Semaine Internationale de Lutte Contre le Harcèlement de Rue

 
Publié le 6/04/2017 - Mis à jour le 9/05/2023

"87%, c'est la proportion d'étudiantes messines qui a confié avoir déjà été victime, au moins une fois au cours de sa vie, de harcèlement de rue. C'est la Semaine Internationale de Lutte contre le Harcèlement De Rue du 02 au 08 avril 2017, et c'est l'occasion pour moi de vous parler de ce sujet.
Occupant aujourd'hui le poste de Service Civique de la mission Égalité-Diversité de l'Université de Lorraine, j'ai avant ça obtenu un master en sociologie au cours duquel j'ai travaillé sur le harcèlement de rue à Metz, le prenant comme sujet d'étude pour mon mémoire de recherche. Plus précisément, sur le harcèlement de rue chez les étudiantes messines. Et les résultats parlent d'eux-mêmes. Sur les 300 étudiantes interrogées, 87% en ont déjà subi. 25% confient en faire l'expérience au moins une fois par semaine. Que cela se manifeste par des sifflements, des coups de klaxons, des demandes de numéro de téléphone, des remarques sur leur physique, ou encore sur leur tenue (liste non exhaustive), ces agissements ponctuent les déplacements des femmes dans l’espace public, et ce dès le plus jeune âge.

Ce que l'on a longtemps pris pour des expériences anecdotiques, quelques remarques déplacées, ou le fait de quelques dragueurs un peu "lourds", ce que l’on a longtemps ignoré, invisibilisé, décrédibilisant la souffrance des victimes, est pourtant une réalité quotidienne pour énormément de femmes. Si aujourd’hui on entend parler du harcèlement de rue régulièrement dans les médias, ce n’est pourtant pas nécessairement parce qu’il y en a plus. Mais bien parce que la parole autour de cette forme spécifique de harcèlement se libère. En 2012, le grand public « découvrait » le harcèlement de rue et les problématiques qu’il pose grâce, entre autres, au documentaire « Femme de la rue » réalisé par l’étudiante belge Sophie Peeters, qui retrace les expériences de harcèlement de rue que la jeune femme subit quotidiennement. C’est un pavé dans la mare. Les femmes prennent la parole, témoignent de ce qu’elles vivent, et l’on s’empare enfin du sujet. Notamment grâce à l’important travail de collectifs et d’associations qui traitent du problème. Parmi eux, Stop harcèlement de rue, Hollaback !, Colère : nom féminin, Paye ta shneck, pour n’en citer que quelques-uns.

Alors pourquoi c’est grave, le harcèlement de rue, et pourquoi on en parle autant ? Parce que cela constitue une entrave importante à la liberté des femmes, au sens où cela les contraints dans leurs déplacements. Elles sont nombreuses à confier y penser régulièrement, non seulement au cours de leur déplacement mais aussi avant, chez elles. Elles anticipent leur déplacement, c’est une pensée quasi constante. Cela influence leur vie, modifie leurs habitudes, leurs façons d’agir et de réfléchir. Sur le moment, pendant qu’elles se déplacent, elles confient procéder à une sorte d’état des lieux, elles observent l’environnement, les personnes qui les entourent, elles sont sur leurs gardes, à l’affût d’un danger. C’est un état d’alerte permanent, ce qui est épuisant au sens où cela ne leur laisse pas de répit. Entre autre parce que le harcèlement de rue les poursuit jusque chez elle, puisqu’elles sont également nombreuses à confier y réfléchir avant même de sortir. Elles pensent à leur tenue, à leur itinéraire, à l’heure à laquelle elles sortent, ou celle à laquelle elles vont rentrer, au fait d’être accompagnée ou non, au moyen de transport le plus adapté… Elles modifient leurs habitudes à cause de ce harcèlement, parce qu’elles l’ont intégré comme constitutif de leurs déplacements dans l’espace public. C’est un impondérable, et si ce n’est pas pour cette fois ce sera peut-être demain. Elles l’intègrent comme une variable à prendre en compte, et elles mettent en place des stratégies d’évitement du harcèlement de rue. A travers les variables évoquées ci-avant comme la tenue ou l’itinéraire, mais également en adoptant des comportements tels que le fait de téléphoner ou de faire semblant de téléphoner, porter des écouteurs même sans musique, baisser la tête en évitant de croiser le regard de qui que ce soit, changer de trottoir, adapter son allure de marche… Ces comportements ont pour but d’invisibiliser ces femmes, de les rendre indisponibles, inaccessibles, et de passer le moins de temps possible seule dans l’espace public.

Parce qu’elles ne s’y sentent pas légitimes, et c’est en ce sens que les remarques, les sifflements etc, constituent autant de rappels à l’ordre. L’espace public est masculin et les femmes n’y ont pas leur place, et si elles s’y égarent on ne manque pas de le leur rappeler.

Et 5 ans après le documentaire de Sophie Peeters, après cette prise de conscience, où en est-on aujourd’hui, en France ? Cette forme de harcèlement, difficile à encadrer juridiquement et donc à condamner, ne fait pour le moment pas l’objet de textes de lois. Pourtant, les campagnes pour lutter contre le harcèlement dans l’espace public et notamment dans les transports en commun se font de plus en plus nombreuses. A l’occasion de la Semaine Internationale de Lutte Contre le Harcèlement De Rue, vous êtes notamment invités à suivre cette campagne lancée par le collectif Stop Harcèlement de Rue, qui publie tout au long de la semaine des affiches portant sur ce sujet, comme celle jointe à cet article.

Pour en savoir plus sur le harcèlement de rue, comprendre les façons dont il s'illustre, les problématiques qu'il soulève et ses enjeux, ainsi que réfléchir à la position de témoin et aux manières d'agir sur le moment mais aussi en prévention du harcèlement dans l'espace public, quelques liens : 

Pour témoigner de vos expériences de harcèlement de rue et briser le tabou qui entoure encore ce sujet, les hashtags #stophdr #endsh vous permettent de participer au marathon organisé sur les réseaux sociaux à l’occasion de cette semaine.

Alors maintenant, qu’est-ce que vous faites contre le harcèlement de rue ?"