Collaboration UL-Tohoku : les avancées sur le stockage de données et de leur consommation énergétique

 
Publié le 14/10/2020 - Mis à jour le 10/05/2023
P. Mutzenhardt et H. Ohno se serrent la main
Du 17 au 25 septembre 2019, l'Université de Lorraine a eu le plaisir d’accueillir une délégation de ses homologues de l’Université de Tohoku (Japon). La rencontre était organisée autour de la signature d’accords renforçant un ensemble de collaborations entre les chercheurs des deux universités remontant à une quarantaine d’années pour certaines. Les deux universités se sont engagées à allouer 45,000€ chacune pour financer 3 projets en collaboration, dont celui de Stéphane Mangin, chercheur à l'Institut Jean Lamour et directeur scientifique du projet LUE sur les nanomatériaux et les capteurs. Ce partenariat a donné lieu à une publication ce mercredi 14 octobre dans Advanced Science, une revue scientifique prestigieuse, sur des résultats qui pourraient réduire drastiquement la vitesse à laquelle nous écrivons de la donnée numérique, ainsi que l'énergie nécessaire pour la stocker.
Pouvez-vous expliquer pour un public de non spécialistes la nature de vos résultats ?

Les données numériques générées annuellement à travers le monde se comptent désormais en zettaoctets, soit en milliers de milliards de milliards d’octets. Cela équivaut à délivrer chaque seconde une quantité de données correspondant à des centaines de millions de livres. La quantité de données générées ne cesse de croitre. Sa croissance est si forte que les deux dernières années ont produit à elles seules 90 % des données mondiales. Cette évolution exponentielle est liée à notre usage des ordinateurs, des téléphones mobiles et de tous les objets connectés (montres, chaussures...) qui génèrent de l’information sous de multiples formes (courriels, messages, vidéos, musique...). On parle d’IoT : Internet des objets. En 2025, le nombre d’objets qui seront connectés à travers le monde est évalué à 80 milliards. L’IoT et l’intelligence artificielle (AI) va contribuer à engendrer encore plus d’informations qu’il faudra stocker et analyser. En 2017, la consommation énergétique annuelle des data centers (centres de stockage) américains correspondait à la production de trente-quatre centrales électriques géantes, soit 500 mégawatts (1 MW = 106 W = 1 000 000 W). Google, par exemple, avait une consommation énergétique équivalente à celle de la ville de San Francisco. L’internet absorbait alors 3 % de la production mondiale d’électricité. Par projection, si les mêmes technologies continuaient à être utilisées, en 2040 la totalité de la consommation électrique mondiale actuelle serait consacrée au stockage des données.

La collaboration dans le domaine de la Spintronique et du nanomagnétisme entre l’université de Tohoku (Japon) et l’Université de Lorraine (France) pourrait conduire à une forte diminution de la consommation énergétique liée à la génération, au stockage et au traitement des données. Plus précisément nous travaillons sur l’utilisation de Laser Femto seconde capable de créer des pulses de lumière très intense mais pendant une durée de 30 femto seconde (30 10-15 seconde : 0,00000000000003 secondes) pour écrire de l’information sur un support magnétique. Grâce à notre collaboration, nous avons démontré, pour la première fois, qu’un seul pulse ultra-court pouvait permettre de retourner l’aimantation d’une couche mince ferromagnétique et donc d’écrire de l’information. Ceci permet d’être beaucoup plus rapide et d’utiliser moins d’énergie.

Quelles retombées espérez-vous de la publication de votre article dans une revue aussi prestigieuse qu'Advanced Science ?

Les résultats publiés montrent qu’il est possible de retourner l’aimantation grâce à un pulse électrique ultra-court. Il s’agit d’une très bonne nouvelle pour de futures applications dans le domaine de l’électronique. Ces résultats devraient susciter un fort intérêt dans la communauté scientifique internationale. Nous espérons que d’autres équipes travaillant sur le même sujet en viennent à comparer leurs résultats avec les nôtres et que nous puissions comparer nos approches. Peut-être pourrons-nous inspirer de futurs chercheurs qui viendront effectuer leurs thèses dans nos laboratoires. Enfin, si un investisseur potentiel venait à entendre parler de nos résultats et souhaitait financer une partie de notre recherche, cela serait évidemment appréciable.

Comment s'est déroulé le partenariat jusqu'à présent et quelles sont les prochaines étapes de votre collaboration ?

Le partenariat entre l’Université de Lorraine et l’Université de Tohoku est porté, en grande partie, par les échanges d’étudiants, de doctorants et de Post-doctorants entre les deux universités. Plus d’une dizaine d’échanges de part et d’autre ont déjà eu lieu pour des durées de plusieurs mois dans de nombreux cas. Ce partenariat a été largement soutenu par les présidents Hideo Ohno et Pierre Mutzenhardt qui ont signé, en 2018, un accord de consortium durant le World Materials Forum. Le projet LUE via les dispositifs Impact (N4S) , Welcome@Lorraine, et Goal= Doctorate a largement contribué au succès de ce partenariat. Les deux universités possèdent des moyens et des compétences uniques qui permettent de fabriquer et de caractériser des matériaux à l’échelle atomique, de réaliser des dispositifs électroniques de taille nanométrique et aussi de pouvoir faire des mesures optiques et de transport a des échelles de temps ultimes (une dizaine de femto-secondes). Les études sur les dispositifs d’électronique de spin ultra rapide vont s’intensifier avec les premières thèses communes. Nous espérons démontrer rapidement la faible consommation d’énergétique de tel dispositifs

Nous espérons que ces résultats de tout premier plan dans le domaine de la Spintronique et du Nanomagnétisme pourront renforcer les collaborations Tohoku-Lorraine dans ce domaine scientifique mais aussi dans les nombreux domaines communs aux 2 universités.

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