La Lorraine est bien connue pour ses mines de fer ou de houille. Les exploitations souvent précoces de minerais non ferreux, comme le cuivre ou le plomb du district minier du Warndt Sarro-Lorrain, sont beaucoup moins évidentes. En revanche, elles ont certainement contribué au développement des premières formes de métallurgie. Elles sont en lien avec les découvertes des nombreux dépôts datés de l’âge du Bronze dans cette région frontalière.
Un projet pluridisciplinaire, regroupant archéologues, ethno-anthropologues, géologues et historiens, est actuellement développé par le laboratoire HisCAnt-MA. Au cours des années précédentes, les opérations de prospection inventaire ont permis d’identifier dans ce district particulier près de 800 sites miniers répartis en mines et minières avec des datations qui s’échelonnent de l’Antiquité à l’Epoque moderne, jusqu’au début du XIXe siècle.
Pour mener à bien leurs investigations, les chercheurs se sont concentrés sur une mine souterraine encore accessible: la mine de la Grande Saule (Pb/Cu) dont l’occupation remonte à l’Antiquité avec pour objectif de recenser et d’analyser les nombreuses traces abandonnées par les générations de mineurs et les visiteurs occasionnels qui se sont succédés à l'intérieur des galeries. Dans cet environnement tridimensionnel, l’étude des traces qui recouvrent les parois permet de reconstituer le déroulement chronologique de l’exploitation souterraine y compris les périodes d’activités et d’abandon. Sources historiques à part entière, les traces d’outils particulièrement prégnantes sur un support géologique propice comme le grès, tout comme les graffiti qui émaillent les parois, constituent d’authentiques témoins d'une fréquentation souterraine quasi ininterrompue sur plus d'un millénaire.
La méthode employée vise à recenser puis à analyser les traces visibles : traces d’outils, traces fonctionnelles, comme les trous d’accrochage des lampes à suif, et graffiti. L’utilisation du scanner 3D, dont le laboratoire HisCAnt-MA s'est doté, a été déployé dans les réseaux souterrains par M. Caltagirone (HisCAnt-MA) assisté de J. Klosset (ERMINA) : plusieurs fronts de taille caractéristiques des techniques d’abattage utilisées au fil du temps ont été ciblés. Traces de pointerolles, de keils (coins), de pic ou de barres en métal, les traces d’outils sont omniprésentes et constituent ici des marqueurs incontournables pour appréhender l’évolution technologique et la dynamique générale de l’exploitation sur le plan chronologique. La répartition des traces sur les relevés topographiques permet en effet de valider les stratégies d’exploitation mises en œuvre en lien avec l’architecture de la mine dont la configuration reflète en partie la géométrie originelle des concentrations minéralisées.
Les inscriptions les plus lisibles, la plupart associées à une date, sont le plus souvent rédigées au noir de fumée, voire à la peinture, et concernent surtout le XIXe et XXe siècle. Les graffiti antérieurs à la période contemporaine ont été gravés directement sur les parois, plus rarement au toit des galeries. La présence d’inscriptions concentrées sur une paroi argileuse découverte au cœur du réseau souterrain de la Grande Saule est inédite et a fait l’objet d’un relevé détaillé. Cette présence de graffiti permet de cerner les périodes d’abandon de l’exploitation minière, entre espace de visite ponctuelle et zone refuge comme par exemple durant l’entre-deux guerres.
Le programme Warndt 2000 est placé sous la direction de Denis Morin, archéologue et enseignant chercheur émérite à l’Université de Lorraine, rattaché au laboratoire HisCAnt-MA.
Parmi les travaux engagés figurent les relevés géologiques pratiqués au pistolet analyseur à fluorescence X [XRF] (J. Cauzid, E. Lacroix, UMR GéoRessources-7359) dans les galeries. Ils permettent désormais de mieux comprendre la structure géologique mais aussi la composition et la disposition des minéralisations en présence. Une topographie souterraine détaillée a été effectuée sous la direction de S. Delpech, assisté par M. Delpech et J. Klosset (ERMINA*). Un dépouillement sériel aux Archives de l'Ecole des Mines, aux Archives Nationales et aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle et de Moselle, accompagne les investigations souterraines. Ce travail est réalisé par M. Philippe (HisCAnt-MA), archiviste et historien des techniques; il s’agit de confronter les informations obtenues en les comparant pour les périodes médiévales, modernes et contemporaines avec les sources documentaires encore existantes, comme les rapports de visite des ingénieurs des Mines.
Les opérations de terrain font l’objet d’une réflexion théorique sur la fonction de la trace en archéologie. Mené à partir des observations effectuées in situ, ce travail est coordonné par C. Prévot (HisCAnt-MA).
Enfin, les recherches ont également pour finalité de sauvegarder et de valoriser un patrimoine géologique et minier d'exception, en lien avec les collectivités territoriales concernées comme la Communauté de Communes de la Houve et des associations comme le GECNAL (Groupement d'Etude et de Conservation de la Nature en Lorraine) et la CPEPESC, (Commission de Protection des Eaux, du Patrimoine, de l'Environnement, du Sous-Sol et des Chiroptères).
*ERMINA - Equipe Interdisciplinaire d’Etudes et de Recherches archéologiques sur les Mines Anciennes et le patrimoine industriel