CiTIQUE est un programme de recherche participative qui implique les citoyens dans la prévention contre la maladie de Lyme. Il est sélectionné pour l’édition 2018 du festival Sciences en Lumière – du 4 au 10 juin 2018 – Domaine du Charmois à Vandœuvre-lès-Nancy.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis chercheuse à l’INRA et chargée de projet pour le laboratoire d’excellence ARBRE créé en 2012. J’anime notamment l’un des axes stratégiques de ce Labex qui vise à renforcer le lien science/ société, en développant par exemple la recherche participative. Je suis aussi responsable de l’initiative Tous Chercheurs en Lorraine, qui propose d’accueillir des citoyens (élèves, enseignants, grand public) dans des laboratoires de recherche ouverts au public, équipés comme de vrais laboratoires, pour des stages de découverte de la démarche scientifique.
C’est dans ce cadre qu’avec mon collègue Jean-François Cosson de l’INRA de Maisons-Alfort, spécialiste de l’écologie des tiques, nous avons lancé le programme de recherche participative CiTIQUE, qui a pour objectif de :
- permettre aux chercheurs qui souhaitent s’ouvrir vers les citoyens, de collecter massivement des informations et des échantillons (tiques qui ont piqué) auxquels ils n’avaient jusque là pas accès, mais aussi d’échanger les savoirs et de co-construire les questions de recherche avec les citoyens.
- permettre aux citoyens intéressés et/ou préoccupés par les maladies transmises par les tiques de se mobiliser aux côtés des chercheurs pour faire avancer plus vite la connaissance sur le risque de piqûre de tique.
Comment est venue l’idée de faire un reportage sur ce sujet de recherche ?
CiTIQUE ne peut exister que parce qu’il y a des citoyens qui y participent. Nous voulons donner une place importante à ces citoyens, à leur connaissance du terrain qui peut aider à reformuler les questions de la recherche. Dès le début de cette aventure, nous avons fait le pari qu'en stimulant le dialogue des savoirs scientifiques et citoyens, nous parviendrons plus rapidement à la découverte de stratégies de prévention efficace du risque de piqûre de tique et de contamination par les agents infectieux que la tique transporte.
Pour mobiliser les citoyens à grande échelle, il nous fallait des outils.
Ce court-métrage en est un car nous espérons qu’il permettra aux citoyens de mieux comprendre le rôle actif qu’ils ont à jouer dans CiTIQUE. Nous allons notamment leur proposer de participer à l’analyse des tiques collectées, à l’occasion de stages de recherche qui seront organisés au laboratoire Tous Chercheurs de Nancy dont Annick Brun-Jacob enseignante-chercheure à l’UL est responsable.
Nous avons également lancé une application smartphone mi-juillet 2017, Signalement-Tique, qui permet à toute personne piquée par une tique, ou dont l’animal est piqué, de signaler les conditions de cette piqûre en remplissant un petit questionnaire. Cette application est pour nous un outil indispensable à la collecte massive de données écologiques sur les piqûres de tiques. La première version présentait des imperfections. Nous avons essayé de les corriger dans la nouvelle version qui doit paraître prochainement. Les premières données que nous avons collectées grâce aux signalements des citoyens, ont déjà permis de générer un résultat important : 27% des piqûres signalées ont eu lieu dans des jardins ou des parcs. C’est un pourcentage élévé qui génère des questions nouvelles, par exemple « comment aménager son jardin pour limiter la présence de tiques et le risque de se faire piquer ? »
CiTIQUE ne peut exister que parce qu’il y a des citoyens qui y participent. Nous voulons donner une place importante à ces citoyens, à leur connaissance du terrain qui peut aider à reformuler les questions de la recherche.
Le projet a-t-il une durée limitée dans le temps ?
CiTIQUE est un programme ouvert dans le temps qu’on espère pouvoir suivre sur la durée (5 à 10 ans). C’est important pour pouvoir apporter des réponses à des questions que les citoyens nous posent souvent, sur la base de leurs observations personnelles : « Est-ce qu’il n’y a pas plus de tiques aujourd’hui qu’avant ? » Les témoignages en ce sens sont nombreux mais les résultats scientifiques manquent encore. Avec CiTIQUE, nous allons pouvoir cumuler des données sur plusieurs années, ce qui devrait nous permettre d’évaluer l’impact des changements globaux sur l’écologie des tiques.
Pourquoi participer à Sciences en Lumière ?
