Des drones pour cartographier les paysages miniers anciens

 
Publié le 25/10/2015 - Mis à jour le 5/05/2023
Caméra LiDAR embarqué sur drone - Préparatifs de vol

Une analyse des paysages miniers

L’exploitation des ressources minérales a été le théâtre d’intenses bouleversements, contribuant à modifier durablement les paysages. La cartographie des sites miniers anciens permet de repérer les vestiges de surface : aires d’extraction, haldes, ateliers de préparation mécanique, habitats, voies de circulation… mais aussi d’approcher le contexte social de la production de certains minerais comme le cuivre. C’est donc un travail complexe d’analyse que les archéologues ont entrepris en s’appuyant sur des technologies innovantes comme la télédétection LiDAR.

Télédétection des vestiges archéologiques miniers

Depuis quelques années, une méthode de télédétection est de plus en plus utilisée en archéologie comme en gestion des territoires : le LiDAR (light detection and ranging), ou « altimétrie laser aéroportée ». Les premières expériences, au début des années 2000, se situent en Grande Bretagne et en Allemagne.  La technique LiDAR (Light Investigation and Ranging) permet d'enregistrer les reliefs du sol au centimètre près en planimétrie, en occultant la couverture végétale. Le principe est en apparence simple : un scanner embarqué dans un aéronef envoie des impulsions infrarouge laser vers le sol par balayage grâce à un miroir oscillant selon un angle défini par l’opérateur jusqu’à environ 30° et qui enregistre chaque écho réfléchi : ceux-ci décrivent la surface du sol, à travers branches et végétation. Un traitement informatique a posteriori aboutit à la création d’un Modèle Numérique de Terrain ou MNT sur lequel on peut discerner toutes les anomalies micro-topographiques permettant ainsi le repérage de vestiges archéologiques masqués par la forêt (chemins, bâtiments, ateliers, déblais de mines, etc.) avec une précision inégalée de l’ordre du centimètre. Le contrôle au sol des irrégularités de terrain reste toutefois incontournable afin de valider leur origine anthropique ou non et leur chronologie. En effectuant de tels relevés, les archéologues espèrent en effet mettre en évidence les vestiges les plus ténus encore enfouis sous la végétation et ainsi reconstituer l’histoire de ces exploitations.

Une convention entre deux laboratoires de l’UL et une entreprise de drone Air2D

Une convention entre deux laboratoires de recherche de l’Université de Lorraine : le Laboratoire HISCANT-MA - Histoire et Cultures de l’Antiquité et du Moyen-Age (représenté par Denis Morin) et le laboratoire CNRS LOTERR Laboratoire d'observation des territoires, (représenté par Dominique Harmand)  tous deux intégrés au pôle TELL, a été officiellement signée avec la société Air2D. Cette convention aura pour objectif le développement d'un programme de recherche en archéologie et en géographie des territoires à partir d'un drone LiDAR multi-échos. Un premier doctorant (Thèse CIFRE) doit être accueilli sur cette problématique conjointement auprès du laboratoire HISCANT-MA et du laboratoire LOTERR.

La télédétection aéroportée par drone : un défi technique

L’intégration d’une caméra LiDAR sur un drone représente un défi technique majeur car un tel dispositif doit impérativement pouvoir s’adapter aux turbulences spécifiques de vol. L’interface drone/LiDAR actuellement testée comporte une nacelle spécialement mise au point par l’entreprise Air2D afin de répondre aux exigences de télédétection et aux vicissitudes aérologiques : un appareil complexe pour une interface miniaturisée dont les premiers vols devront tester la résistance et la réactivité. Cette nacelle intègre un dispositif spécifique pour déterminer l’orientation précise du faisceau laser (UMI = Unité de Mesure Inertielle) qui enregistre le tangage, le roulis et la position de la plate-forme.

