3 questions à Pierre Leblond - Focus sur les recherches menées au sein du laboratoire DynAMic

 
Publié le 3/10/2019 - Mis à jour le 7/10/2019

Le 3 septembre 2019, Pierre Leblond, professeur au sein du laboratoire Dynamique des génomes et adaptation microbienne - DynAMic (UL / Inra), obtenait une publication de ses travaux de recherche dans la revue internationale mBio (https://mbio.asm.org/content/10/5/e01533-19). Les résultats de cette découverte sont le fruit de recherches menées avec Cyril Bontemps, maître de conférences et Razak Tidjani, doctorant dans l’équipe Streptomyces Adaptation – StrAda du laboratoire. Pierre Leblond revient pour nous sur cette publication et nous présente les enjeux du laboratoire DynAMic.

Pouvez-vous nous expliquer le contexte et l’importance de cette découverte ?

Avec mon équipe, nous menons des recherches sur les mécanismes évolutifs des bactéries du sol. Nous avons mis en évidence une vitesse d’évolution insoupçonnée chez des bactéries présentes autour des racines des plantes (rhizosphère), les Streptomyces. L’évolution des espèces est souvent considérée comme un processus lent. On évoque le plus souvent les fossiles et les millions d’années qui séparent une forme évolutive d’une autre. Ces temps évolutifs longs ne s’appliquent pas chez les bactéries. Et c’est là toute l’originalité de notre découverte. Nous avons compris que ces bactéries sont capables de s’adapter extrêmement rapidement aux changements environnementaux. Elles peuvent, par exemple, s’adapter à la présence d’un pathogène ou encore, répondre à des stress environnementaux comme les changements climatiques. Ces bactéries sont donc capables de générer rapidement de la diversité génétique grâce à d’importants phénomènes de transfert et de recombinaison de gènes. La compréhension des mécanismes d’évolution génétique nous permet une meilleure compréhension de la capacité d’adaptation et d’interaction des bactéries à leur environnement. Notre recherche a pour objectif d’estimer la vitesse et l’ampleur de ces transferts, et d’étudier leurs conséquences au sein de l’écosystème du sol. Les résultats n’ont pas d’impact direct sur l’Homme, bien que, à l’heure du réchauffement de notre planète et des dérèglements qu’il génère, nous prenons de plus en plus conscience de notre dépendance à notre environnement. Nous ne vivons pas 'hors sol' ! 

Razak Tidjani, premier auteur de la publication dans mBio, soutiendra sa thèse intitulée « Evolution génomique au sein d’une population naturelle de Streptomyces » le 5 décembre 2019 à la Faculté des Sciences et Technologies.

Que cherche-t-on au sein de votre laboratoire DynAMic ?

L’ensemble de notre Unité Mixte de Recherche DynAMic (Dynamique des génomes et adaptation microbienne), dirigée par Bertrand Aigle, s’intéresse aux mécanismes d’évolution rapide des génomes bactériens. Une première équipe de chercheurs travaille sur les transferts dans l’écosystème sol (forestier) et une deuxième équipe s’intéresse davantage aux commensaux et pathogènes de l’Homme (microbiote humain) et aux bactéries de la chaine alimentaire. Outre les mécanismes fondamentaux, l’impact de ces transferts sur le fonctionnement des écosystèmes est étudié : fonctionnement de la rhizosphère, émergence de résistance aux antibiotiques, synthèse de métabolites spécialisés, dissémination de la résistance chez les bactéries (environnementales ou humaines). Actuellement, nous développons un projet à l’international concernant la génomique environnementale et l’impact de la diversité sur le fonctionnement de la rhizosphère. Ce projet est mené en collaboration avec l’université d’Exeter (Royaume-uni), notamment au travers d’une thèse co-financée par la région Grand Est et le LabEx Arbre.

Le financement du laboratoire d’excellence (LabEx) ARBRE* est prolongé jusqu’en 2024. Pouvez-vous nous expliquer les connexions de votre recherche avec ce LabEx ?

Nous travaillons dans le contexte de la rhizosphère, c’est-à-dire le cortège microbien environnant les racines de la plante (arbre). Les bactéries peuvent avoir un impact sur la santé et la croissance de l’arbre en excluant des potentiels pathogènes (ex. par la synthèse d’agents antibiotiques) ou en favorisant la croissance ou la nutrition de champignons symbiotiques ou de la plante. La diversité génétique intra- et inter-spécifique peut donc contribuer plus largement à la santé et la fertilité du sol. Les questions posées concernent le rôle de la diversité génétique au sein de la rhizosphère (santé et la fertilité du sol). Notamment, est-ce que la diversité contribue à l’adaptation de la rhizosphère aux changements environnementaux ? Réciproquement, est-ce que l’arbre est un acteur de cette dynamique ? La plante peut-elle stimuler les phénomènes d’échanges de gènes chez les bactéries environnantes, et ne retenir que les plus adaptées à son environnement ?

*Le LabEx ARBRE (Recherches Avancées sur la Biologie de l'Arbre et les Ecosystèmes Forestiers) est porté par l’Université de Lorraine, géré par l’INRA et associant AgroParisTech, l’Office National des Forêts (ONF), le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF), le Centre Régional d’Innovation et de Transfert de Technologies (CRITT) du Bois et l’European Forest Institute (EFI).