1, 2, 3 fontcom ; 4, 5, 6, des amitiés se tissent ?

 
Publié le 12/03/2019

123fontcom, c'est le nom d'un projet proposé par la licence infocom (sciences de l’information et de la communication) à ses étudiants de L1, L2 et L3 volontaires. Pour celles et ceux de première année, c'était l'occasion de s'intégrer en menant un projet collectif avec d'autres étudiants de différents niveaux, de manière horizontale. Et pour tous, le défi de devoir mettre à profit leur esprit de création en partant de rien, ou presque. Si la plupart se sont vite dispersés en apprenant que le travail n'était pas obligatoire, trois groupes d'irréductibles ont poursuivi sur leur lancée. Nous en avons rencontré un, avec dix membres au total : Emma, Elif-Yasemin, Keba, Arnaud, Marie, Maroua, Adam, Mamoudou, Colombe et Melissa.

Nous pensions tomber sur un simple groupe de travail, nous avons trouvé une bande de copains passionnés par l'idée de mettre en œuvre une initiative commune : créer un réseau social. Les consignes de départ données par Tourya Guaaybess, François Huver-Allard, Samuel Nowakowski, les enseignants organisateurs : imaginer un jeu pédagogique autour des fake news. Avec quelques conditions, tout de même : définir des règles de jeu claires, encourager les joueurs à interagir, et avoir une bonne accroche pour les attirer … et puis, que tout le monde s'amuse et y prenne plaisir ! (ce dernier critère d'évaluation est d'ailleurs fort appréciable et, à notre goût, malheureusement trop peu répandu dans les examens).

En discutant avec eux, on se rend vite compte que personne au sein du groupe n'en est resté à une définition superficielle de ce phénomène. Les fake news, ou « infox » en francisé, ce ne sont pas seulement de fausses infos, ce sont toutes celles qui sont relatées dans des conditions particulières, exagérées, mises en avant, afin de maximiser l'importance d'un fait ou au contraire de minimiser l'impact d'un autre. Pour comprendre avec un exemple : supposons que le président de la République actuel décide de candidater de nouveau aux prochaines élections présidentielles. Quelques mois avant l'échéance électorale, un journal révèle une information compromettante d'ordre personnel à son sujet. Cette information est vraie mais n'est pas politique. Elle n'apporte aucune réflexion intéressante sur les positions du président, mais elle contribue à discréditer ce candidat peu avant les élections. Selon eux, c'est une infox, car elle a été révélée dans le but de nuire ou de servir des intérêts particuliers, et non dans une démarche désintéressée et honnête d'informer correctement la population. Là est toute la déontologie (« Ensemble des règles et devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l'exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients et le public », dictionnaire Larousse en ligne) de la journaliste et du journaliste. Nos interviewés rappellent que d'après Socrate, philosophe grec du Ve siècle avant Jésus-Crist, une information n'est bonne à diffuser que dans le cas où elle remplit trois critères : véracité (cette information est vraie, ce qui implique d'en vérifier rigoureusement l'authenticité), morale (le fait de la diffuser est bon moralement, ce qui n'est pas le cas pour l'exemple du candidat à la présidentielle), utilité (il est utile pour la société, pour la connaissance, que cette information soit révélée). Socrate appelle cette démarche « le test des trois passoires », et c'est celle que le groupe des 10 a retenu pour travailler sur les fake news.

Mais revenons-en à nos étudiants. Créer un réseau social, donc. Chaque joueur aurait un avatar et naviguerait sur le réseau comme il le ferait sur twitter ou facebook. Sauf que là, le contenu ne serait publié (au moins au début) que par les administrateurs, et consisterait en une sélection d'articles pris sur d'autres réseaux sociaux existants. Le but des participants ? Mener une démarche journalistique de vérification de l'information et d'évaluation de la source pour qualifier la publication de « biaisée » ou de « neutre » (en lieu et place d'un « j'aime » ou d'un « j'aime pas »). Un système de points récompenserait les évaluations « justes ».

Ambitieux ? Peut-être un peu … c'est en tout cas ce qui est ressorti de la réunion que le groupe a eu ce lundi avant les vacances de décembre avec leurs enseignants. Faire naître un réseau social de toute pièce, c'est beaucoup d'investissement en temps et en énergie … et de connaissances en informatique. Et cela demande plus de précisions techniques : comment sélectionner les infos ? Comment les évaluer ? Comment attribuer les points aux participants ? Comment les comptabiliser ? Il faudrait s'associer avec des informaticiens et que ces derniers acceptent d'y passer beaucoup de temps. Pour l'heure, il faut surtout repartir de la base du projet, retravailler la matière première, en imaginant une concrétisation plus simple de l'idée comme un jeu de cartes ou de plateau. Retravailler le fond, c'est revoir les problèmes basiques qu'impliquent la mise en pratique des règles imaginées pour le jeu.

Le projet de créer un réseau social est viable quand même : ambitieux, mais pas irréalisable ! Sur le long terme, pourquoi ne pas envisager de transformer le jeu désormais bien rodé en réseau en ligne ? A partir de l'année prochaine, par exemple. Il s'agit maintenant pour ce groupe de travail, de rebondir, et après quelques minutes de flottement à cause de la déception, les idées fusent de nouveau. Pourquoi pas s'inspirer de tel jeu, ou bien de tel autre ? Faire un jeu en dimensions réelles avec des participants qui joueraient leurs propres pions ? Transformer la monnaie en « followers » ? Faire un mixte de plusieurs jeux ? Finalement, la « quête de défi permanente » évoquée par l'un d'entre eux est bien illustrée par cette petite remise en question forcée. Une mise à l'épreuve, mais pas un échec, loin de là. A suivre, donc ...

( Les étudiants de ce groupe sont : Elif-Yasemin BUGDAY L1, Marie SERON L1, Mamoudou SAMAKE L3, Emma KENTZINGER L1, Arnaud LEGRAS L1, Colombe ROULLEAU L1, Adam AZZI L1, Keba NDIAYE, Melissa CAKIR L1, Maroua MELKI L1)

Par Louise Le Monnier :  Etudiante en 3ème année de Licence d’Histoire, Louise Le Monnier a rédigé cet article dans le cadre du parcours transversal de journalisme en L3 de Sciences de l’Information et de la Communication.