[VERNISSAGE] "La Voie.x du Collectif" dans le cadre de la Journée de l'Alimentation Durable Etudiante

 
Date(s): 
Jeudi 9 novembre 2023 - 18:30
Lieu(x): 
Maison De l'Étudiant Lorraine Sud
Campus Lettres et Sciences Humaines 23 bd Albert 1er
Nancy

A l’occasion de la journée de la JADE (Journée de l’Alimentation Durable Etudiante), un vernissage de l’exposition photo « La Voie.x du collectif » sera présenté au sein de la MDE Lorraine Sud sur le Campus Lettres à Nancy le 9 novembre prochain.

Pour en apprendre plus sur ce projet nous sommes allés à la rencontre de Judith Demians. Jeune diplômée d'une école d'agronomie, engagée pour la transition agroécologique, elle est co-fondatrice du reportage "La Voie.x du Collectif" qui abordent les modèles d’agriculture en collectif, dans le cadre de l’association Paroles de Paysans.

- Quelle est la genèse de ce collectif étudiant et la naissance de ce projet ?

JUDITH : « Pendant mon cursus en école d'agronomie, à AgroParisTech, j'ai effectué une année de césure pour me rapprocher du terrain, et confronter mon apprentissage théorique à des expériences pratiques sur des fermes. Avec une camarade d'école, également en césure, nous nous sommes intéressées aux modèles d'agriculture en collectif, qui reconsidèrent complètement les façons de produire et de vivre en milieu rural. Chacune de notre côté, nous avions déjà séjourné dans des collectifs (en stage ou en wwoofing) et nous avons voulu en savoir plus sur le (ou plutôt les) fonctionnements particuliers de ces fermes. On s'est alors lancées dans un projet d'immersion de plusieurs mois au sein de collectifs agricoles. On s'est liées à Paroles de Paysans, une association d'agronomes-reporters pour la valorisation de l'agriculture paysanne.
Le projet, en quelques mots, était donc : 1 itinérance à vélo, 4 mois d'immersions sur des fermes collectives, 8 collectifs visités, 1 reportage. Pendant les séjours sur les fermes collectives, nous partagions le quotidien des agriculteur.rice.s qui nous accueillaient, travaillions avec elles.eux, et réalisions notre reportage en parallèle. Ce reportage comprend deux productions : un podcast (avec un épisode par ferme) et une exposition photo. Nous nous sommes entourées d'étudiant.e.s et jeunes diplômé.e.s d'une école d'audiovisuel, des ingénieurs son et des photographes, qui sont venu.e.s sur une partie des fermes, nous ont formé et nous ont épaulé dans toute la création du reportage.
Aujourd'hui, le podcast est diffusé librement, et l'exposition tourne sur des lieux très divers, ce qui nous permet d'aller toucher différents publics sur la nécessité de changer de modèles agricoles. »

- Pouvez-vous expliquer la notion d’agriculture collective ?

JUDITH : « Il pourrait il y a avoir des dizaines de définitions d'agriculture en collectif. Il a fallu faire un choix, et dans le cadre de notre reportage, nous avons défini "les collectifs agricoles" comme des groupes de personnes non issues de la même famille, qui travaillent et/ou vivent ensemble en milieu rurale, autour d'une activité agricole. Cela recouvre différents types de lieux :
- des écolieux, où la fonction de production est un support à l'autonomie et un moyen de reconnecter avec le vivant ;
- des fermes collectives, où la production agricole est une activité économique (comme dans une ferme classique), avec une expérimentation sur la mise en commun des moyens de production (humains, matériels, foncier);
- des tiers-lieux agricoles, avec une volonté forte d'ouverture et de création d'une dynamique en milieu rural ;
- des lieux historiques de lutte paysanne, comme le Larzac ou Notre-Dame-des-Landes, où le collectif s'est réuni dans un premier temps en opposition à un projet.
Il pourrait y avoir autant de catégories de collectifs que de collectifs rencontrés. Ce qui les réunis, c'est surtout la volonté de créer du commun. Du commun pour travailler à plusieurs et mieux se répartir la charge associée. Du commun pour rompre l'isolement en milieu rural. Du commun pour limiter le poids financier d'une installation, en se partageant les terres et le matériel. »

- Quels peuvent être les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés et quelles solutions innovantes avez-vous pu observer durant votre projet ?

