Un an après : Nous sommes la cible

 
Publié le 21/11/2016 - Mis à jour le 6/11/2017
Rémi Malngrey sur l'anniversaire du 13 novembre.

Un an après, Rémi Malingrëy a porté un regard graphique et personnel sur cet article de Claude Poissenot, maître de conférences au Centre de recherche sur les médiations. C'est l'occasion pour l'auteur de revenir sur l'une de ses premières contributions à The Conversation France :

Hélas, les attentats du 13 novembre n’ont pas été les derniers… La violence aveugle a de nouveau frappé des porteurs de cibles. Certains étaient détenteurs de l’autorité légitime : policiers, gardiens de prison ou même un prêtre. Mais le 14 juillet à Nice, des familles, des couples, des ami(e)s qui voulaient passer un bon moment devant un feu d’artifice ont été réduits au statut de cibles avec le terrible bilan que l’on sait. A l’image de la famille dessinée par Rémi Malingrey, nous devons continuer notre chemin, stressés sans doute mais soudés certainement pour affronter ces épreuves auxquelles on ne doit pas s’habituer car ce serait intérioriser la terreur. Vivre légèrement avec gravité…


Sommes-nous en guerre ? Ce qui est certain depuis ce funeste vendredi 13 novembre 2015, c’est que nous tous sommes des cibles pour ce que nous sommes.

Les terroristes ne s’en prennent pas à nous pour la couleur de notre peau : les victimes ont été réunies par le rouge du sang… Ils ne combattent pas notre religion : s’ils parlent parfois de nous comme des « croisés », certaines victimes étaient de confession musulmane et beaucoup ne sont pas croyants.

Les motifs ne sont pas davantage liés à une idéologie politique : Daech s’accommode très bien avec le marché quand il s’agit du pétrole ou des armes.

Mode de vie

Mais alors qu’est-ce qui fait de chacun de nous la cible de leur aveugle et effroyable lâcheté ? Au nom de quoi nous font-ils la guerre ?

Au-delà de la rétorsion à l’égard des frappes en Irak et en Syrie, c’est notre mode de vie qui nous est reproché. Le choix « minutieux » (comme l’affirme le communiqué de revendication) des cibles révèle la palette de leurs détestations.

Le match France-Allemagne était une belle occasion de frapper les deux pays moteurs de l’Union européenne et qui plus est dans une rencontre amicale. Les terrasses des bars et restaurants incarnent la possibilité même d’espaces publics de rencontre que nous pouvons choisir de fréquenter (ou non). Le concert rock illustre lui aussi ce qui fait de Paris « la capitale des abominations et perversions ».

Par sa capacité à mouvoir le corps et à lui rendre sa liberté, la musique (et encore plus le rock peut-être) apparaît comme une menace sur un ordre social qui serait fortement régulé. On se souvient du film Timbuktu dans lequel la musique faisait l’objet d’une sévère répression de la part des islamistes qui s’étaient emparés de la ville.

Liberté

Notre liberté est perçue comme une « abomination », celle d’aller où bon nous semble, celle de se divertir par des amis, du sport ou un spectacle, celle de nous composer notre propre identité par la singularité des choix successifs que nous faisons.

Les plaisirs d’une bière (ou d’un verre de vin), d’un(e) ami(e), d’une danse, d’une soirée, d’un beau but, etc. tout cela nous est reproché. En plus, nous jouissons d’une certaine prospérité économique et de la paix…

La tragédie de Paris marque une occasion pour notre société de prendre conscience de ce qui la constitue et de la chance que nous avons d’y vivre. Nous usons tellement de notre liberté que nous en venons à nous diviser au point d’en oublier qu’elle nous rassemble.

Bien sûr nous pouvons être en désaccord sur des choix économiques, moraux, éducatifs, stratégiques, etc., mais reconnaissons que la liberté nous réunit bien au-delà de ces divergences.

Conscience positive

Il revient au personnel politique de nous offrir un discours sur ce qui nous tient ensemble. Mais chacun de nous doit aussi être porteur d’une conscience positive d’appartenir à une société qui nous offre tant de liberté et de possibilités.

N’oublions pas à quoi ceux qui nous font la guerre voudraient nous réduire et qui conduit des masses de réfugiés à se tourner vers nous. Ces individus fanatisés qui dévoient une religion ne remporteront pas cette guerre car ils ne pourront pas nous faire renoncer à nous-mêmes.

Puisque nous sommes des cibles, nous sommes des soldats par notre seul mode de vie. Continuer de sortir, de voyager, de vivre pleinement est une réponse pacifique à ces attaques.

The Conversation

Claude Poissenot, Enseignant-chercheur à l'IUT Nancy-Charlemagne et au Centre de REcherches sur les Médiations (CREM), Université de Lorraine

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.