Des chercheurs des Universités de Lorraine (à Nancy et à Metz) et des Universités de Strasbourg, de Heidelberg et de Sarrebruck, sous l’impulsion de Paul Klötgen (maître de conférences HDR – Institut François Gény – Université de Lorraine), ont sollicité et obtenu le soutien du programme de formation-recherche (PFR) du Centre Interdisciplinaire d’études et de Recherches sur l’Allemagne (CIERA) pour la réalisation d’un projet intitulé "Approche interculturelle du notariat latin : perspectives franco-allemandes".
Ce projet donnera lieu, entre novembre 2021 et novembre 2023, à cinq manifestations en France et en Allemagne : deux colloques et trois journées d’étude qui se dérouleront à Nancy, Metz, Strasbourg, Heidelberg et Sarrebruck.
Le colloque inaugural « La fonction de notaire – Émergence, rôle et compétences » aura lieu le mardi 16 novembre 2021, à Nancy, 8h30-18h30 (Amphi AR 06 de la Faculté de Droit, Sciences économique et Gestion). Au cours de ce colloque une quinzaine d’intervenants, français et allemands, universitaires et praticiens, aborderont la question de l’émergence historique du notariat (antique, napoléonien et alsacien-mosellan) puis le rôle du notaire latin et les compétences de celui-ci sur les marchés, notamment le marché de l’immobilier et le marché de la forêt.
Le notariat latin, ou modèle du « notariat napoléonien » consacré par la Loi du 25 Ventôse de l’An XI, est une forme particulière de figure juridique, celle du « Nur-notar », marquée historiquement et culturellement. Le notaire latin est par ailleurs l’une des rares institutions juridiques absolument communes aux droits internes français et allemand. Figure transnationale et européenne, il s’est installé depuis plus de deux cents ans comme élément ordinaire et a priori incontournable de nos cultures juridiques, tel que le décrivait déjà Gozlan ou encore Balzac. Pourtant, ce « Nur-Notar » (« seulement notaire ») – qui se distingue du notaire-avocat rencontré principalement dans les Länder du Nord de l’Allemagne ainsi que du notaire-fonctionnaire connu encore récemment en Bade-Wurtemberg – n’existe pas dans tous les systèmes de droit, y compris au sein de l’Union européenne. D’autre part, cette forme de notariat a fait, dans la période récente, l’objet de critiques et de remises en question de plus en plus pressantes, essentiellement pour des raisons économiques. Une importante étape a été franchie en ce sens par la Loi Macron n° 2015/990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en ses articles 50 et suivants. Ces soubresauts, très forts en France, semblent avoir été nettement moins ressentis en Allemagne, où la toute récente réforme du notariat en Bade-Wurtemberg – si elle n’a pas été sans douleur – a, au contraire, ouvertement consacré ce modèle de notariat à travers le Gesetz zur Abwicklung der staatlichen Notariate in Baden-Württemberg. Dans les Länder où il existe, les Allemands semblent en effet vouer un fort attachement à ce modèle en dépit de son origine napoléonienne – ce qui ne fait que réinterroger le rôle de Napoléon dans les transformations institutionnelles en Allemagne – tandis que le notariat français aurait développé quelques particularités historiques par rapport à la version allemande, tant sur le plan des attributions et de l’activité que de son statut. On se propose de soumettre à analyse et comparaison ces contingences juridiques et culturelles en dépit d’une origine commune, qu’il convient de replacer dans le contexte d’une surprenante cohabitation de statuts au sein même de ces deux États. Deux grands modèles de notaires coexistent en effet en Allemagne, deux modèles aussi en France du fait de l’existence d’un « droit local », alsacien-mosellan, dont les particularités s’expliquent, précisément, par l’histoire entre nos deux pays.
Pour ces différentes raisons, l’institution du notariat latin se révèle être un laboratoire d’analyse de l’interpénétration des cultures juridiques française et allemande. Or, l’étude de la teneur culturelle des normes et institutions juridiques demeure encore aujourd’hui le parent pauvre de la recherche juridique, tant dans le contexte de la mondialisation que dans celui de l’Union européenne où d’importantes différences de culture juridique se font sentir et sont souvent source d’obstacles. C’est pour pallier ces manques que, depuis quelques années, les acteurs économiques et politiques ont décidé de cesser de sous-estimer l’impact de la concurrence culturelle sur le terrain du droit. Ainsi s’explique la création en France en 2007 de la Fondation pour le droit continental par les pouvoirs publics, professions juridiques et grandes entreprises, avec pour objectif de contribuer au rayonnement et à l’influence internationale de la tradition juridique continentale ; telle est aussi la démarche allemande du Law made in Germany à laquelle participe, activement et sans surprise, la Bundesnotarkammer.
Le présent projet de recherche propose donc une étude de la place du notariat latin dans la culture européenne. Il entend procéder par une démarche pluridisciplinaire, dans une perspective de comparaison franco-allemande et d’analyse croisée entre théorie et pratique. Il étudie la figure juridique du notaire (modèle „latin“) et soumet à évaluation les divergences de culture juridique entre France et Allemagne, au prisme de l’économie, de l’histoire, de la littérature, de la philosophie, du droit privé, du droit public et de l’histoire du droit.
Entrée libre, dans la limite des places disponibles, sous réserve de présentation du pass sanitaire.