La fascinante chimie à la surface de l’eau, de l’origine de la vie aux nouveaux matériaux

 
Publié le 10/09/2020 - Mis à jour le 2/05/2023

L’équipe de Manuel Ruiz-Lopez, directeur de recherche CNRS au LPCT* , vient de publier un article de revue dans le journal Nature Reviews Chemistry sur les propriétés étonnantes, mais encore mal comprises, de la chimie à la surface de l’eau. Si cette chimie est très riche, elle n’en reste pas moins négligée.

Que se passe-t-il entre l’eau et l’air, dans cette couche fine et diffuse de contact entre le gaz et le liquide que l’on appelle l’interface ? Un grand nombre de réactions chimiques sont considérablement accélérées. Cela a été montré, par exemple, pour les processus chimiques et photochimiques impliquant des composés organiques volatiles (isoprène, formaldéhyde,…) accumulés à la surface des gouttelettes d’eau dans les nuages, ou pour ceux impliquant des molécules d’origine biologique (protéines, lipides,…) à la surface des océans.

Dans la terre primitive, la surface des océans et celle des aérosols atmosphériques ont sans doute été le milieu dans lequel une grande diversité de molécules se sont concentrées, puis ont réagi entre elles pour former les édifices chimiques plus complexes nécessaires à l’origine et à la formation de la vie. Ce phénomène, désormais amplement documenté, est désigné par le terme anglo-saxon « on-water catalysis » et pourrait avoir des implications extrêmement importantes dans divers domaines de la chimie et de la biochimie. Cela peut concerner la synthèse de nouveaux produits par des procédés propres, contribuant ainsi au développement des industries chimiques « vertes » destinées à supprimer l’utilisation de solvants organiques volatiles qui polluent l’atmosphère.

À cet égard, des expériences très récentes utilisant des techniques dites d’électrospray ont ouvert des perspectives très intéressantes, montrant que les microgouttelettes d’eau, dont le rapport surface/volume est bien plus grand que celui d’un simple verre d’eau, peuvent agir comme un véritable réacteur chimique. Mais c’est seulement depuis quelques années que l’on commence à comprendre l’origine du phénomène et à mesurer son impact grâce, d’une part, au développement des dispositifs expérimentaux permettant de sonder spécifiquement les interfaces, et d’autre part, aux développements théoriques dans le terrain de la simulation. L’article du Dr. Ruiz-Lopez et de ses collaborateurs, à l’Université de Pennsylvanie aux USA, et au CSIC à Barcelone en Espagne, passe en revue de nombreux exemples de cette catalyse interfaciale, et consacre une part importante à la discussion de différents facteurs qui pourraient expliquer les effets observés, tels que les propriétés acido-basiques de la surface ou son asymétrie, qui génère un champ électrique microscopique susceptible d’orienter et stabiliser les espèces moléculaires et les ions. 

 
Référence :
Molecular reactions at aqueous interfaces 
Manuel F. Ruiz-Lopez, Joseph S. Francisco, Marilia T. C. Martins-Costa and Josep M. Anglada
Nature Reviews Chemistry 2020
 
Science a publié un article sur leur travail publié au JACS en mars 2021 : 
Science, Vol. 371, Issue 6525, pp. 138-139
 
L'article original:
J. Am. Chem. Soc. 142, 20937 (2020)
 
 
* LPCT : Laboratoire de Physique et Chimie Théoriques (UMR CNRS-Université de Lorraine)