la biomasse de ces plantes dans le cadre de la phytoremédiation de sols pollués ou de l’Agromine. Une des thématiques de recherche du laboratoire Sols et Environnement est centrée sur l’étude du microbiote des graines de plantes hyperaccumulatrices, avec l’idée qu’il servirait à conforter la croissance de la jeune plantule en milieu difficile et la protéger. Les chercheurs émettent l’hypothèse que ce microbiome pourrait être transmis à la descendance et lui conférer ainsi un avantage adaptatif.
Il y a de la vie microbienne dans les graines…
On s’intéresse de plus en plus à cette communauté microbienne, qui pourrait se révéler cruciale pour la plante au moment de la germination.
Les communautés microbiennes associées aux semences sont potentiellement écologiquement intéressantes car elles représentent à la fois un point final et un point de départ pour l'assemblage des communautés du microbiote végétal. Probablement ces communautés pourraient aider dans les premiers moments de la germination, car il s’agit du moment le plus critique pour la future plante, et ceci d’autant plus dans des conditions de stress.
En effet, sur la base d’analogies de séquences d’ADN, il a été montré que les bactéries hébergées (ou recrutées) dans les semences pourraient jouer un rôle dans des fonctions de fixation d’azote, de biocontrôle, de résistance à des métaux, de production de phytohormones, de résistance systémique ou améliorer la nutrition par exemple. Ces bactéries auraient donc le potentiel d’accroître les capacités du génome de la plante si ces fonctions s’expriment, mais cela reste toutefois difficile à déterminer.
Ces capacités pourraient notamment être intéressantes pour les plantes poussant sur des sols pauvres ou contaminés, comme pour les plantes hyperaccumulatrices de métaux lourds (mais pas seulement), et dont les chercheurs du Laboratoire Sols et Environnement sont spécialistes.
Nos connaissances sur ces bactéries présentes dans les graines sont encore balbutiantes, au regard des difficultés que l’on rencontre pour isoler ces bactéries spécifiques de ce milieu, mais des progrès sont actuellement réalisés grâce aux techniques de métagénomique.
Une étude récente (*) a permis d’évaluer par métagénomique la structure et la composition du microbiote associé à la rhizosphère et à l'endosphère de Noccaea caerulescens, une plante hyperaccumulatrice.
Pendant 6 mois, deux populations de l'hyperaccumulateur Noccaea caerulescens ont été mises en culture en pot, sur leur sol d'origine ou non. La diversité des bactéries de la rhizosphère et des communautés bactériennes présentes à l’intérieur de la plante (graine initiale, racine, tige, feuilles et nouvelle génération de graines) a été caractérisée par séquençage.
Les résultats ont montré que les communautés bactériennes de l'endosphère des racines, de l'endosphère de la tige et de l'endosphère de la feuille semblent dépendre du type de sol, contrairement aux communautés bactériennes associées à l'endosphère de la graine.
En outre, les communautés bactériennes contenues dans des semences de Noccaea caerulescens montrent une forte héritabilité sur une génération de plantes.
Ces résultats suggèrent que l’endosphère des graines de Noccaea caerulescens serait un habitat pour une communauté bactérienne interne, sélectionnée et conservée à travers les générations, faiblement influencée par les microorganismes du sol.
Un microbiome « cœur » réduit mais stable dans les semences d'hyperaccumulateurs
Dans une autre étude (**) sur une grande variété de plantes hyperaccumulatrices et non hyperaccumulatrices (93 échantillons de graines), on a tenté de révéler les principales communautés endophytes spécifiques des plantes hyperaccumulatrices, grâce à la métagénomique toujours. Des séquences génomiques amplifiées sont alors rattachées à la taxonomie.
La richesse plutôt faible des communautés bactériennes de semences trouvées dans toutes les semences suggère que seule une sous-population de souches spécialisées est capable de coloniser les semences et de survivre. Le facteur qui détermine la diversité de ces communautés bactériennes est d'abord la famille botanique et ensuite le caractère d'hyperaccumulation des plantes hôtes.
Fait intéressant, un ensemble de 12 OTU (ou Unité opérationnelle taxonomique) sont présentes quelles que soient les graines d’ hyperaccumulateurs, indépendamment de l'ordre taxonomique des plantes (parmi des Asterales et des Brassicales, comprenant beaucoup d’hyperaccumulateurs) et pourrait être considéré comme un microbiome « cœur » stable, un noyau de bactéries endophytes au sein de la communauté bactérienne totale avec des caractéristiques de bactéries « bénéfiques », encore appelées PGPB (Plant Growth Promoting Bacteria).
D'autres études sont nécessaires pour approfondir nos connaissances sur le rôle éventuel joué par ces bactéries. A quoi le microbiote sert-il réellement ? La plantule pousse-t-elle aussi bien sans ses microorganismes endophytes des graines, ou sont-ils essentiels à la croissance ? Il est encore trop tôt pour le dire, les recherches sont en cours.
Contacts scientifiques : Alexis Durand et Emile Bénizri, UMR LSE (INRAE / Université de Lorraine)
Rédacteur : Gérard Simonin, UMR LSE
(*) Alexis Durand, Pierre Léglize, Séverine Lopez, Thibault Sterckeman, Emile Benizri, Plant Soil, 2022. DOI : /10.1007/s11104-021-05226-y.
(**) Julien Ancousture, Alexis Durand, Damien Blaudez, Emile Benizri, Science of the total environnement, 2023. DOI : /10.1016/j.scitotenv.2023.164131.