La mécanique et l'ingénierie des matériaux au chevet de nos ligaments

 
Publié le 15/09/2014 - Mis à jour le 20/01/2015
Un ligament

« Je viens de me casser un ligament croisé ». Cédric Laurent, maître de conférences fraîchement recruté au Laboratoire d'énergétique et de mécanique théorique et appliquée (LEMTA), sait de quoi il parle : « un ligament ça ne repousse pas ». Mais grâce à lui et ses collègues, il sera peut-être possible de remplacer des ligaments plutôt que de greffer des tendons prélevés ailleurs dans l'organisme.

Un cahier des charges multi-échelle

La thèse de Cédric Laurent était consacrée à une approche biomécanique de la recherche d'un nouveau biosubstitut pour l'ingénierie tissulaire du ligament croisé antérieur. Au cours de son doctorat, Cédric Laurent a

  • établi un cahier des charges,
  • identifié les paramètres à prendre en compte pour y répondre,
  • modélisé la forme de la structure tressée à même de tenir lieu de ligament jusqu'à la maturité complète du nouveau tissu.

Les tests se sont révélés concluants : les cellules prolifèrent sur la matrice. Reste à orienter la différenciation cellulaire pour obtenir le résultat escompté :

Photos de la prolifération de cellules sur une matrice de support.

Que vient faire là un ingénieur en mécanique ?

« Le destin d'une cellule souche dépend de son environnement biochimique, mais aussi mécanique ». C'est pourquoi Cédric Laurent a contribué à la conception d'un bioréacteur dans lequel des cellules souches se différencient pour former des tissus ligamentaires sous l'effet de tractions et de torsions répétées :

Mais ce n'est pas encore suffisant : « la transition entre le ligament et l'os est un continuum ». Cédric Laurent a donc imaginé un assemblage qui reproduirait ce continuum en ajoutant des contraintes de compression pour pousser les cellules souches des extrémités à évoluer sous une forme osseuse qui permette leur greffe sur l'os du patient.

Difficulté supplémentaire : le biomatériau qui sert de matrice à cet assemblage doit pouvoir tenir lieu de prothèse pendant la maturation des cellules, tout en se dégradant à mesure que les nouveaux tissus deviennent performants. Un véritable challenge pour les chercheurs de l'Institut Jean Lamour qui travaillent à l'élaboration de mousses dont la structure ressemble à celle de l'os :

Structure des mousses destinées à reproduire les caractéristiques de la matrice osseuse.

Baptisé OLigO, le projet se déroule en étroite collaboration avec le laboratoire d'Ingénierie Moléculaire et Physiopathologie Articulaire (IMoPA) qui travaille également avec le LEMTA pour concevoir un biosubstitut de cartilage.

« Je serai déjà opéré d'ici à ce que ça marche »

Pour mener à bien ce projet, Cédric Laurent a décroché un financement dans le cadre de l'appel Projets Exploratoires Premier Soutien (PEPS Mirabelle 2014) organisé par l'Université de Lorraine et le CNRS. Objectif : améliorer le bioréacteur et finaliser la matrice pour s'approcher le plus possible de la culture dynamique des cellules, afin de soutenir un projet ANR (Agence Nationale pour la Recherche) qui permettrait l'implantation et les tests cliniques sur des animaux.

Quant au ligament croisé de Cédric Laurent ? « Je serai déjà opéré d'ici à ce que ça marche » conclu-t-il avec philosophie.