Un programme pluridisciplinaire pour traquer les plus anciennes traces d’exploitation minières

L’exploitation des minerais polymétalliques dans le Massif vosgien a connu un réel essor à la Renaissance. En l’absence de découverte archéologique antérieure au XVIe siècle, l’exploitation des ressources minérales en particulier le cuivre et l’argent, durant le Moyen Age ou l’Antiquité est encore du domaine de l’hypothèse. Tout reste à démontrer sur d’éventuelles exploitations antérieures à l’époque moderne. Les recherches initiées dans les Vosges saônoises ont révélé les premiers indices d’exploitation médiévale : il s’agit des mines de plomb argentifères du Mont de Vannes localisées à proximité de Melisey (Haute-Saône).

Dans le Warndt lorrain, les prospections récentes ont mis au jour des indices datés de la fin de l’Age du Bronze et du Premier Age du Fer. Parallèlement à ces travaux, des analyses effectuées sur des tourbières proches de certaines mines de cuivre par forages profonds ont permis de préciser l’âge de l’apparition de la métallurgie dans cette partie du massif dès la Protohistoire autour du IIIe millénaire avant J.-C. Ces indices ont poussé les archéologues à entreprendre un programme d’étude sur certaines exploitations minières du Massif vosgien. A l’évidence les conditions de la recherche archéologique sont ici favorables, plus qu’ailleurs à ce type d’approche. Le programme développé a pour objectif d’étudier ces exploitations et d’en préciser l’origine en s’appuyant sur les technologies LiDAR et un traceur chronologique omniprésent dans les mines : le bois. Un référentiel dendrochronologique est ainsi élaboré depuis plusieurs années sous la direction de Catherine LAVIER, archéo-dendromètre au Laboratoire d'archéologie moléculaire et structurale – LAMS - UMR 8220 - dans l’Est de la France à partir des bois découverts dans les mines du Massif vosgien ou encore liés à la vie minière comme les bâtiments (Ribeauvillé, Saverne, Otlingue…). Ces informations précieuses permettent ainsi d’appréhender l’approvisionnement et l’usage du bois mais aussi de reconstituer les climats anciens.

La mine de la Grande Montagne Château-Lambert dans le massif vosgien : premiers tests

Les mines anciennes ont exercé une pression indéniable sur les paysages. Ce projet ambitionne d’illustrer le  potentiel de cette approche en étudiant la cartographie des anciennes exploitations minières: des données qui devraient permettre de mesurer leur impact dans les paysages et d’en préciser l’extension.  Une première opération de télédétection a été menée sur le site minier de la Grande Montagne dans le Sud du Massif vosgien.  Cette opération s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche placé sous la direction conjointe de Jean CAUZID, géologue au laboratoire GéoRessources et de  Denis MORIN, archéologue et enseignant chercheur à l’Université de Lorraine (Laboratoire HisCAnt-MA) : une opération programmée à travers un Projet Exploratoire CNRS Premier Soutien (PEPS). Le filon de Château-Lambert aurait été exploité dès l'époque protohistorique. Les premières traces d'exploitation attestées remontent au XVe siècle. Les filons furent exploités pour le cuivre jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.

Le cheminement topographique réalisé sur l’ensemble du réseau souterrain, atteint un développement total de 8 240 m. Le filon est encaissé dans un massif de syénodiorite, affleurant sur plusieurs km2. Dans cette gangue se rencontrent des minéraux tels que la molybdénite (MoS2), la chalcopyrite (CuFeS2 : minerai de cuivre) et la pyrite (FeS2). Présents sur les crêtes, au-dessus du village de Château-Lambert, les déblais de mines accumulés en surface ou haldes en grande quantité attestent de l'importance des dépilages souterrains qui affectèrent le massif. Ce sont ces haldes qui ont fait l’objet des premiers vols et des premiers tests en laboratoire.

Denis MORIN, Laboratoire HisCAnt-MA (EA 1132)

Illustrations – © Photographies Denis Morin

Drone équipé d'une caméra LiDAR prêt au décollage
Drone équipé d'une caméra LiDAR en cours d'opération
Relevé photogramétrique par drone
Drone en opération en milieu forestier