On avait déjà l’idée de faire un film . Les réalisateurs de ce court-métrage (Yves Bernardi et Sarah-Louise Filleux du service de communication de l’INRA) ont repris cette idée lorsque l’appel à projets du Festival Sciences en Lumière a été lancé car le thème de cette année mettait en avant la démarche scientifique. Il nous a semblé que notre projet cadrait bien.
Quelles sont les attentes par rapport à la compétition ?
C’est de pouvoir montrer la recherche en train de se faire, sensibiliser un large public à une démarche de recherche participative, mais aussi faire de la prévention sur une problématique de santé publique.
Ce que nous aimerions à terme grâce à CiTIQUE, c’est que plus aucune personne ne se trouve en situation de risque de piqûre sans être protégée. Il ne viendrait en effet pas à l’idée d’un parent de laisser son enfant jouer au soleil en plein été sans le protéger avec une casquette et de la crème solaire. Pour le risque de piqûre de tiques, c’est pareil. Grâce aux cartes de risque que nous allons produire dans le cadre de CiTIQUE, les citoyens pourront adapter leurs pratiques de prévention pour continuer à profiter de la nature en toute sécurité.
Quelle est votre définition de la vulgarisation scientifique ?
Pour moi, la vulgarisation ne doit pas être quelque chose d’unidirectionnel, mais de bi-directionnel, pour favoriser les échanges entre chercheurs et citoyens.
Ce n’est pas juste communiquer des connaissances et/ou des résultats, c’est beaucoup plus que cela. Cela permet d’apprendre les uns des autres et cela implique un changement de posture, un partage et des savoirs mis en commun.
Beaucoup de sujets de recherche pourraient s’y prêter à partir du moment où on veut impliquer les citoyens. Au niveau du Labex ARBRE, nous déployons une politique qui va dans ce sens. Notre objectif, c’est de soutenir et/ou d’accompagner l’émergence de nouveaux projets de recherche participative, et de mobiliser un large éventail d’acteurs non scientifiques (grand public, professionnels, enseignants, élèves). Le projet en construction de Territoire d’Innovation de Grande Ambition « Des hommes et des arbres » porté par la Métropole du Grand Nancy, en partenariat avec l’INRA, l’UL et AgroParisTech, devrait nous permettre d’amplifier cette dynamique.
Les citoyens impliqués viennent de la région ?
Non pas uniquement. La mobilisation citoyenne est à la fois régionale et nationale. Il s’agit de participations individuelles mais aussi collectives au travers d’associations notamment (randonneurs, scouts de France, association des maires,…). Nous sommes aussi de plus en plus contactés par des responsables d’entreprise dont les agents sont régulièrement soumis au risque de piqûre, et qui souhaitent nous apporter leur aide.
Une dernière chose à ajouter sur CiTique ?
J’aimerais insister sur le caractère partenarial de ce programme. L’INRA, l’UL et l’ANSES sont impliqués mais on travaille aussi étroitement avec le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement de Nancy Champenoux qui joue un rôle majeur notamment dans la construction du réseau des acteurs non-scientifiques de CiTIQUE. C’est un facilitateur, un créateur de lien entre chercheurs et public. Pour moi, la clé de la réussite, c’est quand chercheurs, facilitateurs et citoyens sont réunis et travaillent de concert.
Je voudrais aussi souligner l’importance pour nous de toutes les données et des tiques envoyées par les citoyens. C’est extrêmement précieux pour la recherche et nous sommes en train de construire un réseau de laboratoires partenaires intéressés de les exploiter. A ce jour, on a déjà reçu plus de 1000 enveloppes, et ce en moins d’un an. Certaines contiennent plusieurs tiques. Toutes ces tiques viennent enrichir notre tiquothèque de tiques piqueuses qui est unique en France. On est un peu dépassé par ce succès. Il nous faut à présent mettre rapidement en place des outils informatiques adaptés pour gérer cette collection et toutes les données écologiques apportées par les signalements, étape indispensable pour que cela puisse servir à tous les chercheurs partenaires de CiTIQUE, que ce soit au niveau national ou international.
Enfin, j’en profite pour partager une toute dernière information : en complément de ce court-métrage soumis au Festival Sciences en Lumière, on a réalisé un petit film d’animation avec l’aide d’une collègue de l’INRA , Sylvie Laurent, intitulée « Que faire en cas de piqûre de tiques ?», qui pourra peut-être toucher encore d’autres publics.