[Découverte] Aérosols, chimie de l’atmosphère et climat

 
Publié le 24/11/2021 - Mis à jour le 25/11/2021

Les aérosols atmosphériques, fines particules solides ou liquides en suspension dans l’air, induisent la transformation chimique d’espèces adsorbées sur leur surface, produisant ainsi de nouveaux composés dont l’impact sur l’air reste largement méconnu. Dans un article de perspectives paru dans la revue Science, Manuel Ruiz_Lopez du Laboratoire de physique et chimie théoriques (CNRS/Université de Lorraine) fait le point sur cette chimie de surface qui pourrait jouer un rôle clé sur la composition chimique de l’atmosphère, et sur l’effet des aérosols sur le climat.

Les aérosols atmosphériques constitués de fines particules solides ou liquides en suspension dans l’air exercent une influence importante sur le climat et la santé humaine. On soupçonne également ces particules de jouer un rôle important dans la composition chimique de l’atmosphère en favorisant la combinaison d’espèces qui sont adsorbées à leur surface. Par exemple, la combinaison des oxydes de soufre ou d’azote avec l’eau est fortement stimulée à la surface des gouttelettes d’eau et d’autres aérosols, contribuant ainsi à la formation des acides sulfurique et nitrique, principaux responsables des pluies acides. Les réactions à la surface des aérosols pourraient également modifier leurs propriétés physico-chimiques et leur influence sur le bilan radiatif de la Terre, et donc avoir un effet sur le climat. Cependant, la connaissance et l’impact réel de ces réactions reste encore très peu décrit.

Dans un article de « perspective » publié dans la revue Science, Manuel Ruiz-Lopez du Laboratoire de physique et chimie théoriques (CNRS/Université de Lorraine) fait le point sur cette chimie de surface. Il analyse dans un premier temps les travaux publiés dans le même numéro de la revue par Kong et collaborateurs sur la chimie à la surface de cristaux de sulfate d’ammonium lorsque celle-ci est recouverte par une fine couche d’eau liquide. Les aérosols de sulfate d’ammonium, dont l’origine est principalement liée aux activités humaines, se forment à partir du dioxyde de soufre généré par la combustion des carburants fossiles, et d’ammoniac émis par les activités agricoles. Kong et al. montrent que du soufre élémentaire et du diazote se forment de manière spontanée à la surface des aérosols partiellement hydratés. Résultat totalement inattendu car cette réaction est connue pour être extrêmement lente en absence de catalyseur.
 
L’auteur replace ensuite cette découverte dans le contexte plus général de la chimie des interfaces aqueuses, où la vitesse des réactions est souvent fortement accélérée.  Encore largement méconnue, cette chimie interfaciale pourrait pourtant bien nous surprendre. Les réactions aux interfaces aqueuses sont par exemple soupçonnées de jouer un rôle clé dans la capacité oxydante de l’atmosphère et la qualité de l’air, et pourquoi pas d’être à l’origine des processus qui ont conduit à l’apparition de la vie sur terre…
 
Des applications de cette chimie « sur l’eau » pourraient rapidement voire le jour, notamment dans le domaine de la « chimie verte », en permettant par exemple de s’affranchir de l’utilisation de solvants organiques.
 
Bien qu’un long chemin reste à parcourir pour comprendre les mécanismes de ces réactions, conclut l’auteur, la multiplication des analyses expérimentales couplées à des simulations théoriques devrait permettre de rapides progrès dans l’amélioration des modèles prédictifs de la composition chimique de l’atmosphère et de l’effet des aérosols sur le climat.
 

Référence

Manuel F. Ruiz-Lopez
Mid-air transformations on aerosols 
Science  2021
 
 
(Sources : Institut National de Chimie du CNRS)