Une question au CEGIL : comment comprendre et représenter l’idée de culture européenne ? [2/3]

 
Publié le 21/05/2019 - Mis à jour le 23/05/2019

L’axe 2 du laboratoire CEGIL piloté par Mmes Lartillot et Wiedemann s’intéresse aux questions de médiations, circulation et réseaux du 18ème au 21ème siècle. Les questions soulevées par l’axe 2 tournent autour de l’idée d’une Europe se réalisant dans la création artistique et les échanges intellectuels.

L’Europe est l’alpha et l’oméga des recherches de l’axe 2 

En effet, non seulement les chercheurs de l’axe 2 étudient les phénomènes de médiation, de réseaux d’intellectuels et de circulation des idées entre les pays francophones et germanophones mais encore, ils replacent systématiquement ces questions en contexte européen.

L’Europe est comprise ici comme un univers idéel et culturel se structurant par référence à certains idéaux empruntés communément à l’Antiquité gréco-latine et à l’humanisme. Ces emprunts sont en même temps conçus sous l’angle de la nostalgie, d’une nostalgie néanmoins productive car non identitaire (telle que l’a décrite Barbara Cassin, philosophe membre de l’Académie française). Elle est comprise aussi comme un espace intellectuel où se jouent des questions d’éthique rationnelle et relationnelle (en référence aux réflexions développées au moment des Lumières notamment) dont la dynamique est observée de manière critique. Elle est conçue enfin comme un espace fondamentalement plurilingue, où les langues ont développé des rationalités particulières qui restent traduisibles les unes dans les autres comme le souligne Heinz Wissmann de l’EHESS, l’intérêt pour le chercheur étant alors justement de saisir tout le raffinement de ce mouvement de traduction, tout ce qu’il révèle des différences qui s’inscrivent dans le concert des voix européennes et des effets de continuité et de familiarité qu’ils révèlent en même temps.

 

Polyphème et Ulysse, l'antiquité gréco-romaine comme mythe fondateur européen ?

Différents projets et objets d’étude 

Nonobstant cette définition minimale, les chercheurs de l’axe 2 se consacrent à plusieurs projets majeurs.

Un premier sous-ensemble s’intéresse par exemple à la question des réseaux intellectuels franco-allemands et européens sous des angles prédéfinis, tels que « l’humanisme et l’idée de pédagogie au 16e siècle » (colloque de 2019, parution en cours), « la littérature classique et la franc-maçonnerie en Allemagne et en Europe » (aux 18e et début du 19e siècles) (colloque en 2020). Il s’agit là plutôt d’une enquête visant à reconstruire et à dépeindre les échanges existant, à compléter la connaissance que l’on a déjà de ces réseaux, en modifiant l’observation par des changements d’échelle. Dans cette enquête, la question de la traduction se posera immanquablement, elle s’est déjà posée à l’occasion d’un très beau colloque sur les médiateurs franco-autrichiens.

Un deuxième sous-ensemble, adossé notamment à un programme CIERA intitulé « Réseaux poétiques après 1980 dans les pays de langue allemande », étudie justement les phénomènes d’échanges et d’internationalisation de l’écriture. Des auteurs de l’espace germanophone développent des modes d’écriture à plusieurs qui transcendent les frontières, prenant appui sur des réseaux publicistes internationaux qu’il s’agit de reconstituer. Ces interactions démultipliées à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle font émerger un autre visage de l’histoire littéraire que celui que l’on connaît à travers la simple histoire nationale. En outre, on observera que l’écriture poétique ainsi constituée s’oppose aux effets de déshumanisation des réseaux néolibéraux. Ces tensions rejouent la partition des paradoxes fondateurs d’une certaine Europe des idées et ce sont les modalités de cette répétition qu’il s’agit de comprendre. Les bases du dialogue entre chercheurs ont été posées lors de deux rencontres franco-allemandes à Paris et Metz en 2019 et le dialogue se poursuivra à Francfort, Nantes et Toulouse en 2020 puis 2021.

Un troisième sous-ensemble va s’intéresser aux modes de construction des savoirs dans les textes poétiques et intellectuels de langue allemande, non sans référence aux modèles existant en Europe.

L’Europe est une construction 

Ce qui ressort des discussions autour de tous ces thèmes, symptomatiques de l’axe 2, c'est que la question européenne est centrale dans tous les sujets de recherche des collègues du CEGIL. Ce travail sur l’aspect culturel et littéraire permet de saisir les traces d’une autre Europe que celle des Nations. Une Europe culturelle où la circulation des idées est régie en même temps par des déterminations et interactions plurielles qu’il s’agit de comprendre dans toute leur complexité. L’étude de la culture européenne apparaît alors comme la meilleure école de l’esprit critique qui la fonde et la constitue.