[Alumni-Docteurs UL] Interview avec Lucie Delemotte, docteur en Chimie informatique et théorique

 
Publié le 24/11/2020 - Mis à jour le 5/05/2023

A l'occasion du projet de création du réseau de doctorants et Alumni Docteurs de l’Université de Lorraine, nous vous proposons une série de portraits et interviews de doctorants et docteurs. Interview avec Lucie Delemotte, docteure en chimie informatique et théorique, Associate Professor of Biophysics à KTH Royal Institute of Technology de Stockholm et Prix de thèse 2012 de l’Université de Lorraine.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Lucie Delemotte, j’ai 35 ans. Je suis née en Lorraine à côté de Nancy et j’ai fait toutes mes études à l’Université de Lorraine.

Parlez-nous de votre parcours à l'Université de Lorraine, de votre thèse et de l’après-thèse.

Après une prépa en économie et commerce, je me suis réorientée vers un Deug en biologie que j’ai complété par une licence en chimie générale et un master en chimie physique. Au cours de mon master, j’avais des cours de chimie théorique, ce qui m’avait beaucoup plu. J’ai eu une proposition pour démarrer une thèse avec financement dans le laboratoire SRSMC (Structure et réactivité des systèmes moléculaires complexes) aujourd’hui nommé L2CM (Laboratoire lorrain de chimie moléculaire), que j’ai soutenue en 2011.

Mon sujet de recherche portait sur les protéines membranaires qui permettent de transmettre des impulsions électriques dans les cellules excitables comme les neurones, les cellules cardiaques, musculaires…

Le but de ma thèse était de comprendre comment ces protéines fonctionnaient, en appliquant les méthodes de la physique aux molécules biologiques, dans un domaine qui s’appelle donc la biophysique. Cette thèse a été purement computationnelle, s’appuyant sur une technique de simulation qui s’appelle la dynamique moléculaire et qui permet de suivre comment ces systèmes biologiques microscopiques se comportent au cours du temps, et en réponse à des stimulus comme l’arrivée d’un influx nerveux.

Pendant la thèse, mon encadrant m’a ouvert de nombreuses portes : en me faisant participer à des écoles thématiques, des conférences etc. J’ai réussi à décrocher une bourse Marie Curie qui me permettait de partir 2 années en dehors de l’Europe, et une année de retour en Europe pour réaliser un postdoc.

J’ai effectué la première année aux Etats Unis, à Temple University à Philadelphie, et mon année de retour en Suisse, en Lausanne à l’EPFL. Les 2 expériences se sont très bien passées !

Quelle est votre profession actuellement, vos missions et comment en êtes-vous arrivé là ?

Avant d’obtenir le poste que j’ai maintenant, j’étais sur un poste tenure track à KTH à Stockholm, à l’institut SciLifeLab (institut de recherche en science de la vie), ce qui m’a permis de créer mon groupe de recherche. En octobre 2019, mon poste a été pérennisé et je suis passée sur un poste d’associate professor with tenure.

Actuellement, j’ai sous ma responsabilité une équipe de 6 à 8 chercheurs (pour moitié des doctorants et pour moitié des postdocs). Je m’occupe du management de l’équipe, de la recherche de financement pour les recrutements et de la supervision des membres, tout en faisant attention aux bonnes conditions de travail afin d’avoir une équipe motivée et dynamique.

Moi, ça me correspond très bien, j’aime beaucoup travailler avec ces jeunes-là, ils sont tous très motivés, tous très intelligents, tous très créatifs.

Qu'est-ce que la Suède vous a apporté sur l'évolution de votre carrière et comment est-venue l'idée de participer à l'académie des jeunes chercheurs ?

En arrivant en Suède, je me suis rendue compte que ce n’était pas si simple, en tant que jeune prof dans un nouveau pays, sans avoir son réseau local. J’ai eu beaucoup de demande de financement qui ont été rejetées, même si mes activités de recherche étaient reconnues.

D’autre part, dans la communauté de recherche internationale, on s’est rendu compte que de plus en plus, il y avait des inégalités qui continuaient à se propager, des inégalités de genre, d’origine ethnique, etc. J’ai donc commencé à réfléchir à toutes ces questions : comment on publie la recherche ? Est-ce que le système de publication et d’évaluation est bénéfique ou pas ? Comment on évalue la recherche ? A partir de ça, je me suis dit que ça serait bien de participer à l’académie des jeunes chercheurs de Suède, car ça permettait d’être dans un groupe, de faire à plusieurs, d’avancer sur ce genre de question. L’académie des jeunes chercheurs permet d’avoir accès à l’académie royale de Suède et aux politiciens, donc c’est un bon endroit pour discuter de ce genre de problème et de faire réfléchir des gens qui ont le pouvoir de décision sur ces questions-là et développer son réseau.

J’avais aussi envie d’être plus connectée à d’autre chercheurs avec des compétences différentes des miennes. Ici, on parle avec des gens de tous horizons : sciences humaines, histoire, physique théorique, sécurité informatique…

Avez-vous des conseils à donner aux doctorants ou docteurs qui envisagent une carrière à l’étranger ?

Ce qu’il faut avoir en vue, c’est qu’il peut y avoir des sacrifices qui sont associés aux choix. C’est une vie riche, on ne s’ennuie pas, mais ça prend du temps, de l’argent… Par exemple, à chaque fois qu’on change de pays, c’est un nouveau système, pas seulement académique, mais aussi social, donc il faut comprendre comment fonctionne l’assurance maladie, l’assurance chômage, le logement, etc. Tout ce qui est vie quotidienne est remis en question.

C’est riche et à la fois fatiguant, donc il faut être prêt à ça. Il ne faut pas oublier nos familles, nos proches… Il faut bien réfléchir et se rendre compte que quand on fait ça, on ne fait pas autre chose, on n’investit pas dans une maison en France, par exemple. Donc il faut bien être conscient des choix qu’on fait !

Et ce qui m’a aidé énormément, c’est la chance de bien parler anglais ! Je pense qu’on peut difficilement voyager si on ne parle pas cette langue.

>> Plus de détail sur le groupe de recherche de Lucie Delemotte : www.biophysics.se/index.php/members/lucie-delemotte/