Les nuages ont une influence sur les effets de la pollution atmosphérique

 
Publié le 28/08/2014 - Mis à jour le 17/09/2014
Fumées industriels au lever du jour.

Les conclusions publiées cet été pourraient bouleverser les modèles de prédiction utilisés dans l’étude du réchauffement climatique et de la qualité de l’air. « Il faudra sans doute prendre beaucoup plus en compte les réactions chimiques à l’interface entre l’air et les gouttelettes d’eau dans les couches nuageuses » explique Manuel Ruiz-Lopez, Directeur de Recherche CNRS au laboratoire Structure et réactivité des systèmes moléculaires complexes (SRSMC).

Manuel Ruiz-Lopez et Marilia Martins-Costa ont travaillé avec Josep M. Anglada (Espagne) et Joseph S. Francisco (Etats-Unis). Ils concluent que « globalement, la surface des gouttelettes d'eau des nuages contribue à modérer les effets de la pollution atmosphérique ». Leur article est paru dans la prestigieuse revue de l’académie des sciences américaine PNAS, sous le titre « Spectroscopic signatures of ozone at the air–water interface and photochemistry implications ».

Le détergent de l’atmosphère

Les chercheurs se sont concentrés sur l’étude de l’ozone. Ce gaz est un constituant naturel de la basse atmosphère mais les rejets de certaines activités industrielles contribuent à sa formation. Lorqu’il est en excès, ce gaz peut notamment entrainer des pathologies respiratoires. Sous l’effet de la lumière, l’ozone finit par se décomposer pour former naturellement des radicaux libres dits « hydroxyles », à même de réagir avec d’autres polluants présents dans l’atmosphère jusqu’au retour à des molécules simples et non nocives pour la santé. Mais dans l’air, seuls 3% des atomes d’oxygènes libérés par la photolyse de l’ozone peuvent réagir de cette manière.

Les travaux publiés cet été démontrent qu’en présence de nuages, la situation est beaucoup plus favorable :

  1. L’ozone a tendance à se fixer à la surface des gouttes d’eau qui constituent les nuages.
  2. La surface des gouttes d’eau favorise l’absorption de la lumière par l’ozone et donc sa photolyse.
  3. La proximité de l’eau augmente considérablement les chances de produire les radicaux hydroxyles.

Une mesure à l’instant T ne serait pas pertinente

Les méthodes du SRSMC conjuguent chimie quantique et simulations de dynamique moléculaire. Grâce à cette approche originale, les chercheurs simulent l’évolution d’un système moléculaire dans le temps à l’échelle microscopique. C’est ainsi qu’ils ont mesuré les propriétés moléculaires de l’ozone pour établir des moyennes pertinentes sur une durée de plusieurs dizaines de picosecondes (10-12 seconde).

En images : le comportement d’une molécule d’ozone à proximité d’une goutellette d’eau, en une dizaine de picosecondes

La moitié de la surface du globe est couverte de nuages

« Notre étude a attiré l’intérêt de collègues américains qui disposent des moyens nécessaires pour conduire des expérimentations et vérifier nos conclusions » se réjouit Manuel Ruiz-Lopez, pour qui ce travail est le résultat de près de 8 ans de collaboration, ponctués de plusieurs publications dans les principales revues scientifiques américaines et européennes. L’enjeu n’est pas seulement scientifique : la moitié de la surface du globe est couverte de nuages. Bien que le volume d’eau dans ces nuages soit très faible au regard du volume total de l’atmosphère terrestre, la prise en compte de son impact sur la réactivité chimique des polluants ne peut plus être négligée.