« Santé, Technologie et SHS au 21e siècle » : 3 questions à Jérôme Dinet

 
Publié le 3/10/2019 - Mis à jour le 14/04/2023
Jérôme Dinet
Jérôme Dinet, directeur du Laboratoire Lorraine de Psychologie et Neurosciences de la dynamique des comportements (2LPN) nous parle de la session « Santé, Technologie et SHS au 21e siècle » qui s’est déroulée à Metz lors de la deuxième semaine de la Tohoku Lorraine Conference.

 

Pour quelle raison avez-vous souhaité organiser cette session ?

Ce qui a motivé le séminaire et le rapprochement avec les collègues de Tohoku c’est une thématique commune et une vraie préoccupation qu’est le vieillissement de la population, un phénomène déjà très ancré au Japon et qui devient compliqué en France avec des répercussions et des enjeux économiques, sociétaux, médicaux : comment mieux prendre en charge le vieillissement ? comment prévenir les pathologies liées au vieillissement (physiques, sensorielles et motrices mais également cognitives).

Je collabore déjà avec plusieurs laboratoires au Japon mais quand j’ai appris la signature de l’accord cadre à venir entre Tohoku et l’Université de Lorraine et que j’ai vu que les mathématiques et la spintronique allaient faire l’objet de conférences, je me suis dit qu’il était dommage que les sciences humaines et sociales ne soient pas représentées. J’ai donc contacté le Prof. Ryuta Kawashima, éminent professeur qui dirige un centre sur le vieillissement qui m’a dit « Super, je viens avec mon équipe ». Nous avons donc pu réunir 6 collègues de Tohoku et, à l’Université de Lorraine, des chercheurs du 2LPN, du laboratoire Equipe de Recherche sur les Processus Innovatifs (ERPI) et de l’Inria, qui sont trois structures qui collaborent déjà sur des projets en lien avec la thématique, par exemple : la problématique de l’acceptation des robots d’assistance pour personnes âgées par celles-ci.

 

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces problématiques ?

Le point commun entre nos équipes c’est que s’il existe encore des verrous technologiques pour faire des robots capables de se déplacer dans notre environnement quotidien ou des technologies qui peuvent aider les personnes âgées ou atteintes d’Alzheimer à faire du sport, nous constatons que les vraies problématiques sont sociétales et psychologiques. L’acceptation aussi bien par les patients que par le personnel soignant mais également les familles (que l’on a tendance à oublier), nous oblige à avoir une approche multidisciplinaire avec en Lorraine des volets robotique / informatique / traitement du signal (Inria), génie industriel/ innovation (ERPI) et psychologie / neurosciences (2LPN) et au Japon des équipes qui mixent des disciplines comme la médecine, la nutrition ou encore la psychologie.

 

A terme, comment ce partenariat va-t-il vous permettre d’aider nos citoyens à rester dignes et autonomes aussi longtemps que possible ?

On a la chance de travailler avec des gens très compétents mais également très sympathiques, nos approches sont très complémentaires. Si nos homologues japonais sont très forts en recherche appliquée, ils comptent beaucoup sur notre apport en recherche fondamentale et théorique. Cela va nous permettre dans un premier temps de pouvoir rapidement répondre ensemble à des appels d’offre du type ANR : France-Japon, de coécrire des articles et évidemment le co-encadrement de thèses.

Le but est de pouvoir proposer à terme des solutions pour aménager ou réaménager nos environnements de vie, à l’échelle d’une maison, d’un quartier, d’un hopital, pour les rendre moins dangereux pour les personnes âgées mais également plus stimulants au niveau cognitif. C’est aussi développer des interfaces numériques, des technologies immersives pour les personnes en perte totale de mobilité et leur permettre de réaliser tout de même des exercices. Notre collaboration va également permettre d’envisager des technologies capables de détecter une chute chez une personne âgée ou de s’assurer qu’une personne atteinte d’Alzheimer ne puisse pas s’échapper d’un EHPAD. On veut évidemment s’assurer que le coût reste abordable mais surtout nous focaliser sur les questions d’éthique : la plupart des chutes ayant lieu dans des lieux intimes (salle de bains, chambre) et le bracelet électronique étant connoté très négativement. Il y a donc de vraies problématiques technologiques, psychologiques et éthiques qui nous lient et nous nous efforçons d’y répondre.