Érosion et effondrement de très hauts sommets himalayens et les risques associés

 
Publié le 12/05/2023

Jérôme Lavé, chercheur au CRGP nous présente les résultats de sa dernière étude qui a permis d’identifier et de dater les dépôts d’un effondrement rocheux géant qui s'est produit il y a environ 830 ans en Himalaya.

Bien que nous paraissant immuables, les hauts sommets montagneux sont, à l'échelle des temps géologiques, éphémères : leur forme et leur altitude évoluent constamment en réponse aux actions opposées du soulèvement tectonique et de l'érosion. En Himalaya, en dépit de nombreuses études passées, on ne sait pourtant pas comment et à quelle vitesse les très hauts sommets de la chaîne s'érodent. Tandis que les fonds de vallée sont érodés efficacement par les glaciers, l'intensité des processus périglaciaires[1], qui érodent les parois rocheuses des hauts sommets, semble diminuer fortement avec l'altitude car les rochers y sont en quelque sorte scellés par la présence de glace interstitielle.

Ce contraste d’érosion entre base et sommet des montagnes pourrait en théorie conduire à un accroissement sans fin du relief et de l’altitude des sommets. Néanmoins, cet accroissement est limité par des instabilités gravitaires, c’est-à-dire des glissements de terrain. C’est ce processus qu’une étude récente conduite dans le massif des Annapurnas (centre du Népal) vient illustrer.

Cette étude a permis d’identifier et de dater les dépôts d’un effondrement rocheux géant qui s'est produit il y a environ 830 ans dans ce massif, impliquant un volume colossal de roches d'environ 23 km3. En estimant la stabilité moyenne des versants de la région, l’équipe a pu reconstruire la géométrie probable du haut sommet s’étant effondré, et qui culminait à plus de 8000 m d'altitude. Cet effondrement, ainsi que d’autres dans la région, suggère que les hauts sommets himalayens s’érodent très épisodiquement lors de méga-glissements rocheux : la lente augmentation (2-3 mm/an) de leur altitude par les forces tectoniques est ainsi brutalement annihilée par la réduction de plusieurs centaines de mètres de cette altitude. Ces effondrements géants génèrent de surcroît d’énormes quantités de sédiments aisément transportables par les rivières et qui peuvent avoir des conséquences dramatiques sur les populations vivant en aval.



[1] Cryofracturation, chute de blocs…

 

« Foret » de pénitents sculptés par l’érosion dans le dépôt massif de brèches sédimentaires, produit par l'effondrement géant de l'Annapurna IV il y a 830 ans (crédit J. Lavé)
Vertigineux sommet constitué de couches verticalisées de calcaire des Annapurnas (centre Népal) avec au premier plan la masse grise et compacte des brèches sédimentaires produites par l'effondrement géant de l'Annapurna IV il y a 830 ans (crédit L. Bollinger)