L’archéodendrométrie associe conjointement analyses tracéologiques, morphométriques et technologiques et permet d’acquérir des connaissances prenant en compte les interactions du matériau bois avec son environnement, offrant ainsi un potentiel extraordinaire de perspectives scientifiques. La thèse soutenue par Muriel Bordessoulles se concentre sur les évolutions méthodologiques des disciplines archéométriques associées à l’étude des bois archéologiques et historiques en intégrant une rétrospective épistémologique des différentes disciplines associées. Accompagné de réflexions sur l’évolution des recherches, son travail prend appui sur un corpus de neuf études portant sur différents types de bois et dans des contextes et selon des problématiques variés. La dernière partie de cette recherche plaide en faveur d’une redéfinition de cette discipline en devenir.
Muriel Bordessoulles a soutenu avec succès sa thèse de doctorat intitulée " Analyse et interprétation des bois anciens. Fondements et enjeux d’une discipline en devenir : l’archéodendrométrie" le 15 décembre 2022 dans les locaux de l’Université de Lorraine à Nancy.
Sa thèse était dirigée par Denis Morin, archéologue, Maître de Conférences, Directeur de Recherche à l’Université de Lorraine, et supervisée par Catherine Lavier, ingénieure de Recherche au C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France - Ministère de la Culture). Le jury de thèse était composé de Roald Docter, Professeur à l’Université de Ghent (Belgique), Joseph Gril, Directeur de recherche au CNRS à l’Institut Pascal (UMR 6602) basé à l’Université de Clermont Auvergne, Marie Christine Trouy, Maitresse de Conférences à l’Université de Lorraine, Manuela Romagneli, Professeure à l’Università degli studi della Tuscia, à Viterbe (Italie). A l’issue d’un exposé et d’un échange soutenu avec les membres du jury, où la candidate a développé avec conviction son travail de recherche, le jury unanime lui a décerné le titre de Docteure de l’Université avec la mention « Épistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques » ajoutant la mention « Histoire de l’art et archéologie ». Le jury a par ailleurs souligné et apprécié le caractère particulièrement innovant de cette thèse, mettant en exergue l’originalité et la qualité d’un corpus sur lequel s’appuie l’ensemble de la démonstration.
Une recherche innovante pour questionner les bois anciens
Depuis la Préhistoire, le bois est utilisé comme matière première au quotidien : pour allumer du feu, élaborer des outils, fabriquer des armes, construire des habitations ou des embarcations, réaliser des œuvres d’art... Dans cette quête du passé, les archéologues sont souvent confrontés à la présence de vestiges en bois. En général, la perception scientifique de ce matériau se résume souvent à la représentation d’un marqueur chronologique et/ou d’identification des espèces. Comment dès lors l’étude des bois anciens peut-elle intégrer autant d’évolutions méthodologiques sans aboutir à un bouleversement épistémologique ? Comment dépasser les difficultés du raisonnement qui caractérisent la perception du vestige, de l’objet en bois, sans renoncer à traiter la question de cette interconnexion évidente entre l’objet et son environnement ? Avec l’évolution de l’archéologie, de récents travaux vont désormais au-delà des datations, permettant l’émergence d’une approche renouvelée, systémique, fonctionnelle. Partant de ce constat, Muriel Bordessoulles déroule le fil de sa recherche privilégiant une démarche archéologique et une étude de cas multiscalaire, diachronique, à différents niveaux d’échelle.
Conjuguer le passé au présent
Comment dépasser les difficultés du raisonnement qui caractérisent la perception du vestige, sans devoir traiter la question de cette relation caractérisée entre l’objet et son contexte ? L’archéodendrométrie associe étroitement analyses tracéologiques, morphométriques et technologiques et réflexion épistémologique sur la signification du vestige. Une telle démarche permet d’acquérir un potentiel de connaissances inégalé prenant en compte les interactions du matériau bois avec son environnement. Dans une première partie, la recherche se concentre sur les évolutions méthodologiques de la discipline archéométrique associée à l’étude des bois archéologiques et historiques. Mettre en exergue une approche systémique du matériau bois permet d’élaborer une épistémologie de la discipline et ainsi de questionner les limites de l'étude archéométrique classique. Neuf études portant sur différents types de bois, dans des contextes et des problématiques variés, est ensuite déclinée afin d’étayer la démonstration. La dernière partie plaide en faveur d’une redéfinition de la discipline en développant différents protocoles d’étude détaillés dans des contextes archéologiques représentatifs et variés.
Une science à part entière et une discipline d’avenir
En archéologie, les faits sont au cœur de l’investigation ; leur mise en évidence, leur interprétation et leur mise en séquence chronologique permettent de reconstituer les scénarios qui ont pu amener à leur état final. Pour avancer dans la réflexion, on peut affirmer ici que les faits sont au cœur de la recherche, mais pas uniquement. Le contexte géographique, historique, sédimentaire dans lequel se situent les vestiges, les observations en laboratoire, sont autant d’objets de fouilles. C’est ce qui contribue à construire cette enquête indiciaire méticuleuse où le vestige, comme les mots qui lui sont associés, donnent aux évènements du passé cette dimension supplémentaire qui irrigue le temps de l’histoire.