À l’occasion du Salon International de l’Agriculture, le programme CiTIQUE a reçu le prix de la Recherche Participative dans la catégorie « Crowdsourcing ». Ce prix lancé par INRAE en 2021 sous l’égide du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, met en lumière des projets de recherche dans lesquels sont engagés scientifiques et non scientifiques, que ce soit pour collecter des données ou au travers d’une implication plus grande dans le processus même de recherche.
Le programme CiTIQUE vise à faire travailler ensemble chercheurs et citoyens, pour mieux comprendre l’écologie des tiques et des maladies qui leur sont associées, dans le but de prévenir le risque de piqûres de tiques. Concrètement, CiTIQUE comprend une application sur laquelle les citoyens signalent leurs cas de piqûres, ainsi que celles de leurs animaux, une tiquothèque unique en Europe où sont conservées les tiques piqueuses envoyées par ces mêmes citoyens à des fins d’analyse, et une banque de données qui fait le lien entre les différentes informations. L’ensemble de ces données permet notamment de savoir où et quand ont lieu les piqûres et quels sont les agents pathogènes (virus, bactéries) portés par les tiques piqueuses.
Ce que les citoyens apportent à la recherche
Par leur geste de collecter et d’envoyer les tiques qui les ont piqués, les citoyens apportent une contribution unique à la connaissance des risques liés aux tiques. « Ce sont des données que nous ne pouvons pas obtenir autrement, souligne Pascale Frey-Klett, à l’origine du projet avec Jean-François Cosson1. Nous savons récolter des tiques dans la nature, mais nous ne pouvons pas avoir de renseignements sur les piqûres autrement que par la participation des citoyens. Depuis le début du projet en 2017, des résultats très importants pour la prévention ont été obtenus. En particulier, nous avons pu déterminer que 25 % des piqûres signalées ont lieu dans les jardins, et 4 % dans les maisons. Ces risques de proximité sont actuellement sous-estimés et peu de personnes pensent à se protéger des tiques au sein même de leur foyer ».
Mais l’apport des citoyens se poursuit bien au-delà du signalement et de l’envoi des tiques. Depuis le début du programme CiTIQUE, les scientifiques accueillent des participants de tous horizons au laboratoire « Tous Chercheurs Nancy »2 (voir Encart), pour des stages de recherche en conditions réelles conduisant à de nouveaux résultats scientifiques produits par les citoyens eux-mêmes. C’est ainsi par exemple qu’à l’issue de plusieurs stages, les résultats ont montré l’influence probable des animaux domestiques dans les risques de piqûres de proximité. « C’était une question soulevée par les stagiaires eux-mêmes, précise Jonas Durand, qui encadre ces stages depuis 2019. Et ils y ont répondu, en suivant une démarche scientifique rigoureuse et exigeante. »
D’autres résultats importants ont été obtenus grâce à l’ampleur de la collecte suscitée par CiTIQUE (plus de 70 000 signalements et 50 000 tiques congelées dans la tiquothèque) : 30 % des tiques piqueuses d’humains sont porteuses d’au moins un agent pathogène. A noter que cela ne signifie pas que les personnes piquées seront malades. En effet, le processus de transmission de l’agent pathogène par piqûre via la salive de la tique est complexe, il dépend en particulier de la durée du repas de sang. Une première cartographie des risques de piqûres en France a également été établie.
CiTIQUE est avant tout un observatoire sur le long terme de l’écologie des tiques et de leurs agents pathogènes, de leur répartition en France et de leur évolution avec le changement climatique. La progression d’espèces envahissantes, comme Hyalomma marginatum (lire l’article : https://www.inrae.fr/actualites/nouvelles-especes-tiques-pathogenes-trouves-france ), du Sud vers le Nord, est particulièrement surveillée, en collaboration avec le Cirad.
Par les données qu’il génère, CiTIQUE est aussi un tremplin pour de nombreux autres projets de recherche. Il peut par exemple permettre un suivi des symptômes de la maladie de Lyme grâce à la constitution d’une cohorte de personnes potentiellement exposées et l’établissement d’un questionnaire de suivi (voir le projet Ohticks). Dans un autre domaine, CiTIQUE apporte une contribution aux sciences sociales. Une étude de master a ainsi mis en évidence l’apport de CiTIQUE à des adolescents d’une moyenne d’âge de 12 ans, en termes d’« empowerment » (prise de conscience du pouvoir d’agir sur son environnement) et en termes de construction d’une identité sociale positive.
Des relais et des partenariats : les clés du succès d’un programme en constante évolution
CiTIQUE est un programme multipartenarial. « C’est un réseau en étoile impressionnant. Nous avons par exemple conclu un partenariat avec le CNPF (Centre National de la Propriété Forestière) et l’ONF (Office national des forêts) pour la prévention des forestiers particulièrement exposés aux piqûres de tiques. Nous travaillons aussi avec les professionnels de santé : pharmaciens, médecins et vétérinaires pour faire connaître CiTIQUE et favoriser la prévention. Enfin, nous formons des bénévoles « relais » de CiTIQUE dans différentes régions françaises. " explique Irene Carravieri, issue d’INRAE et maintenant rattachée au CPIE Nancy-Champenoux, qui gère la tiquothèque et les contacts avec les multiples partenaires de CiTIQUE.
Initié et financé au niveau régional, CiTIQUE est maintenant un programme de portée nationale. Son intérêt a été souligné lors d’un rapport parlementaire sur le Plan national Lyme en 2021 et sa dimension d’appui aux politiques publiques de santé est reconnue.
(1) Jean-François Cosson est décédé en 2019.
(2 )Laboratoire Tous Chercheurs du centre INRAE Grand Est-Nancy, créé en partenariat avec l’association « Tous chercheurs ». https://www.touschercheurs.fr/
Le Laboratoire Tous Chercheurs Nancy
Quelques étapes clés
Contacts
- Pascale Frey-Klett, coordination de CiTIQUE, UMR Interactions Arbres/Micro-organismes (INRAE, Université de Lorraine)
- Annick Brun-Jacob, coordination laboratoire Tous Chercheurs Nancy, UMR Interactions Arbres/Micro-organismes (INRAE, Université de Lorraine)