Un colloque sur la thématique de l’attractivité des centres-villes est organisé par le Centre Européen de Recherche en Économie Financière et Gestion des Entreprises (CEREFIGE) mardi 18 octobre 2016 à l’amphithéâtre de la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Moselle à Metz (Inscription ici). En préambule, quatre chercheuses développent les enjeux de cette rencontre dans un article pour The Conversation France.
Vous n’y croyez pas ? Pourtant, une simple promenade le samedi après-midi en centre-ville suffira pour vous en convaincre : les petits commerces ferment les uns après les autres et les centres-villes se vident progressivement de toute activité commerciale. Quelques statistiques permettent de mesurer ou de prendre conscience de l’ampleur du phénomène.
En France, de 1993 à 2007, la part de marché des petits commerces en centre-ville est passée de 22 % à 17 % (Insee, 2011). Selon Procos (Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé), le taux de locaux commerciaux inexploités pour une durée indéterminée a atteint 9,5 % en 2015 dans le centre des villes, contre 7,8 % en 2013. Et, il ne s’agit pas là d’une exception française car nombre de pays aux économies développées partagent ce constat comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne. Nilsson (2016) précise que le commerce local en général, et celui du centre-ville en particulier, est en train de vivre une phase de crise dans les pays industrialisés.
Le phénomène de la vacance commerciale concerne globalement toutes les villes. Cependant, certaines sont plus touchées que d’autres. Alors que la vacance commerciale se maintient dans les cœurs d’agglomérations de plus de 500 000 habitants, elle a tendance à augmenter fortement d’année en année dans les villes de moins de 100 000 habitants.
De multiples causes à l’origine de la vacance commerciale
Les causes de cette désertification des centres-ville visent l’ensemble des acteurs concernés : propriétaires de locaux commerciaux, acteurs publics, consommateurs et commerçants. Sans prétendre établir une typologie exhaustive, des causes principales peuvent être mises en avant :
La pression immobilière est telle dans certaines villes que les loyers exigés peuvent quelquefois être difficilement conciliables avec l’activité économique d’un petit commerce. Pour faire face aux propriétaires avides, des villes comme Thionville préemptent certains locaux afin d’installer des commerces indépendants.
La question de l’accessibilité du lieu pour commercer est une problématique pour le commerçant, mais également pour les consommateurs. En effet, la volonté des pouvoirs publics de limiter la circulation en centre-ville afin de lutter contre la pollution, peut avoir des effets contre-productifs en termes d’accessibilité des commerces se trouvant dans ces centres-villes.
Une autre raison régulièrement invoquée concerne le consommateur et son évolution en termes de comportement. Le consommateur devient de plus en plus expert, volatile, exigeant, connecté, prêt à consulter les offres de la concurrence sur son Smartphone alors qu’il se trouve dans un magasin. C’est l’émergence du consommateur-showroomer.
Par ailleurs, avec l’essor des centres commerciaux en périphérie des villes, l’espace commercial central en ville a perdu de plus en plus de parts de marché (CREDOC, 2005).
Ce phénomène de désertification conduit ainsi les commerçants à une profonde remise en question : comment exploiter les nouvelles formes de commerce ? Comment s’adapter pour survivre ? Comment attirer des « jeunes » pour entreprendre et développer ce commerce de proximité ?
Quelles solutions pour l’avenir ?
(Re)création de valeur pour le consommateur : Si les petits commerces, par la taille de leur surface de vente, sont les plus touchés, leurs fonctions sont cependant multiples. Ils apportent des services de proximité, ils participent à l’activité touristique des villes, ils valorisent le territoire, ils sont source de contacts humains et d’échange. Au-delà de l’exigence économique et de la valeur utilitaire (proposer un produit ou service au bon endroit au bon moment), ces commerces apportent une valeur ajoutée à l’expérience de vie en centre-ville. Dans une perspective sociétale, les consommateurs-citoyens peuvent choisir de consommer dans un commerce au sein de leur commune pour favoriser non seulement le maintien de cette activité, mais aussi des emplois locaux.
Le digital comme vecteur de flux : Le digital, pour être efficace, doit chercher à simplifier la recherche d’information et l’achat plutôt qu’à les complexifier venant s’ajouter et non s’intégrer dans le quotidien des consommateurs. La mise en place de solutions peu coûteuses comme une page Facebook donnant accès à des informations telles que les horaires d’ouverture, le numéro de téléphone, les nouveaux produits semble banale mais réellement efficace car faisant partie intégrante des outils digitaux utilisés quotidiennement par la population. En un mot, les outils digitaux proposés par les commerçants doivent être utilisés comme vecteur de flux.
Vers des stratégies d’actions collectives : La mise en place de stratégies collectives consistant à établir des relations de coopération entre les acteurs situés sur un territoire donné pour consentir notamment à des investissements de réputation (création d’une marque, renforcement de la notoriété, etc.) constitue une autre piste de réflexion pertinente. Une observation des pratiques actuelles permet d’entrevoir des voies de progrès. De plus en plus, de mairies recrutent des managers de centre-ville pour dynamiser la vie économique et coordonner les différentes actions entre acteurs comme ceci est le cas dans des villes comme Nancy ou Strasbourg.
Le développement des animations, des fêtes en tout genre, des marchés et des foires toute l’année forment des premières réponses à ce phénomène de dévitalisation. D’autres types d’actions collectives sont menées comme dans la ville de Millau ou de Metz avec un programme de fidélité pour l’ensemble des commerces situé en centre-ville. Ainsi, la communication à propos du centre-ville est axée sur les bénéfices engendrés par la carte mais surtout sur la volonté d’engagement du consommateur à maintenir sa ville en bonne santé en venant acheter dans ces commerces.
Une autre perspective que nous mettons en avant dans nos travaux (Yildiz et Heitz-Spahn, 2016) est l’implication des consommateurs/citoyens dans leur lieu de vie. En effet, nos recherches montrent que plus un individu est investi au sein de sa commune, plus il privilégie les commerces en centre-ville.
Sandrine Heitz-Spahn, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université de Lorraine; Helene Delacour, Professeur en sciences de gestion, Université de Lorraine; SIADOU-MARTIN Béatrice, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, Université de Lorraine et Yildiz Hélène, Maître de Conférences Habilitée à Diriger des Recherches Université de Lorraine, Université de Lorraine
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.