Trésors des BU. Un livre colossal d’anatomie

 
Publié le 13/03/2023 - Mis à jour le 10/05/2023
Un texte colossal

Dans la réserve de la bibliothèque universitaire de Lettres, Sciences humaines et sociales de Nancy, un livre colossal par ses dimensions et son poids est posé à plat sur un support conçu spécialement pour lui. Haut de 103 cm, large de 70 cm, épais de 22 cm, sa consultation requiert la coopération de deux personnes. Il porte un titre notable : Anatomiae Universae Icones ou Les images de l’anatomie universelle.

Ce remarquable atlas anatomique qui provient de la BU Santé, est composé de 44 planches, dont une partie porte la signature d’Antonio Serantoni. Les dessins sur chaque planche sont réalisés de telle manière qu’ils forment (disposés verticalement 3 par 3) le corps d’un homme d’environ 160 cm, présenté en position de face et de dos. La séquence des planches a été conçue en suivant un ordre précis : à partir du système musculaire superficiel, on découvre, couche après couche, l’univers profond des viscères. L’atlas permet une autopsie virtuelle du corps humain, représenté en grandeur nature, et une observation minutieuse de la plus subtile veine qui le traverse.

L’auteur de cet atlas est Paolo Mascagni, médecin et anatomiste italien, qui a consacré les trente dernières années de sa vie à la réalisation de cette œuvre extraordinaire pour son inspiration et son format. Afin de perfectionner l’illustration et de rendre l’image plus réaliste, Mascagni a exigé l’emploi de la technique lithographique en couleur qui était, à cette époque, une véritable nouveauté. Le clair-obscur souligne la structure et la profondeur des tissus, tandis que les couleurs conventionnelles (rouge écarlate pour les artères, bleu pour les veines, blanc pour les nerfs et les vaisseaux lymphatiques) donnent du relief à cette trame organique de « fils » qui habille la sinuosité des muscles [fig. 1].

Ce travail est le résultat des recherches de Paolo Mascagni sur les vaisseaux sanguins. Il a été le premier à montrer la ramification des vaisseaux à travers la technique de l’injection de mercure. Chaque planche de l’atlas est en outre accompagnée d’une copie où sont indiquées en détail les parties anatomiques représentées. L’objectif pédagogique de l’œuvre était en effet l’une des préoccupations majeures de Mascagni qui enseignait l’anatomie à l’université de Pise, en Toscane.

Mascagni travaille sans relâche à cet ambitieux projet jusqu’à la fin de sa vie sans toutefois pouvoir voir son achèvement. Les héritiers confient la publication de l’ouvrage à son élève, le corse François Carlo Antommarchi. Les Anatomiae Universae Icones sont publiées après sa mort, en 1823.

L'ouvrage, dédié au grand-duc de Toscane Léopold II, porte sur la page de titre l’image du cénotaphe de Paolo Mascagni en style néoclassique, sculpté par Stefano Ricci, qui montre la personnification allégorique de l'Anatomie pleureuse, aujourd’hui conservé à l’Accademia dei Fisiocritici, à Sienne, en Toscane.

L’exemplaire conservé à la bibliothèque universitaire se distingue par une somptueuse reliure en cuir décorée d’encadrements dorés à motifs végétaux alternés de motifs à froid. Le plat inférieur montre les armes de la maison de Bauffremont* [fig. 2]. Au milieu du plat supérieur se trouve un grand fleuron avec deux figures allégoriques [fig. 3]. À gauche, une figure féminine tient dans la main un livre portant le titre « Icones », et à droite une autre figure coiffée d’une étoile et accompagnée d’un rapace, montre dans la main un livre fermé par des charnières. Si leurs attributs permettent de les identifier comme allégories de la Mémoire et de l’Ingenium, les détails qui contrastent avec l’iconographie traditionnelle et notamment, l’inscription « Icones » sur la tablette de la Mémoire et le livre ancien dans les mains de l’Ingenium, suggèrent de considérer ces figures mystérieuses comme personnifications respectivement de l’Anatomie moderne qui fonde sa pratique sur les « images » en tant qu’instrument, et de l’Anatomie ancienne basée sur la tradition philosophique.

* Nous remercions Jean-Christophe Blanchard pour leur identification.

 

Magnagni 1