Colloque de clôture du projet ANR « Stérilité et recours à l’AMP dans le contexte de la mondialisation » organisé par le CREM, le Ceped, l'Ined, le LAM et le Cemaf.
L’AMP est un dispositif biomédical qui nécessite un environnement social, culturel et technique pour fonctionner, tout en étant lui-même producteur de savoirs, de compétences techniques et de formes organisationnelles spécifiques. Le développement de l’AMP en Afrique subsaharienne à partir des années 1980 est largement méconnu dans le monde scientifique et médiatique. Son histoire mérite d’être présentée pour mieux évaluer les conditions de diffusion et d’appropriation de cette innovation technologique et sociale par les acteurs sociaux (médecins de la reproduction, biologistes, patients, acteurs politiques et religieux). Par ailleurs, le recours aux biotechnologies de la procréation est révélateur d’un modèle de reproduction, basé sur la notion de désir d’enfant, modèle défendu par les classes moyennes africaines contemporaines, dans le contexte plus vaste de la santé de la reproduction et du droit des femmes (accès à la maitrise du corps, à la contraception et à l’avortement non clandestin et à des services de santé prenant en charge l’infécondité des couples). Ceci étant, l’AMP est porteuse de profondes inégalités de classes, de genre et de “race” (en Afrique du sud), et également d’accès à l’information.
A cette date, les technologies de la reproduction se situent dans des cliniques privées, même si des médecins hospitaliers tentent de réaliser des structures à “low cost”. Les clients de ces institutions incarnent une classe moyenne émergente à la recherche de soins de qualité nécessitant une introduction dans des réseaux internationaux où se mettent en place de nouveaux espaces de santé. Le recours à l’AMP modifie, de fait, leur rapport à la santé et à l’information médicale d’une manière plus générale. Dans ce contexte, ils n’hésitent pas à se déplacer à travers le continent africain ou même en Europe, s’adressant notamment en Ile de France aux services de médecine de la reproduction, avec un cadre médico-légal français jugé pour nombre de femmes migrantes nées en Afrique subsaharienne et résidant en France comme beaucoup trop contraignant (limite d’âge, don d’ovocyte anonyme). La notion de biosocialité est, ici, pertinente non plus pour désigner les espaces de mobilisation fondés sur l’expérience commune d’une pathologie (comme dans l’exemple des associations de malades) mais pour saisir l’expérience d’individus se retrouvant dans une expérience commune de relation à l’enfantement médiatisée par la science et dépendante du politique.
Les travaux présentés au cours de ce colloque visent également à faire état de l’évolution des « représentations populaires » de la procréation. L’AMP modifie-t-elle la dimension symbolique de la procréation et de la naissance (rôle des ancêtres et des esprits de brousse) ? Sommes nous ou non dans une situation de rupture ou observe-t-on des « articulations » avec les savoirs traditionnels locaux, en particulier ceux relatifs à la sorcellerie qui occupe une place si singulière dans l’interprétation de l’infécondité au sein des relations familiales ? Dans ce contexte socio-culturel, la femme est toujours mise en accusation et son conjoint, s’il est infécond, est protégé par l’ensemble des acteurs sociaux, et même par son épouse dans certains cas. La difficulté des hommes à reconnaitre leur infécondité est-elle surmontée par le recours à l’AMP et l’annonce médicale qu’elle nécessite ? Les hommes sont-ils prêts à s’émanciper d’une représentation lignagère de la fécondité (et donc de la transmission), pour accepter une « réorganisation » du schéma de transmission au niveau social et au niveau des rapports entre les sexes ?
Les travaux présentés au cours de ce colloque ont été réalisés par les membres d’un projet de recherche financé depuis trois ans par l’ANR Les Suds II. Ce colloque présentera l’état des connaissances sur le sujet pour l’Afrique sub-saharienne et en situation migratoire, à partir de données recueillies sur les arènes et forums publics consultés par les personnes infécondes et auprès de patients consultant dans des services de fertilité (Afrique du sud, Cameroun, Ile de France).
Organisation du colloque
- Doris Bonnet (IRD, Ceped)
- Marie Brochard (Université Paris Descartes, Ceped)
Comité scientifique
Doris Bonnet, Michel Cot, Véronique Duchesne, Viola Hörbst, Odile Journet, Frédéric Le Marcis, Madjid Ihadjadene, Luc Massou, Enric Porqueres i Gené, Emmanuelle Simon, Brigitte Simonnot, Irène Théry.