La génération Y en questions : point de vue de deux chercheurs en sciences de gestion

 
Publié le 23/03/2015 - Mis à jour le 27/04/2015

Les 30 et 31 mars, du côté de l'ESM-IAE à Metz, Baptiste Rappin, enseignant-chercheur au CEREFIGE a organisé un colloque sur les « comportements de la Génération Y au sein des organisations ». Nous avons voulu en savoir plus sur cette génération qui fait tant parler. Aux côtés de sa collègue Aurélie Kleber, doctorante en sciences de gestion et spécialiste du phénomène, ils ont accepté de nous apporter leur éclairage en répondant à nos questions :

Comment pourriez-vous définir cette génération Y et pourquoi "Y" ?

Ladite Génération Y regroupe les personnes nées entre la fin des années 70 et le milieu des années 90. La majorité des auteurs écrivant sur le sujet s’accorde sur l’intervalle 1980-1994. La Génération Y succède à la Génération X, la génération désenchantée (1964-1978 environ). Elle tiendrait également son nom de la forme en Y que revêt le fil des écouteurs d’un baladeur, ou encore de la phonétique de la langue anglaise « Why ? », signifiant « Pourquoi ? », dans la mesure où la Génération Y est réputée pour sans cesse poser des questions. Par ailleurs, les Y possèdent de multiples dénominations : Millenials, digital natives ou encore Echo-boomers.

Pourquoi cette génération fait-elle tant parler d'elle ?

L’engouement autour de ce terme questionne. Certaines études ont montré des différences intergénérationnelles considérables, laissant entrevoir un possible « conflit de génération ». Depuis, la Génération Y alimente un débat dichotomique tant dans la sphère professionnelle qu’académique. Tous visent à démontrer l’existence ou la non-existence de cette génération. Le lien entre appartenance générationnelle et comportements a certes toujours été controversé, mais le terme « Génération Y » a relancé la polémique. Si le phénomène touche l’ensemble des sciences sociales, les sciences de gestion sont particulièrement impactées. Le débat concerne l’existence d’attitudes ou de comportements spécifiques au travail, et l’implémentation d’outils de gestion des ressources humaines particuliers qui en découlent.

La génération Y et le monde de l'entreprise : quels constats ?

Les jeunes et les entreprises paraissent aujourd’hui en décalage. Au sein des organisations, de nombreux stéréotypes sont assignés aux Y. Ils seraient focalisés sur les loisirs ou a minima à la recherche d’un équilibre vie privée-vie professionnelle. Face au management, les Y semblent irrespectueux de l’autorité : par exemple le manager n’est plus respecté parce qu’il est le « chef » mais uniquement s’il est compétent. Ils semblent demandeurs de feedback sur leur travail et leur levier de motivation majeur réside en des perspectives de carrière. Ces constats sont parfois remis en question en fonction de la catégorie interrogée : les Y à faible capital scolaire rencontrent-ils les mêmes problématiques que les Y hautement diplômés ? Comme l’a souligné Pralong (2010), l’effet de socialisation est parfois plus puissant que l’effet générationnel…Quoi qu’il en soit, les messages véhiculés par de nombreux DRH ou managers laissent à croire qu’un phénomène est progressivement en train de faire muter les organisations. C’est à cette problématique que tente de répondre le colloque « Comportements de la Génération Y au sein des organisations ».

Comment les entreprises appréhendent-elles cette génération ultra connectée ?

La Génération Y est née avec l’avènement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), même si elle ne les a réellement utilisées qu’au cours de son adolescence. Il n’est donc pas surprenant que l’univers 2.0 présent dans leur vie privée peuple progressivement le monde du travail. Une organisation plus souple et plus flexible fondée sur le mode « projet » semble plébiscitée par les Y. Les possibilités d’intraprendre au sein de l’entreprise – à l’image de Google qui concède 20% du temps de travail d’un salarié à la réalisation d’un projet personnel – les font rêver. Cependant, il est clair que ces nouvelles formes de travail ne sont pas réalisables pour tous les secteurs d’activités ou tous les métiers. La révolution technologique incarnée par la Génération Y n’est peut-être pas si évidente qu’elle n’y paraît…

Les modes de recrutement ont-ils évolué et comment ?

Certaines entreprises soucieuses d’attirer les « talents » de cette génération misent désormais beaucoup sur des techniques de recrutement novatrices. De l’entretien virtuel sur Skype à la construction d’un véritable assessment center, ou encore à l’utilisation de serious games, les pratiques sont variables. Ces outils ne sont pas seulement utilisés pour la Génération Y, mais elle est vraisemblablement à l’origine des changements. La relation recruteur-recruté semble impactée par les nouveaux besoins supposés des candidats, même si le traditionnel entretien individuel reste très largement pratiqué. L’évolution des modes de recrutement au sein des entreprises annonce d’ores et déjà d’autres transformations à tous les niveaux de la gestion des ressources humaines (intégration, formation, mobilité, gestion des carrières, rémunération, évaluation, qualité de vie au travail…). Autant d’axes de travail qui seront discutés lors du congrès « Comportements de la Génération Y au sein des organisations ».