Elle est chercheure-associée au 2L2S et formatrice à l'INSPE de Lorraine. Elle vient d’obtenir son doctorat sur les gestes dans les métiers de la sidérurgie. Rencontre avec Nadège Mariotti, véritable passionnée d’histoire, de cinéma et de sidérurgie, ayant la vocation idéaliste de réhabiliter l’image de la Lorraine au travers des images.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours d'études et professionnel ?
Nadège Mariotti : "Après un baccalauréat en Sciences économiques et sociales en 1988, j’entame des études en histoire à la faculté de Nancy II et je valide une licence en histoire moderne et contemporaine. Mon parcours professionnel débute avec la réussite au concours du CAPES en 1992. Durant les dix années qui suivent j’enseigne les programmes d’histoire, de géographie et d’éducation/instruction/enseignement moral et civique, de la 6e à la 3e, en 4e et 3e technologique, en 4e d’aide et de soutien, en 3e d’insertion, principalement en zones d’éducation prioritaire. Durant cette période, je travaille dans plusieurs collèges du Pays-haut et à Metz et participe également à la formation d’enseignants du second degré. Mon investissement au sein de l’INSPÉ commence en 2002. En 2010-2011, la masterisation de la formation des enseignants m’incite à reprendre mes études et j’obtiens à Nancy II, un Master en sciences de l’éducation. J’entame en 2012 un doctorat que j’ai soutenu en novembre dernier. En février 2020, j’ai été qualifiée maîtresse de conférences en 18ème section, section arts en étude cinématographique ainsi qu’en 22ème section, en histoire contemporaine. Je recherche désormais un poste de maître de conférences idéalement à l’Université de Lorraine."
Quelle est votre thématique de recherche ?
Nadège Mariotti : "Ma recherche touche au rapport entre cinéma et histoire, entre industrie et images animées et entre anthropologie visuelle et techniques du corps, en s’ancrant dans la perception du geste technique du mineur, du sidérurgiste et de sa transmission au public sur un siècle par le biais de films industriels. Cette étude met en exergue le fait que le geste humain se transforme avec la présence de plus en plus importante de la machine, sans pour autant disparaître totalement des films. Au-delà des césures historiques mises en exergue par l’évolution de l’histoire industrielle, économique et politique, le geste technique dans son aspect spectaculaire reste immuable dans les films et constitue, en tant qu’héritage culturel, le noyau central de la représentation filmique du travail de la mine à l’usine dans les deux premiers tiers du XXe siècle."
Pourquoi avoir orientée votre recherche vers les gestes de la sidérurgie ?
Nadège Mariotti : "Le sujet est venu presque simplement. Mon engagement en doctorat trouve naissance dans l’évidence des liens personnels attachés à cette thématique. Je suis fille, petite-fille, nièce et cousine de mineurs et « métallos ». Je me suis construite avec l’idée, somme toute banale à l’époque, que mon père travaille à l’usine. Mais qu’y faisait-il ? Les travailleurs sont des « taiseux » et ce qui se passe dans l’enceinte de la fabrique, y reste. Avec la remise en cause totale de leur métier et de leur outil de travail lors de la crise qui affecte la fabrication de l’acier, particulièrement dans le bassin de Longwy, tout un monde s’effondre ; la fierté laisse place à une forme de culpabilité et de honte. La découverte de l’univers professionnel de mon père et des autres sidérurgistes se fait de manière impromptue lors d’une séance de cinéma dans le cadre scolaire d’éducation à l’image documentaire alors que règne à l’extérieur le chaos des affrontements entre sidérurgistes et forces de l’ordre au son des sirènes hurlantes des usines. De plus, je prends conscience d’une part que les témoins disparaissent, que mes élèves, puis mes étudiants à l’INSPÉ de Lorraine, ne reconnaissent pas en ces paysages désolés ou parfois recomposés les sites sur lesquels tant d’hommes ont œuvrés, que leurs parents ont majoritairement d’autres professions. D’autre part, les entretiens menés auprès des témoins, la recherche textuelle en archives et même le support que peut représenter l’image fixe comme une peinture ou une photographie, n’abordent que peu le geste technique, qui est pourtant le cœur de ces métiers aujourd’hui quasiment disparus. Fascinée par les mains de mon père étant petite, ces mains si grandes de travailleur, je trouvais dommage que ce symbole même du travail ne soit pas suffisamment mis en image. Mon intérêt pour les images animées s’amplifie alors. Par l’émergence de l’association Image’Est, j’ai eu à cœur d’œuvrer pour l’éducation à l’image tout comme la conservation et la valorisation iconographique du patrimoine industriel. Il m’est alors apparu comme évident de m’engager dans un travail de recherche, plus dense, trop peu étudié, qui puisse rendre hommage aux gestes du travail d’une classe ouvrière qui a été, au XXe siècle, le pilier du développement économique européen."