JUDITH : « A partir des années 1960, l’agriculture s'est rapidement industrialisée, pour répondre au défi lancé par l'Europe de rendre l'agriculture compétitive sur le marché international. Les machines ont remplacé le travail humain, et alors que la population agricole représentait 31% de la population active totale en 1955, elle a chuté drastiquement pour atteindre 1,5% en 2020. En parallèle, les fermes les plus compétitives se sont agrandies, en grignotant les terres de celles qui disparaissaient. Aujourd'hui, les fermes françaises sont hyper-spécialisées, intégrées à un marché mondial fluctuant, et présentent un capital démentiel (tracteurs, infrastructures, robots...) obligeant les agriculteur.rice.s à s'endetter auprès de leurs banques. Ce système pousse à maximiser la production pour s'en sortir économiquement, en ayant souvent recours à des pratiques peu respectueuses du vivant, et une charge de travail incomparable avec les autres secteurs économiques. L'agriculture en collectif répond à un bon nombre de ces enjeux. Prenons par exemple l'angle de la dé-spécialisation des fermes. Travailler à plusieurs sur une ferme permet de diversifier les productions. Sur la ferme des Volonteux par exemple (dans la Drôme), une vingtaine de personnes travaillent sur des productions agricoles multiples : maraîchage, arboriculture, céréales, élevage, herboristerie... Cela permet de recréer des ponts agronomiques entre les productions, en se basant sur des complémentarités essentielles, entre élevage et productions végétales notamment, et ainsi de se passer des produits de synthèse (engrais et pesticides). Cela permet aussi de lisser les bénéfices entre les ateliers et donc la sensibilité aux aléas (climatiques, de marché, etc.). Par exemple, une mauvaise année en arboriculture à cause d'un gel tardif sur les arbres, pourra être compensé par une bonne année en légumes grâce à un marché porteur. Enfin, les pics de travail n'interviennent pas au même moment entre les productions, ce qui permet de s'entraider sur ces périodes intenses et lisser le travail sur l'année. Des ateliers non agricoles sont aussi souvent présents, qui aident à décloisonner le métier et à amener des profils différents sur la ferme. A la ferme des Volonteux par exemple, on trouve : un four à pain, un magasin de producteur.rice.s et un espace "tiers-lieu" qui peut être investi par les citoyen.ne.s alentours (qui accueille en ce moment notre exposition !). »

- Comment ce reportage peut-il sensibiliser le public aux enjeux de l’agriculture collective ?

JUDITH : « Aujourd'hui, de plus en plus de monde cherche à aligner ses convictions environnementales avec son métier et son mode de vie. Certain.e.s se tournent ainsi vers l'agriculture, avec souvent l'envie de s'installer à plusieurs et de mettre en place des systèmes de production durables, en agroécologie. Seulement, le parcours d'installation peut être long et sinueux, et est rarement adapté aux collectifs. Notre podcast et notre exposition photographique cherche à donner envie de se tourner vers des modèles agricoles alternatifs, respectueux du vivant - l'humain, la terre, les animaux. Il s'adresse à des personnes loin du milieu agricole, comme à des porteur.se.s de projet. Il donne des clés d'apprentissage concrètes de fonctionnement en collectif. On y traite de gouvernance, d'organisation du travail, de vivre ensemble, de communication, de production agricole, et surtout du PFH - le Putain de Facteur Humain ! On y retrace l'histoire des collectifs rencontrés, les moments de crises, les formes de mutualisation et le fonctionnement qui a été choisi au fur et à mesure. On se balade ainsi entre des groupements pastoraux à 2000 m d'altitude dans les Alpes, des fermes à 6 comme à 25 personnes, des lieux de lutte et des écolieux. Difficile d'y rester indifférent.e et de ne pas avoir soi-même l'envie de s'installer en collectif après tout cela ! »
 

©Paroles de Paysans

Découvre la programmation de la JADE (atelier cuisine, grande tablée, exposition) : https://u2l.fr/jade
Inscription au vernissage : https://forms.gle/tYMsErGgiqLj42d26 

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