Qui seront les utilisateurs d’hydrogène ?

 
Publié le 12/03/2019 - Mis à jour le 10/05/2023

 

Robin Vivian est maitre de conférence en informatique à l'Université de Lorraine, il s'intéresse aux NTIC. Julia Mainka est maitre de conférence à l'Université de Lorraine, spécialiste sur les questions liées à la filière hydrogène

Connaître les attentes de consommateurs quand le bien est identifiable est une démarche relativement simple. Elle consiste souvent à constituer un groupe représentatif des futurs utilisateurs en leur demandant de manipuler un objet, une application, une fonction et l’on évalue un niveau de satisfaction via des questionnaires, des méthodes de verbalisation ou encore en analysant des réactions.

Comment mettre en place ce type d’expérimentation quand l’objet n’existe pas encore ou que le concept est difficilement modélisable ? Dans un contexte de transition énergétique, ces points prennent tout leur sens. En effet, la mise au point de systèmes énergétiques à base d’hydrogène (voiture, chauffage, générateur d’électricité) renouvelle complètement les possibilités de développement durable en même temps qu’elle questionne les démarches ergonomiques visant à identifier de nouveaux produits ou services à même de satisfaire des utilisateurs variés et pour l’instant totalement ignorants des possibilités offertes (production d’électricité, production de chaleur, facilité d’utilisation, production personnalisée).

Une solution est de remonter le problème d’un niveau et de demander à des professionnels du domaine (production, transport, distribution, information) d’imaginer des profils d’utilisateurs, d’anticiper leurs attentes, besoins, interrogations voire leurs inquiétudes.

L’ergonomie prospective est un secteur de l’ergonomie qui identifie les besoins actuels, prévoit les changements, les utilisateurs futurs et crée des systèmes, des produits ou des services qui répondent à des besoins à venir.

En 2014, une étude a été menée en ce sens conjointement par deux laboratoires de l’Université de Lorraine. Les objectifs étaient de comprendre comment les experts percevaient le potentiel, acceptabilité et les utilisations du vecteur énergétique hydrogène. Cette première étude a permis de définir des profils d’utilisateurs de ces technologies, produits ou services.

Nous avons réuni une dizaine d’experts de quatre domaines liés aux secteurs de l’énergie (la production : Air Liquide, la distribution : Dedietrich, Axane, E.On, l’information : le républicain lorrain et la distribution :Alphea Hydrogène, Air Liquide).

Nous les avons invités à imaginer les besoins, les utilisations, évolutions techniques et contraintes que pourraient avoir de futurs utilisateurs. L’objectif était pour nous de construire des types de profils, des « personas ».

L’analyse textuelle (analyse des mots utilisés, des fréquences, des associations, des positions des mots dans les phrases, etc.) de tous les échanges nous a permis de distinguer quatre grandes catégories :

  • Le professionnel prudent qui sait que les technologies d’utilisation de l’hydrogène sont abouties mais qui perçoit les éventuels problèmes liés à connotation négative que peut avoir ce gaz (bombe, explosion, etc.).

  • Le professionnel actif qui sait que les technologies sont au point et que le problème de la transition énergétique et plus politique que technique.

  • L’utilisateur passif qui perçoit surtout les contraintes et risques d’une nouvelle technologie. Il est prêt à soutenir une transition énergétique seulement à condition que son mode de vie ne soit pas impacté.

  • L’utilisateur actif qui est généralement une personne enthousiaste, techno-addict prête à de nouvelles expériences avec souvent une fibre écologique marquée.

Les personas, totalement fictives, possèdent un visage, une profession, des attentes, des contraintes, des opinions. Ils contribuent à favoriser un travail d’idéation pour une catégorie identifiée (c’est-à-dire la capacité de formuler une idée, un concept une solution). Il est en effet plus simple de concevoir pour une personne que l’on est capable de visualiser que pour un utilisateur abstrait.

Pierre Gilles. Author provided

À titre d’exemple, Pierre Gilles est l’archétype d’une des quatre catégories que nous avons identifiées. Il est enthousiaste, responsable et soucieux de son environnement et maîtrise les nouvelles technologies. Ce travail préparatoire a permis de construire des représentants crédibles, parfois superposables dans leurs attentes, permettant aux professionnels des secteurs énergétiques de créer des scénarii de développements et l’utilisation de produits centrés sur l’hydrogène dans le cadre d’une transition énergétique.

The Conversation

Robin Vivian, Maitre de conférences, Université de Lorraine et Julia Mainka, Maître de Conférences, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.