Colloque "Lire et étudier (avec) la Bible en langue française"

 
Date(s): 
Jeudi 20 mars 2025 - 09:00 - Samedi 22 mars 2025 - 17:00
Lieu(x): 
Campus du Saulcy, Bât. Simone Veil et Marie Marvingt

La place de la Bible dans l’enseignement du français et de la littérature est complexe. À l’heure actuelle, des textes bibliques – plus spécifiquement, « un extrait long de la Genèse » – figurent au programme de français de la classe de 6e. C’est le seul item des programmes de l’enseignement secondaire public français qui demande une lecture effective d’un texte reçu comme sacré par les traditions monothéistes, que vise à compléter la recommandation, tournée vers d’autres textes sacrés et profanes, de lire « des extraits significatifs de plusieurs des grands récits de création d’autres cultures, choisis de manière à pouvoir opérer des comparaisons ». La Bible et le Coran sont en outre évoqués indirectement dans une perspective historique dans les programmes d’histoire. L’histoire des arts, la littérature, la philosophie mettent constamment les élèves en contact avec des références religieuses qui ne sauraient être comprises sans une référence aux textes bibliques.

Or les élèves, mais également les enseignantes et enseignants, sont bien souvent démuni·e·s devant des références qui échappent largement à des personnes vivant dans des sociétés en grande partie sécularisées, où la Bible n’est plus un objet de lecture courante, et où même sa fréquentation ne va pas sans susciter certaines craintes, du fait notamment d’une mauvaise compréhension du principe de laïcité. Se pose en effet en creux d’emblée le problème de l’historicisation de la Bible : l’étudier dans le cadre de l’école ou de l’université laïque en requiert une lecture critique, postulant une origine et une transmission humaine des textes. Dans la mesure où la Bible reste, dans ses divers canons et ses diverses versions, un texte sacré pour le judaïsme et le christianisme, est-elle un objet didactique comme les autres, en particulier comme les textes dits fondateurs de l’antiquité ?

Nous constatons ici un manque de ressources : si l’approche des faits religieux a donné lieu à de nombreuses réflexions et colloques, et produit des ressources pédagogiques par exemple disponibles en ligne sur le site de l’IREL-EPHE, la lecture et l’étude des textes bibliques dans le cadre du cours de français et de littérature a donné lieu à un nombre de travaux restreints, et n’a notamment pas ou peu posé la question spécifique de la médiation des traductions dans la lecture des textes bibliques et des textes littéraires qui s’y réfèrent. La Bible est couramment posée comme un objet invariable, faisant abstraction aussi bien de la pluralité des canons que de la diversité des traductions, diversité confessionnelle mais également formelle, dans les partis-pris de traduction.

L’étude de la Bible à l’université, dans les cursus de Lettres, trouve sa place essentiellement via l’étude des intertextes bibliques dans la littérature, notamment dans les cours de littérature française et comparée focalisés sur les questions de réception et de réécriture. Ces cours visent en général non tant à construire une connaissance du corpus biblique, qu’à illustrer sa grande productivité dans la littérature occidentale. Au contraire de ce que l’on observe aux États-Unis où les cours de Bible as literature fleurissent, les approches littéraires ne s’intéressent pas tant à la Bible comme corpus littéraire ancien que comme référence à connaître pour appréhender l’histoire littéraire et plus généralement l’histoire des arts. Se pose dès lors la question de la finalité des cours introduisant des textes bibliques : visent-ils à une meilleure intelligence de la littérature profane dans ses liens aux sources bibliques ? ou sont-ils (peut-être simultanément) l’occasion d’une introduction au corpus biblique bien souvent méconnu des étudiantes et étudiants ? Si l’on considère les débouchés des étudiantes et étudiants en lettres, qui sont nombreux à se présenter aux concours de l’enseignement primaire et secondaire, il ne peut échapper aux concepteurs des cours universitaires qu’ils contribuent à la formation des enseignantes et enseignants de demain, celles et ceux-là même qui assurent l’approche des faits religieux dans le cadre des programmes évoqués plus haut.

La conception même des nouvelles épreuves du CAPES peut être le lieu d’une interrogation à la fois sur l’enseignement de la Bible à l’école et à l’université, et sur l’articulation de cet enseignement aux valeurs de la République. La nouveauté principale du nouveau concours réside dans l’épreuve d’entretien visant à évaluer la capacité des candidates et candidats à réagir à deux « mises en situation professionnelle », en « s’appropri[ant] les valeurs de la République, dont la laïcité, et les exigences du service public (droits et obligations du fonctionnaire dont la neutralité, lutte contre les discriminations et stéréotypes, promotion de l'égalité, notamment entre les filles et les garçons, etc.) ». Une réflexion sur le positionnement des candidates et candidats sur l’approche des faits religieux peut être attendue et doit être anticipée.

Le but du présent colloque est de réfléchir, dans une perspective à la fois réflexive, comparatiste, et de construction d’outils didactiques, aux enjeux de la lecture et de l’étude des textes bibliques dans le cadre des cours de français et de lettres, et à la prise en charge des intertextes bibliques dans les textes littéraires.