Protoxyde d’azote : une histoire pas si drôle

 
Publié le 29/09/2022 - Mis à jour le 14/04/2023

« Où en êtes-vous avec votre consommation de substances psychoactives et en connaissez-vous les risques ? » C’est la question à laquelle ont souhaité répondre des étudiants en médecine et pharmacie. Lors de leur formation médicale, ils réalisent un « service sanitaire » et doivent à ce titre se familiariser avec les enjeux de la médecine de prévention. Dans ce cadre, ils ont mené une enquête auprès de 2000 étudiants de l’université, les résultats sont sans appel : si la majeure partie des substances est bien connue, les étudiants ne sont pas suffisamment informés des risques de la consommation de protoxyde d’azote et de ses conséquences.

Le « proto » qu’est-ce que c’est ?

Le protoxyde d’azote (N2O) est utilisé en médecine comme anesthésique avec un usage très réglementé. En parallèle, il est utilisé dans l’industrie comme gaz propulseur, notamment pour les cartouches destinées aux siphons à chantilly. Ce sont ces cartouches qui font l’objet d’un détournement d’usage : le gaz est inhalé, via des ballons, pour obtenir un effet euphorisant, « hilarant ».

Ses effets apparaissent et disparaissent très rapidement en quelques minutes.

Le « Proto », une consommation banalisée qui prend toujours de l’ampleur

L’enquête réalisée indique que 12% des étudiants sondés ont déjà consommé du N2O (c’est le nom chimique de la molécule). Cette ampleur n’étonne pas le docteur Sarah Gaudin, en charge de la médecine de prévention à l’Université de Lorraine : « ce phénomène existe depuis quelques années et prend encore de l’ampleur, nous devons nous adapter face à cette situation car les effets indésirables sont très mal connus de nos publics. » Sa réaction confirme les résultats de l’enquête, seule la moitié des étudiants interrogés a une connaissance des risques à long terme de l’utilisation du protoxyde d’azote (à comparer avec les risques liés au tabagisme où on atteint presque 100%). La prévention à son sujet fait désormais partie des actions de prévention menées par l’Université de Lorraine auprès des étudiants au sujet des substances psychoactives.

Des conséquences loin d’être banales

Le mode de consommation évolue également. Disponible depuis longtemps sous forme de petites cartouches (utilisées initialement en cuisine), on le retrouve sous forme de ‘bonbonnes’ ou ‘tanks’ représentant plusieurs dizaines, voire centaines de cartouches. L’Association Française des Centres d’Addictovigilance s’inquiète du phénomène et de l’évolution des effets psychotropes recherchés. On est passé de la recherche d’un effet euphorisant à une recherche de « défonce », conduisant à des conséquences graves. Le récent communiqué du réseau d’addictovigilance rapporte des complications neurologiques en augmentation notable mais également des complications cardiovasculaires. Des cas de troubles de l’usage (addiction) sont de plus en plus fréquemment rapportés au réseau d’addictovigilance. Enfin, la prise de protoxyde d’azote est aussi à l’origine d’accidents de la voie publique, pour certains mortels

Un arsenal juridique en construction

Initialement en vente libre jusqu’en 2021, ce n’est qu’à cette date que la vente et la consommation ont reçu un début de régulation. La vente est ainsi interdite aux mineurs (Loi 2021-695 du 1er juin 2021) et l’incitation d’usage détourné du N20 (mésusage) est punie de 15 000€ d’amende. Certaines communes vont même plus loin comme à Nancy où la consommation sur le domaine public y est prohibée par arrêté municipal.

Pour aller plus loin :