Les géologues étudient les gaz extraterrestres pour retracer l’histoire du système solaire

 
Publié le 9/03/2015 - Mis à jour le 1/04/2015
Bernard Marty.

La mission Rosetta a connu un vif intérêt médiatique lorsque le robot Philae a rejoint la surface de la comète Tchouri en novembre 2014. Mais dès le mois d’août 2014, les chercheurs du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) analysaient déjà les premières données recueillies par les appareils de la sonde Rosetta. « A 200 kilomètres de la comète, nous pouvions déjà renifler son dégazage dans le vide spatial » explique Bernard Marty, professeur à l’école nationale supérieure de géologie (ENSG).

« Les gaz que nous étudions sont de véritables traceurs des processus chimiques » poursuit le chercheur, « la présence de tel ou tel isotope de l’azote ou d’un gaz rare dans une comète ou un astéroïde nous renseigne sur l’histoire du système solaire ». Retracer l’histoire du système solaire, mais aussi celle de la planète Terre, c’est tout l’enjeu de ces recherches. « D’où vient la vie sur Terre ? On pense aujourd’hui que les éléments grâce auxquels la vie est apparue sont venus de l’espace », Bernard Marty pense à l’eau de nos océans : « l’eau ne représente que 0.02% de la masse terrestre, elle a probablement été apportée par des comètes ou des astéroïdes ». La comète Tchouri est déjà hors de cause : « cette comète est trois fois plus riche en Deutérium [un isotope naturel de l’Hydrogène] que nos océans ».

quelques grains de comète ramenés sur Terre

Longtemps les chercheurs du CRPG ont travaillé sur le manteau terrestre. Ces quinze dernières années ils ont étudié des échantillons en provenance de toutes les missions spatiales depuis que l’Homme effectue des prélèvements dans l’espace : Apollo (USA), Luna (ex-URSS) ou encore Hayabusa (Japon)… « Nous avons commencé à collaborer avec la NASA sur la mission Genesis qui a recueilli des particules de vents solaires ». Après le crash du satellite à l’atterrissage « il a fallu quatre ans pour mettre au point des techniques de nettoyage des échantillons contaminés, mais nous sommes parvenus à effectuer les mesures ! » Suivra la mission StarDust, « quelques grains de comète, prélevés par une sonde et ramenés sur Terre pour analyse ».

Avec Rosetta, c’était un nouveau challenge, puisque jusqu’à présent le CRPG avait toujours travaillé sur les échantillons en laboratoire : « Kathrin Altvegg, la physicienne responsable de concevoir l’analyseur de gaz principal de la sonde nous a intégré dans l’équipe de travail sur cet instrument afin d’apporter notre compétence cosmochimique ».

Bernard Marty discute avec un doctorant dans les installations du CRPG.

Bernard Marty espère collaborer encore avec l’agence spatiale européenne (ESA), « le projet de retour d’échantillon Marco Polo n’a pas été retenu, mais on repart sur une nouvelle proposition en ce sens ». Jusqu’à présent l’Europe n’a encore jamais réalisé de retour d’échantillons extraterrestres.

En attendant, il reste encore beaucoup à faire pour comprendre l’évolution de notre atmosphère terrestre, c’est pourquoi les chercheurs du CRPG continuent d’étudier des traces d’atmosphères très anciennes contenues dans la roche. « Ces analyses nous fournissent des indicateurs de datation, c’est ainsi que nous avons pu estimer que la formation de la Lune à l’issue du choc entre la Terre et un corps de la taille de mars se situe autour de 40 millions d’années après la naissance du système solaire il y a 4,5 milliards d’années ».