Résidence Petrol à l'espace BMK - une résidence, c'est quoi ?

 
Publié le 25/05/2018 - Mis à jour le 10/05/2023
Les auteurs de petrol

Lancelot Hamelin, l'un des membres de l'auteur collectif Petrol, accueilli en résidence à l'espace BMK, nous explique ce qu'est un "auteur collectif" et ce que peut apporter une résidence à son travail d'écriture.
 

Petrol c’est quoi ?

Petrol c'est un auteur collectif. Nous sommes quatre à écrire sous Petrol. Je suis auteur de théâtre, de romans et de BD et avec 3 autres auteurs (Sylvain Levey, Philippe Malone et Michel Simonot),  nous écrivons à 4 mais nous ne sommes pas un collectif ou une association. Petrol c’est une identité, une personne.
On peut faire un parallèle de l'identité de cet auteur, avec la question de la représentation en politique. Certains mouvements politiques aujourd'hui se posent la question de savoir si on peut représenter au parlement les éléments, la forêt, les océans … L’énergie fossile est représentative de notre civilisation.
Beaucoup de gens s’organisent en collectif. Ce n'est pas notre idée. Petrol n'a pas de structure. C'est un lieu, un temps d'écriture où nous ne sommes plus nous-mêmes individuellement. On ne cherche pas à se financer, ni à financer ce projet. Petrol n'est pas une « association ». Petrol ne nous sert à rien, sinon à écrire autre chose, autrement.

Comment est né Petrol ?

En 2005, ça s’est fait par hasard. Nous avions tous les 4 des commandes par le théâtre Gérard Philippe et c’était pendant les émeutes dans les banlieues. On s’est dit qu’il fallait qu’on écrive sur ce sujet. Avec cette actualité brûlante, dans tous les sens du terme, nous ne pouvions pas penser à autre chose, mais en même temps, nous ressentions une véritable impossibilité à écrire « à chaud » sur ce qui se passait. Nous avons eu des discussions et des désaccords. L’un a écrit un texte, puis l’autre l’a repris et ainsi de suite. Le texte est passé entre les mains des 4 auteurs. Nous avons travaillé à partir de témoignages d’habitant de la ville de Saint Denis (93) pour activer notre écriture, trouver des personnages… Le texte [L’Extraordinaire tranquillité des choses – éditions Espace 34] a été jugé cohérent, comme s’il avait été écrit par une seule personne.
Ensuite, nous avons repris ce principe d'écriture : on se concerte, on produit un texte en le faisant tourner, puis on le discute à nouveau, et on repart dans l'écriture. Cela n'a rien à voir ni avec l'écriture automatique ou le cadavre exquis, ni avec les principes d'écriture collective de scénario. Cela emprunte à ces cultures, mais en les mêlant, et en cherchant une fusion pour faire apparaître une 5e voix à partir de notre travail à quatre. Il y a des grands exemples d’auteurs qui ont écrit des romans à plusieurs – Fantomas par exemple a été écrit par 2 auteurs dont on ne distingue pas les styles. Petrol est peut-être en train d'écrire son Fantomas...

Vous avez choisi la forme théâtrale pour l’aspect collectif ?

C'est que nous sommes d’abord des auteurs de théâtre, nous évoluons dans cet univers mental et littéraire. C'est notre langage naturel. Mais il y a aussi des projets de romans par Petrol.

Comment s’est organisée la résidence à l’espace BMK ?

La résidence est un événement exceptionnel. L’Université de Strasbourg et notamment Sylvain Diaz sont à l’initiative du projet. Nous sommes 4 personnes et les 4 universités du Grand Est (Université de Strasbourg, Université de Lorraine, Université de Haute-Alsace et Université de Reims Champagne-Ardenne) ont collaboré pour accueillir chacune leur tour un auteur.
En décembre, la résidence était à Strasbourg, en janvier à Reims , en février à Metz et en mars à Mulhouse. Chacun a repris le texte produit par le précédent.

Comment s’est déroulée la résidence ?

J’ai résidé 2 semaines à Metz en février. Pendant une résidence on a divers activités : on fait des ateliers, et on écrit.
Nous avons organisé des ateliers d’écriture avec les enseignants, les étudiants et les personnels de l’université sur le thème de la routine et des gestes du quotidien et comment le réinventer. Comment inventer des sorties de routes ? Comment elles pourraient devenir collectives ?
La résidence nous sort du quotidien et nous permet de nous isoler pour écrire, on est coupé de tout problème quotidien. C’est important pour les artistes et la création.
Le texte se centre autour d’un événement utopique : l’émergence d’un mouvement de sortie de route, d’une révolution spontanée. Les gens se mettent à ne plus faire ce qu’ils faisaient au quotidien. C’est surveillé par la police et d’autres instances, qui s’inquiètent et en déduisent que quelque chose de dangereux arrive. Ça montre que quand les personnes deviennent collectives, elles suscitent la peur. C’est à placer dans le contexte actuel, les réactions aux émeutes de 2005, ou encore l’affaire Coupat [un militant anarchiste accusé de terrorisme à tort], la commémoration paradoxale de Mai 68 ou encore les événements qui se sont produits à la ZAD.
A 4 on échappe, ou on essaie d’échapper à nos clichés personnels. On veut faire écho à l’actuel en essayant d’échapper à ces clichés, et apporter un point de vue « poétique ».

Qu’est –ce qu’une résidence apporte à un auteur ?

Ça aide les auteurs à vivre (nous sommes rémunérés) et les mets en contact avec le public. Ca place l’université comme productrice de création.

 

Le rendu de la résidence est à voir à l’espace BMK
La prochaine fois nous choisirons la nuit  -  le 29 mai 2018 à 19h45 – mis en scène par la compagnie des 4 coins dans le cadre du festival Espaces