Les métaux stratégiques au cœur des transitions : entretien avec Alexandre Chagnes suite au congrès international

 
Publié le 7/10/2024 - Mis à jour le 8/10/2024

Suite au récent congrès international "Métaux européens pour l'énergie et les transitions numériques", nous avons interviewé Alexandre Chagnes - enseignant-chercheur de l'Université de Lorraine et directeur scientifique du LabeEx RESSOURCES21 - pour mieux comprendre le rôle essentiel des métaux comme le lithium, le cobalt, le cuivre et le nickel dans les transitions énergétique et numérique.

En quoi les métaux revêtent-ils un enjeu européen ?

Alexandre Chagnes : "Les métaux revêtent un enjeu crucial pour l'Europe en raison de leur rôle central dans la révolution industrielle, numérique et énergétique actuelle. La transition vers des énergies décarbonées et le développement de technologies de pointe reposent sur des métaux critiques tels que les terres rares, le cuivre, le lithium et le cobalt. Or, la production de ces métaux en Europe est quasi inexistante, ce qui expose la région à une dépendance élevée vis-à-vis de l'importation de ces matériaux essentiels. Cette situation crée des vulnérabilités économiques et géopolitiques, et limite la capacité de l'Europe à sécuriser ses chaînes d'approvisionnement et à soutenir ses ambitions en matière d'innovation technologique et de durabilité. Pour faire face à ces enjeux, il est impératif que l'Europe assure un approvisionnement durable en métaux stratégiques, en stimulant le recyclage, en explorant l'ouverture de mines responsables, et en établissant des accords avec des pays producteurs stables sur le plan géopolitique."

Quel est le lien entre les métaux, et l'énergie et les transitions numériques ? 

Alexandre Chagnes : "Les métaux jouent un rôle crucial dans les technologies de notre quotidien. Par exemple, les téléphones mobiles contiennent une quarantaine de métaux, dont l’or, l’argent, les platinoïdes et le cuivre. Sans ces métaux, la fabrication des objets nécessaires à la transition numérique serait impossible. De même, les éoliennes offshore nécessitent des terres rares, tout comme les moteurs des véhicules électriques. Les panneaux photovoltaïques requièrent du silicium, de l’indium, du cuivre, et d’autres métaux essentiels. Les batteries lithium-ion, quant à elles, contiennent du lithium, du cobalt, du nickel et du manganèse. Dans toutes ces technologies, le cuivre est également indispensable. Il existe un lien étroit entre les ressources minérales et l’énergie : l’extraction et la transformation des métaux nécessitent de l’énergie, tandis que les métaux sont nécessaires pour produire et stocker de l’énergie décarbonée. Ces matières premières pour les transitions énergétique et numérique sont utilisées sous forme de sels métalliques, de métaux ou d’alliages, dont la pureté est généralement élevée. Elles peuvent être extraites des mines ou récupérées à partir de déchets. Le passage de l’économie linéaire à l’économie circulaire est crucial pour réduire l’impact de nos activités sur l’environnement et préserver la biodiversité, tout en optimisant l’utilisation de nos ressources. Cependant, au-delà de l’approvisionnement en ressources dans un modèle circulaire, il est nécessaire de établir de nouveaux modèles dans lesquels la sobriété est centrale."

Que permettrait l'indépendance européenne sur les métaux ?

Alexandre Chagnes : "L'indépendance européenne en matière de métaux permettrait à l'Europe de renforcer sa souveraineté industrielle et technologique en réduisant sa dépendance vis-à-vis des importations de métaux stratégiques et critiques. En maîtrisant l'ensemble des filières industrielles — depuis l'approvisionnement en matières premières jusqu'à leur transformation et la production des technologies associées — l'Europe garantira un approvisionnement stable et sécurisé pour ses transitions énergétique et numérique. Cela renforcerait non seulement la résilience économique de la région face aux fluctuations géopolitiques et aux crises d'approvisionnement, mais aussi sa capacité à innover et à développer des technologies de pointe. En outre, une telle indépendance permettrait de promouvoir des pratiques durables et responsables, en collaborant avec des partenaires de confiance qui partagent les mêmes valeurs en matière d'environnement, d’éthique et de droits sociaux.

Actuellement, la participation de l’Université de Lorraine au projet Européen EURECA-PRO sur la consommation responsable ainsi que le programme interdisciplinaire CIRSET financé par Lorraine Université d'Excellence sur l’approvisionnement responsable en ressources pour les transition digitales et énergétiques, et le programme Interreg CIRKLA que je porte à l’Université de Lorraine visent à apporter une réflexion sur ces sujets d’actualités."

Photo d'une mine.