Le Prix Alfred Croiset de l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres pour une chercheuse de l’Université de Lorraine

 
Publié le 10/04/2019 - Mis à jour le 11/04/2019

Madame Emmanuelle Jouët-Pastré, Professeure de langue et littérature grecques au CLSH, membre titulaire du laboratoire HisCAnt-MA, vient de recevoir le prestigieux prix Alfred Croiset de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Ce prix récompense le dernier ouvrage publié par notre collègue chez Brill, "Le plaisir à l’épreuve de la pensée. Lecture du Protagoras, du Gorgias et du Philèbe de Platon". Madame E. Jouët-Pastré est une spécialiste internationalement reconnue de Platon, le plus célèbre philosophe grec avec Socrate et Aristote.

 

L’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, une institution.

Dire de l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres qu’elle est une institution est un doux euphémisme. Fondée en 1663 sous le règne de Louis XIV, elle est une des cinq académies de l’Institut de France. Depuis 1701, son rôle est de compléter mais aussi protéger les connaissances dans les domaines de l’Antiquité, du Moyen âge, de l’époque classique, en Occident et en Orient.

Tout étudiant en Lettres classiques, Lettres modernes, Archéologie, Histoire, Philologie ou encore en Philosophie a obligatoirement eu un ouvrage édité par l’Académie entre les mains. L’Académie distingue aussi ceux qui font avancer la science dans ses domaines de prédilections. Le prix Alfred Croiset, du nom d’un célèbre philologue français, récompense les « ouvrages ou un ensemble d’ouvrages relatifs à l’étude de la langue et de la littérature grecques anciennes » et cette année, c’est une chercheure de l’Université de Lorraine qui a vu son travail reconnu par l’Académie.

 

Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Crédits Michael Langlois

 

Plaisir VS Pensée

Madame Jouët-Pastré a donc eu l’honneur d’être récompensée du Prix Alfred Croiset pour son ouvrage publié chez Brill en 2018 : Le plaisir à l’épreuve de la pensée. Lecture du Protagoras, du Gorgias et du Philèbe de Platon. Spécialiste internationalement reconnue de Platon, considéré comme le Père de la philosophie occidentale, Madame Jouët-Pastre obtient sa thèse de Doctorat en 1998 à l’Université de Rouen, puis son HDR en 2012 à l’Université Paris-Sorbonne. Elle rejoint en 2013 l’Université de Lorraine comme professeure, où elle enseigne au CLSH et continue ses travaux de recherche au sein de l’Equipe d’Accueil 1132 HisCAnt-MA. Elle est membre de la section 8 du CNU.

Il s’agit de la première monographie spécifiquement consacrée à l’analyse du lien complexe tissé par Platon entre plaisir et pensée dans le Protagoras, le Gorgias et le Philèbe, trois dialogues où Socrate essaie par tous les moyens d’amener ses interlocuteurs à formuler dans un discours argumenté ce qui à leurs yeux ne fait que s’éprouver: la positivité du plaisir. Cet effort tente de renouer le lien entre ce qui parait au premier abord incompatible : le plaisir et la pensée.

Emmanuelle Jouët-Pastré montre qu’à travers sa réflexion sur le plaisir, Platon s’interroge sur ce qu’il advient du plaisir comme valeur absolue dans la vie lorsqu’il est soumis à l’examen de la pensée. En même temps, le philosophe s’interroge sur ce qu’il advient à la pensée lorsqu’elle est envisagée du point de vue de l’hédoniste : le plaisir peut-il nier jusqu’au bout la valeur de la pensée ? Platon met au jour le lien nécessaire et indéfectible entre plaisir et pensée tout en soulignant la résistance du plaisir à être pensé par le non philosophe. Par là-même, la question des limites de la pensée philosophique est posée, question chère à Platon qui n’a rien d’un penseur dogmatique selon Emmanuelle Jouët-Pastré. L’enjeu d’un tel débat, tout à fait actuel, est érotique et éducatif : il appartient de travailler sur le désir de l’autre afin de rendre possible une éthique universalisable.

L’œuvre entière de Platon est ici convoquée pour éclairer les trois dialogues qui traitent du plaisir. Les dialogues sont mis en rapport les uns avec les autres ainsi qu‘avec les textes d’autres auteurs et replacés dans leur contexte intellectuel et politique. Emmanuelle Jouët-Pastré appartient à la catégorie de ceux qui ont choisi de lire le texte de Platon dans toutes ses inflexions, sa finesse et sa complexité, en étant attentive aux nuances de la démarche dialogique, sans s’en tenir à la seule logique des arguments. Travail philologique, littéraire et philosophique qui rend leur vitalité aux textes platoniciens.

Représentation de Platon

 

Félicitations de la communauté.

Ce prix nous montre que l’excellence se trouve dans tous les domaines de notre Université et que c’est bien cette profusion de domaines d’études qui fait la force de cet établissement.

Contactée, la lauréate confirme : « L’étude des textes anciens est un formidable matériau pour nous apprendre à penser et à vivre. Le prix Alfred Croiset est une chance pour l’Université de Lorraine qui continue à promouvoir la recherche et l’enseignement en ce domaine. »

« Comme directeur du laboratoire, j’adresse toutes mes félicitations à ma collègue. La prestigieuse distinction qu’elle vient de recevoir honore notre laboratoire, tout particulièrement son axe 4 (Philologie, littérature et philosophie : Antiquité, Moyen-Age, Renaissance), en même temps qu’elle illustre la qualité des recherches qui y sont conduites. Je suis certain que d’autres distinctions suivront. » a pour sa part déclaré le directeur de l’HisCAnt-MA, M.Vottéro.

Au delà de la question du conflit entre plaisir et pensée, cet ouvrage nous interroge sur comment faire dialoguer des concepts/discours apparement irréconciliables...Qui a dit que Platon était démodé ?