Le transfert de la recherche au service des forestiers

 
Publié le 23/10/2019 - Mis à jour le 11/05/2023

AgroParisTech et le laboratoire SILVA (UMR Université de Lorraine / INRA / AgroParisTech), ont joué un rôle déterminant en incubant le projet FORESTYS avant de conclure un accord de valorisation. L'UMR donne accès à ses recherches sur la relation entre le sol, le climat et la présence des essences ou leur taux de mortalité. FORESTYS transforme ces connaissances en une gamme de services pour les gestionnaires. Échanges avec Georges Pottecher, gérant de FORESTYS, et Christian Piedallu, chercheur au sein de l'UMR SILVA et enseignant à AgroParisTech.

Georges Pottecher, gérant de FORESTYS

Comment est née FORESTYS ?

Les promenades dans la forêt vosgienne sont une passion familiale. Représentant de la 4e génération sensible à leur charme, j'ai fini un jour par vouloir gagner ma vie en regardant les arbres.

Il se trouve que nos forêts sont aux premières loges du changement climatique et des bouleversements de la biodiversité. Tout naturellement il m'a semblé important de mettre mes compétences au service de ceux qui font face à ces défis au quotidien.

L'idée est d'apporter aux gestionnaires des forêts privées les outils issus des recherches en écologie forestière et en télédétection. Je m'attache à rendre disponible des informations difficilement accessibles aux forestiers mais importantes pour éclairer leurs choix.

Que vous apporte la collaboration avec AgroParisTech ?

AgroParisTech et son laboratoire SILVA (une UMR avec l'Université de Lorraine et l'INRA) ont joué un rôle déterminant en incubant le projet. L'UMR m'a donné un bureau 6 mois près de la cafetière, c'était excellent à tous les sens du terme ! À l'issue l'UMR et FORESTYS ont conclu un accord de valorisation. L'UMR donne accès à ses recherches sur la relation entre le sol, le climat et la présence des essences ou leur taux de mortalité. FORESTYS transforme ces connaissances en une gamme de services pour les gestionnaires.

Que propose FORESTYS concrètement ?

Aujourd'hui FORESTYS propose des services innovants dans 4 domaines : le choix d'essences forestières pour tenter de remplacer celles qui sont ravagées par le changement de climat, la surveillance sanitaire des forêts par satellite, l'inventaire détaillé des forêts pour ajuster leur gestion à l'évolution des arbres et des marchés, la cartographie des sols pour leur protection.

Les gestionnaires de forêts accueillent assez favorablement ces prestations. Ils apprécient la transparence de la démarche et le fait d'accéder à des informations pertinentes pour leur forêt, tout en restant responsables de leurs choix.

Le fait de pouvoir questionner l'équipe de SILVA est pour FORESTYS un appui précieux pour mettre en perspective les résultats.

Christian PIEDALLU, chercheur au sein de l'UMR SILVA et enseignant à AgroParisTech

Comment abordez-vous le changement climatique en forêt ?

Notre approche est corrélative à partir de multiples observations de terrain. Elle s'appuie sur de grosses bases de données, couvrant de vastes emprises et répertoriant de multiples informations : l'inventaire forestier fait par l'IGN, les relevés ONF, des bases de données phytoécologiques ou de postes Météo France,  les données satellitaires, ... Dans la pratique nous utilisons trois approches complémentaires.

Dans un premier temps nous cherchons à mieux comprendre l'écologie des essences, à travers une meilleure connaissance des variations spatiales et/ou temporelles des facteurs de sol et de climat qui délimitent leur distribution.

Ensuite nous décrivons leur distribution pour une période antérieure au réchauffement climatique pour la projeter dans le présent ou le futur avec les simulations climatiques du GIEC. Cela permet de voir comment pourraient se décaler les aires de distribution lorsque les conditions changent.

De la même manière nous appliquons une approche statistique pour mieux déterminer ce qui fait qu'un arbre meurt en un lieu et à un moment donné. Un arbre meurt naturellement, mais on met en évidence des surmortalités liées au climat et à son évolution récente. Aujourd'hui nous avons encore beaucoup d'inconnues sur la part respective des événements extrêmes et des tendances à long terme. L'objectif à terme est d'identifier pour une espèce et un lieu donnée les conditions critiques à partir d'une séquence climatique.

À ce stade de vos travaux quels sont vos résultats ?

Les gammes des conditions écologiques favorables aux principales essences sont globalement assez bien connues. Ces gammes s'avèrent souvent étroites : environ 4 à 8 °C d'amplitude de température moyenne pour une essence en France. Dans un contexte de réchauffement climatique, on trouve de nombreuses zones qui deviennent ou qui deviendront défavorables à de nombreuses essences. Au regard des événements récents on constate que ces approches basées sur la distribution des essences ne sont pas aussi pessimistes qu’on on le supposait, et que les aires de distribution commencent bien à remonter vers de plus hautes latitudes ou altitudes.

On voit aussi que le changement climatique accroit la mortalité des arbres pour de nombreuses essences, en particulier dans les zones qui sont déjà chaudes ou sèches, qui correspondent aux marges sud de leurs aires de distribution.

L'enjeu serait maintenant de quantifier la vulnérabilité d’un arbre ou d’un peuplement selon les caractéristiques du sol, la génétique, ou le niveau de compétition, tout en prenant en compte la capacité d'adaptation des arbres. On constate en effet des résistances et des vulnérabilités inattendues.

Qu'attendez-vous du partenariat avec FORESTYS ?

Nous faisons de la recherche. Pour la rendre opérationnelle pour les gestionnaires il y a un travail de développement qui n'est pas de notre ressort, ni de notre compétence. FORESTYS fait ce développement. C'est précieux car le transfert de la recherche vers la gestion forestière prend souvent du temps et ne se fait pas assez vite. FORESTYS complète la chaîne au moment où la problématique du changement climatique suscite une forte demande des gestionnaires. Il y a une grande urgence, à la fois en recherche et pour le transfert.

De FORESTYS nous attendons aussi une remontée du terrain : les besoins précis, les apports de nos outils et leurs limites pratiques. Cela nous permet de vérifier si nos outils répondent concrètement à des questions et de nous adapter.