[3 questions à] Jean-Baptiste Fressoz : sans transition, nouvelle histoire de l'énergie

 
Publié le 24/03/2025 - Mis à jour le 25/03/2025
Jean-Baptiste Fressoz

Factuel est allé à la rencontre de Jean-Baptiste Fressoz, chargé de recherche au CNRS et membre statutaire du Centre de recherches historiques de l'EHESS. Ses recherches portent sur l'histoire environnementale, l'histoire des savoirs climatiques, l'Anthropocène et la transition énergétique.

Factuel : Pouvez-vous présenter en quelques mots votre parcours de chercheur en histoire des sciences ?

Ma thèse réalisée au Centre Alexandre Koyré de l'EHESS portait  sur l'histoire du risque et de l'environnement. Cela a donné  un premier livre : L'Apocalypse joyeuse (2012). L'histoire racontée dans ce livre n'était pas celle d'une prise de conscience (des risques, de la pollution etc.) mais celle d'une désinhibition. L'Evénement Anthropocène (avec C. Bonneuil) et Les révoltes du ciel (co-écrit avec Fabien Locher) poursuivaient l'histoire des "réflexivités environnementales". J'ai ensuite porté une attention plus précise à l'histoire des matières et des énergies, ce qui a donné Sans transition. Une nouvelle histoire de l'énergie (2024). 

Factuel : Pourquoi le terme de «  transition » est-il si difficile à appréhender dans le contexte actuel ?

L'idée de "transition énergétique" est un slogan sans référent historique ou contemporain. On ne passe pas simplement d'une source d'énergie à une autre.  Globalement, l'histoire de l'énergie est celle de l'expansion symbiotique de toutes les énergies. On n'a jamais brûlé autant de pétrole, de gaz, de charbon et même de bois qu'aujourd'hui. La transition énergétique projette un passé qui n'existe pas sur un futur qui demeure bien fantomatique.

Factuel : Que peut apporter selon vous, l’histoire des sciences, dans un contexte de remise en question des savoirs académiques ? Par exemple, en lien avec la mobilisation actuelle autour de « Stand up for science ».

Dans le contexte actuel, il serait contreproductif  de se retrancher dans une posture scientiste. Etudier la manière dont les faits scientifiques sont élaborés, sanctionnés et acceptés renforce la confiance que l'on peut avoir dans leur robustesse. L'histoire permet aussi d'avoir un regard non naïf à la science. Elle permet à la fois de comprendre que celle-ci n'est ni pure ni désintéressée et que c'est une institution sociale  fragile qu'il faut protéger du vandalisme. 

[Conférence grand public] Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie par Jean-Baptiste Fressoz (EHESS)