Retour sur le premier Brunch virtuel « Economie circulaire dans le bâtiment »

 
Publié le 2/10/2020 - Mis à jour le 5/05/2023
Le premier brunch virtuel de l’université de Lorraine s’est déroulé ce jeudi 27 septembre dans le cadre de la journée Technomarket « Rencontres de l’innovation pour des bâtiments circulaires » organisé par le pôle Fibres Energivie. Six acteurs du territoire se sont réunis autour d’une table ronde, face caméra, pour échanger et réfléchir à la question de l’économie circulaire dans le bâtiment. Le public, à distance, était bien présent au rendez-vous.

Le secteur du bâtiment est l’un des premiers secteurs d’activité économique en France. Représentant 8% de l’emploi national, il implique des problématiques environnementales au niveau notamment :

  • De l’utilisation de nos ressources avec 46 millions de tonnes de déchets générés et 42 millions de tonnes de matières consommées pour la construction de bâtiment neuf par an ;
  • Des émissions de gaz à effet de serre représentant plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre nationale.

L’économie circulaire apparait comme un nouveau modèle économique prometteur pour le secteur afin de réduire son impact et de contribuer au développement économique des territoires.

Pour aborder les opportunités et les levers d’actions, la table ronde réunissait cinq intervenants aux profils complémentaires pour réfléchir sur l’ensemble de la chaîne de valeur aux côtés de l’animateur Sylvain Laurenceau, responsable de la thématique économie circulaire au sein du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) :

  • Sébastien Biehler : directeur développement au sein de Ritleng Revalorisations spécialisé dans le recyclage de déchets non inertes du BTP ;
  • Mickaël de Chalendar : directeur actions régionales et responsable Habitat Durable Sud-Est de Saint-Gobain Solutions France ;
  • Coralie Kozic Luccese : directrice du patrimoine de la Métropole du Grand Nancy ;
  • Elise Marcandella : maitre de conférences et chercheure au CEREFIGE à l’Université de Lorraine, membre du collectif de chercheurs PICOTE (Projets Innovants COllaboratifs Territoriaux) ;
  • Claude Valentin : architecte et dirigeant de HAHA Atelier d’architecture.

Au vu du nouveau contexte réglementaire (loi ELAN, loi AGEC), les acteurs du bâtiment vont devoir s’emparer des problématiques de recyclage de la matière. Depuis 2011, Sébastien Biehler a développé, en partenariat avec l’entreprise Siniat, un procédé permettant de recycler les déchets de la filière plâtre. L’obstacle principal de cette valorisation est la non homogénéité des matériaux récupérés en déchetterie. L’enjeu est donc d’extraite le matériau d’intérêt tout en garantissant les caractéristiques physicochimiques recherchées et l’absence de matières dites dangereuses. Pour Sébastien Biehler, une amélioration des procédés de recyclage est donc essentielle.

L’écoconception, c’est à dire l’intégration dès la conception du produit de l’impact environnemental, est également nécessaire pour favoriser le recyclage et limiter les déchets. L’entreprise Saint-Gobain travaille sur cette problématique depuis de nombreuses années et a su par exemple réduire le poids final de ses canalisations en fonte. Mickaël De Chalendar va même plus loin : l’écoconception doit être pensée à l’échelle du bâtiment. Saint-Gobain travaille dans ce sens et conçoit des façades préfabriqués grâce à une maquette numérique permettant d’optimiser la gestion des déchets au moment de la fin de vie du bâtiment. Les innovations techniques liés aux produits et aux procédés semblent donc nécessaires pour accélérer la transition vers l’économie circulaire. Mais la question de l’innovation organisationnelle prend une grande place dans ce débat et semble être un point de convergence pour l’ensemble de nos intervenants.

Claude Valentin, architecte au sein du cabinet HAHA, intègre la notion d’écoconception et cherche à s’appuyer sur des filières locales dans ses projets.  Pour lui, une réelle réflexion en amont doit être mener pour orienter le chantier facilitant les démarches de réemploi, d’écoconception et l’intégration des filières locales. Mais cela demande du temps, nécessaire pour coordonner les différents acteurs de la filière dans le but de proposer une réponse structurée et concurrentielle par rapport aux marchés nationaux et internationaux.

Au sein de Saint-Gobain, cette question organisationnelle se pose également. A été mise en place par exemple l’initiative Point P : un maillage territorial à travers différentes agences locales pour un tri en amont sur chantier, point clé pour Mickaël de Chalendar

Coralie Kozic Luccese, directrice du patrimoine au sein de la Métropole du Grand Nancy, ajoute que la structuration au niveau territorial d’une économie circulaire implique un travail en transversalité, menée avec une véritable volonté politique pour passer d’un projet emblématique tel que la Maison de la prévention du tri des déchets de Nancy (bâtiment à énergie positive et à objectif pédagogie) à des projets courants.

Enfin, Elise Marcandella aborde la notion de territoire capacitant. A travers son travail au sein du collectif PICOTE, elle met en évidence que de nombreux projets de territoire émergent, parfois similaires, sans se connaitre et sans collaborer. Un « territoire capacitant » serait un territoire capable d’identifier ces projets et ressources, de les coordonner afin de construire une cohérence territoriale. Aller vers un « territoire capacitant » demande de sortir des schémas organisationnels habituels, de mettre autour de la table les acteurs du territoire, d’ouvrir la filière du bâtiment à d’autres filières pour proposer un nouveau modèle économique territorial. Selon Elise Marcandella, le manque de financement et de temps est le véritable frein pour imaginer ses nouvelles façons de travailler.

Pour clôturer ce Brunch, chaque intervenant a pu proposer selon lui les leviers d’accompagnement majeurs à mettre en place. Tous partagent le même constat : il faut repenser le calcul des coûts d’un bâtiment jusqu’à sa déconstruction en intégrant les impacts sociaux et environnementaux. Aujourd’hui, explique Coralie Kozic, le coût intégré dans les marchés publics est celui de la construction et de la vie du bâtiment mais la déconstruction doit également être prise en compte. Cela révèlerait que l’investissement initial dans un bâtiment mieux penser et durable sera récupéré lors de la fin de vie du bâtiment. Le changement climatique, les mutations sociales et technologique vont bouleverser les logiques comptables du patrimoine. Cette réflexion doit être collective et permettre la création d’indicateurs d’évaluation pertinents, qui n’existe malheureusement pas encore. Enfin un changement de modèle culturel est aussi nécessaire pour accompagner cette transition vers l’économie circulaire : beaucoup de choses reste à inventer avec d’autres manières d’utiliser les matériaux impliquant une esthétique et des usages différents.

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