Pour désigner la production massive, romanesque et dramatique, qui marque l’évolution du marché du livre et de la vie littéraire et théâtrale dans les pays allemands à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est le terme de Trivialliteratur qui s’est imposé dans les années soixante du XXe siècle au détriment de concepts concurrents tels que Kitsch, Schundliteratur, Afterliteratur, Vulgärschrifttum etc. Le français a pareillement recours à une profusion de dénominations (paralittérature, infralittérature, sous-littérature, littérature populaire, littérature éphémère etc.) pour dénommer une forme « basse » de l’expression littéraire que l’on oppose généralement à une littérature dite « haute » ou « noble ».
La connotation (anciennement) dépréciative – d’un point de vue esthétique ou moral – de l’appellation allemande (Trivialliteratur) a été unanimement reconnue par la recherche comme étant problématique. Les entreprises de circonscription de l’étendue sémantique et du champ d’application de la notion, le recours à d’autres concepts – Populärliteratur, Unterhaltungsliteratur… – tout comme les fluctuations et les glissements dans les tentatives de délimitation des frontières censées séparer la « haute » de la « basse » littérature illustrent avec éclat les difficultés d’établissement d’une typologie qui fasse l’unanimité.
Le projet propose précisément de mettre l’accent sur la fluctuation et la perméabilité des frontières que l’on a voulu ériger entre les littératures « noble » et « triviale » en mettant en lumière les processus d’échanges qui s’opèrent entre elles : par exemple, l’étude des emprunts, des phénomènes de « trivialisation » et d’ennoblissement des matrices et des composantes, l’examen des champs d’intersection des produits et des genres des deux registres devraient clarifier la dette que les auteurs de renom et les polygraphes obscurs contractent les uns envers les autres.
Le projet – conçu en deux volets, le premier étant consacré aux genres dramatiques (2014), le second aux genres narratifs (2015) – devrait permettre de rendre compte des spécificités génériques de ces phénomènes de fécondation et/ou de dégénérescence.
Dans le cadre de ce colloque, les participants, tous spécialistes reconnus de la question, s’attacheront à dégager la dialectique et la dynamique des productions « lettrée » et « populaire », permettant d’éclairer les modalités de configuration du canon et du marché littéraires.
Porteurs du projet :
- Raymond HEITZ, Professeur - Université de Lorraine, Metz (CEGIL)
- Anne FELER, Maître de conférences - Université de Lorraine, Metz (CEGIL)
- Gérard LAUDIN, Professeur - Université Paris-Sorbonne